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Irlande du Nord : Les Unionistes n'ont plus la main

Le Royaume-Uni ne peut sacrifier ses propres intérêts.

Irlande du Nord : les Unionistes n’ont plus la main


Le Royaume-Uni ne peut sacrifier ses propres intérêts. Le Sinn Fein est arrivé en tête en mai dernier à l’occasion de l’élection des parlementaires de l’Assemblée nord-irlandaise. Au fond de son tombeau, Guillaume d’Orange a le spleen.

Depuis le Brexit, aux termes d’un protocole conclu entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne, et ce également, afin de respecter l'accord de paix du Vendredi Saint qui a mis fin aux affrontements sanglants entre Unionistes et Républicains, l’Irlande du Nord doit rester intégrée au marché unique européen. Mais, ayant eu pour conséquence la création d’une frontière douanière et réglementaire entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne, le protocole est jugé inacceptable par les Unionistespour lesquels l’Irlande du Nord est une province du Royaume-Uni (et défendu par les Républicains qui sont satisfaits du maintien de la frontière restée ouverte et du libre-échange maintenu avec l’Irlande). D’ailleurs, pour montrer leur détermination à obtenir le retour au libre-échange entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne, les Unionistes refusent de participer à la formation du Local Government in Northern Ireland (gouvernement d’Irlande du Nord).
Ce boycott paralyse les institutions car,aux termes de l’accord du Vendredi Saint, le parti représentant majoritairement les Unionistes et le parti représentant majoritairement les Républicains doivent faire partie du gouvernement local.
Du fait de cette situation, si un compromis n’est pas trouvé, le Royaume-Uni encore souverain en Irlande du Nord sera confronté au dilemme suivant : s’il dénonce le protocole, il verra s’envenimer ses relations avec l’Union Européenne et devra faire face à une relance par les Républicains de la revendication de réunification de l’Irlande ; s’il applique le protocole, il sera accusé de lâchage par les Unionistes et devra gérer une grave dégradation des rapports entre les Unionistes et les Républicains.
Alors, depuis le début de cette année, les gouvernements conservateurs Boris Johnson et Liz Truss ont louvoyé. Boris Johnson a remis en cause de manière unilatérale le protocole.
Les Unionistes ont été invités à revenir sur leur décision de boycott. Liz Truss a déposé à la Chambre des Communes un projet de loi qui permettrait au Royaume-Uni de contourner unilatéralement le protocole. Des discussions ont été engagées avec l'Union européenne pour tenter d’obtenir une modification du protocole. L’heure de la fin du louvoiement a cependantpeut-être sonné car les interlocuteurs politiques directement concernés perdent patience.

Rishi Sunak fait bouger les lignes

La Commission européenne menace le Royaume-Uni de sanctions commerciales et a déjà lancé sept procédures, pouvant mener à une saisine de la justice européenne, pour non-respect des dispositions prévues dans le protocole. La présidente de la Commission Européenne a écrit à l’attention du Premier ministre britannique Rishi Sunak qui a accédé aux responsabilités il y a quelques jours : « Nous comptons sur une relation solide avec le Royaume-Uni pour défendre nos valeurs communes dans le plein respect de nos accords. »
Le Premier ministre irlandais a fait savoir à Rishi Sunak qu’il espérait la formation prochaine d’ungouvernement en Irlande du Nord et qu’il importait de trouver « des solutions au protocole ». Michelle O’Neill, la leader du Sinn Fein, qui sera la Première ministre d’Irlande du Nord si le gouvernement local est formé, a accusé les Unionistes « d’empêcher que nos voix (celles des Républicains, NDLR) soient entendues ». Rishi Sunak est semble-t-il déterminé à sortir de l’impasse.
En effet, à l’occasion d’une récente rencontre avec son homologue irlandais, il a fait connaître sa préférence « pour une solution négociée avec l’Union Européenne ». Le gouvernement britannique a d’ailleurs confirmé la bonne volonté affichée par Rishi Sunak. Il a annoncé que pour « donner le temps et l'espace nécessaire aux discussions entre le gouvernement britannique et la Commission européenne pour avancer sur l'évolution du statut post-Brexit de la province », il serait légiféréafin de repousser la date limite d’organisation de nouvelles élections en Irlande du Nord. Il devient donc plausible que soit conclu un accord Union Européenne-Royaume-Uni et que par conséquent les Unionistes ne puissent plus refuser de participer à un gouvernement Sinn Fein et que des élections ne soient pas organisées.
L’évolution de la situation confirme que le contexte devient défavorable aux Unionistes. Le Royaume-Uni ne peut sacrifier ses propres intérêts. Le Sinn Fein est arrivé en tête en mai dernier à l’occasion de l’élection des parlementaires de l’Assemblée nord-irlandaise. Les derniers sondages d’opinion font apparaître qu’une nouvelle élection donnerait à nouveau la victoire au Sinn Fein. Les résultats du recensement 2021 publiés le 21 septembre dernier indiquent que 45,7 % des habitants d’Irlande du Nord sont catholiques et que les protestants ne représentent désormais que 43,88 % de la population.
Les Unionistes n’ont plus la main. Au fond de son tombeau, Guillaume d’Orange a le spleen.

Alexandra Sereni




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