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Du rapport Clemenceau aux prémices de l 'autonomisme

Un rapport aussi appelé << rapport Clemenceau < aboutit .... sur le néant

Du rapport Clemenceau aux prémices de l'autonomisme .


Une commission, connue sous le nom de commission Delanney, du nom de son président, est instituée par décret du 24 septembre 1908 sur demande de Georges Clemenceau alors ministre de l’Intérieur, celui-là même qui en 1871 demandait que la Corse soit vendue pour un franc symbolique. Une sous-commission se rend alors en Corse en octobre 1908 pour procéder à une enquête sur place, et fait précéder son arrivée d’un appel aux collectivités, aux groupements, aux membres des assemblées élues. Il s’agit d’intéresser les Corses au sort de leur propre pays et de les amener à faire connaître leur opinion sur les remèdes qu’il conviendrait d’apporter à la situation de l’Île. Ce rapport aussi appelé « rapport Clemenceau » aboutit… sur le néant.

Une misère incomparable:
On trouve après l’introduction ce petit passage qui fera florès parmi les régionalistes : « La pauvreté du pays est extrême. Rien de comparable. Ni la Bretagne ni les Hautes-Alpes, ni peut-être aucun, pays d’Europe ne peuvent donner une idée de la misère et du dénuement actuels de la Corse. » Déjà la région la plus pauvre de France même si cette description est évidemment fausse. La situation des Balkans, du sud de l’Italie et de bien d’autres régions d’Europe était au moins comparable à celle de la Corse. Quant à la Bretagne, il suffit de lire les témoignages sur la misère des familles de pêcheurs pour être assurés que les rapporteurs ne s’y sont jamais rendus.

Les rapports succèdent aux rapports:

Des rapporteurs sont ensuite chargés de rédiger des conclusions pour chacun des ministres intéressés : travaux publics, postes et télégraphes, agriculture et forêts, instruction publique, justice, intérieur, finances. Dans son exposé comparé de la Corse et de la Sardaigne, le rapporteur, M. Chaleil, se plaint surtout de l’isolement de l’Île, de son insalubrité, de l’insécurité qui y règne. L’inspecteur des améliorations agricoles, préconise la confiscation des troupeaux comme sanction des délits de pâturage ou de dévastation des récoltes et un autre rapporteur propose la limitation du port d’armes apparentes. Rien que d’habituel depuis les Génois. Le rapport Delanney n’est suivi d’aucune mesure active, sinon la nomination d’un magistrat supplémentaire et le doublement de la solde des gendarmes nommés en Corse. Un journaliste écrit alors : « Les rapports succèdent aux rapports… Tous sont remplis de critiques amères, d’attaques dures contre la population insulaire. Mais nous y chercherons vainement les solutions de l’État… »

Une autonomie sous statut colonial :
Le Journal officiel du 4 juillet publie le compte rendu sommaire des travaux de la commission. Le peu de propositions de la Commission et le silence de Clemenceau déclenchent une salve de critiques de l’opposition. L’historien Henry Hauser, qui n’a pourtant aucun lien avec la Corse, critique le néant de la commission et propose des solutions dans un article écrit dans La Revue du Mois et dans La Revue politique et parlementaire : approcher autant que possible son administration de type colonial, c’est-à-dire lui conférer le maximum d’autonomie administrative. Le chef de l’administration corse doit être une sorte d’intendant groupant autour de lui et sous sa direction les services techniques ; n’envoyer en Corse que des fonctionnaires d’élite ; choisir ces fonctionnaires à l’extérieur de l’Île ; exécuter les lois avec justice, mais sans faiblesse ; interdire à tous les fonctionnaires de tout ordre toute immixtion abusive dans les luttes politiques locales. » Les mêmes mesures déjà proposées dix, vingt fois au fil des rapports administratifs envoyés à Paris au cours du XIXe siècle.

La naissance de l’autonomisme:

Deux ans plus tard naissait le premier journal en langue corse, A Tramuntana, fondé par Santu Casanova, l’un des pionniers du corsisme. Le 9 avril 1911, plusieurs milliers d’insulaires affluent vers le théâtre de Bastia pour fleurir la statue de Pasquale Paoli.Le 24 avril 1911, le 6e congrès de la Fédération des Syndicats d’initiative et amicales corses ouvre ses portes.
En mars 1914, A Cispra, fondée par Saveriu Poli et Ghjacumu Santu Versini, exprime en termes clairs l’idée nationale. « Il faut demander la reconnaissance de la nation corse. La Corse ne souffre que d’un mal : celui de ne pas être elle. Les rédacteurs, tous deux instituteurs, tiennent à exprimer leur amour de la France : “Nous comptons même sur son incomparable intelligence pour avoir d’elle, le jour où nous en serons dignes, la faculté de préparer librement nos destinées…
Tous les Corses doivent souhaiter une Corse autonome, une nation indépendante avec sa langue, ses lois, son gouvernement à part. (…) La Corse n’est pas un département français, c’est une nation vaincue qui doit renaître.”

GXC
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