• Le doyen de la presse Européenne

<< La part du temps >> Dominique Ricci à l'Arsenale a voir jusqu'au 9 décembre

Une exposition flamboyante dans sa déferlente d'images et de couleurs

  Dominique Ricci à L’Arsenale « La part du temps »



Les salles de l’Arsenale, qui jouxte RCFM à la Citadelle de Bastia, nous offrent une superbe exposition du plasticien, Dominique Ricci. Exposition flamboyante dans sa déferlante d’images et de couleurs. Exposition épurée et sobre dans ses réalisations en noir et banc et aquarellées.



Ce qui frappe d’emblée chez Dominique Ricci c’est la variété de ses œuvres qui s’expriment sur les formats les plus divers en déployant des techniques multiples. En entrant à l’Arsenale on est accueilli par une suite de séries dénommées, « Balades », jouant sur des motifs fleuris détournés, mêlant collages et acrylique ; « Famiglia » ouvrées à partir de photos de famille d’anonymes associant numérique et celluloïd ; « Gammes » contant les exercices journaliers du dessinateur-peintre. Des « Gammes » parfois utilisées pour l’enrichissement, l’accomplissement de très grands tableaux. « Gammes » déclinées à la mine de plomb ou à l’aquarelle se suffisant à elles-mêmes, ainsi celles inspirées par un séjour à Ravenne. Très différente l’œuvre intitulée « 2 enfants » qui permet de vérifier combien l’artiste sait allier délicatesse du trait et froissage léger du papier.

Dans la pièce centrale de l’Arsenale on est saisi par d’immenses tableaux qui ont pour noms « Les 4 Rex mundi », qui empruntent les figures des rois des jeux de cartes. Ces «Rex mundi » inquiétant évoquent les quatre cavaliers de l’Apocalypse répandant la guerre, la famine, la mort, les conquêtes. Allégorie troublante de gouvernements nous conduisant au chaos en précipitant sur notre pauvre terre une succession de catastrophes ou de ce qu’il est de bon ton d’appeler « crises ». Cette gouvernance du n’importe quoi et de la déstabilisation permanente est d’une cruelle actualité. Les rois arborent le carreau, le cœur, le pique, le trèfle, mais sont au fond du pareil au même. Sur fond clair ou noir ils manient le fouet des tourments et des maux et laissent à l’occasion entrevoir des silhouettes guerrières ou des images de femmes d’antan d’une indifférente passivité. Néanmoins l’artiste assure ne pas fermer la porte à l’espoir d’une renaissance. « Pour moi, ces « Rex mundi » sont avant tout le signe de la fin d’un cycle », indique-t-il. N’empêche ce fouet des malheurs qui épouse la forme d’un ruban à la ligne courbe, droite ou cassée s’impose en véritable schlague.

Par contre, ce n’est sans doute pas vérité dans la dernière salle de l’Arsenale où l’on retrouve des pièces antérieures parcourues également par un ruban multicolore qui reflète alors plutôt un lien unissant des scènes d’enfance. D’adolescence. Des séquences plus paisibles, même si elles sont emplies d’énergie en renvoyant à Saint Antoine où se promenait le peintre enfant avec sa famille ; à Saint Joseph son quartier de naissance.

L’ensemble est foisonnement pictural tiré sur numérique à partir de graffitis, de croquis de l’artiste ensuite scannés, assemblés, montés suivi de reprises à l’acrylique et/ou au pistolet. Un travail minutieux misant sur une combinaison de fragments mémoriels pour célébrer, au final, une épopée.

Michèle Acquaviva-Pache

  • · A voir jusqu’au 9 décembre.
Les expositions de l’Arsenale méritent le détour. Mais pitié pour l’infortuné public ! Une meilleure signalisation s’impose…


  Entretien   avec     DOMINIQUE RICCI

Pourquoi avoir intitulé votre exposition, « La part du temps » ?
Je me tourne toujours vers le passé avec nostalgie pour mieux appréhender le présent et prévoir l’avenir… au moins essayer ! « La part du temps » c’est aussi une façon d’évoquer les accidents du temps. Les squelettes vus sur certains de mes tableaux rejoignent les vanités, ces allégories de la fragilité de la vie, de l’éphémère chers aux peintres du XVIII è siècle. Façon de dire : « Profitons de ce qui nous est donné, arrêtons les complaintes, jouissons de l’instant avant l’inéluctable… Et puis j’aime me plonger dans mes souvenirs d’enfance et d’adolescence.


De quand date votre passion pour le dessin, la peintre, la vidéo ?
Tout petit je me souviens que je dessinais au dos d’affiches que m’apportait mon oncle photographe, qui lui aussi adorait dessiner. Cet oncle disparu trop tôt, je men sens très proche. Grâce à lui j’ai découvert à 13 – 14 ans la littérature fantastique : Frankenstein, Dracula, les récits de Lovecraft. Au cinéma je me passionnais pour les effets spéciaux. Je me suis mis à faire des miniatures inspirées de film. A mon époque on se constituait ainsi une culture. Aujourd’hui je suis frappé par la dispersion de mes élèves.


Vous exposez depuis 1984. Quelles sont les étapes notables de votre évolution ?
L’étape capitale c’est la découverte du numérique dans les années 2001 – 2002. Depuis lors je travaille beaucoup sur logiciels que je détourne. Ma technique a de ce fait considérablement évolué. Pour donner du relief à mes œuvres j’intègre des gravures, des croquis à mes compositions.


Dans la présentation écrite de votre exposition vous parlez de quête dissidente. Pourquoi ?
Parce que je suis sans cesse en train de bousculer les choses. Parce que je suis un perpétuel insatisfait lorsque je veux atteindre un but précis dans un effet graphique. Ma quête est dissidente car je cherche l’accident… et que je refuse la facilité en asseyant mon propre style.


A l’origine d’un tableau avez-vous une idée directrice ? Un élément déclencheur ?
Je peux partir d’une émotion ressentie à la vue d’un tableau dans un musée et je procède à une adaptation qui m’appartient. De toutes les manières, chaque jour je fais mes gammes. Ces gammes au départ c’est presque du dessin automatique au stylo bille sur petit format, puis j’en prends un plus grand en utilisant la mine de plomb que je scanne et retravaille ensuite. Le hasard me guide… la nécessité également.


Dans vos œuvres il y a fréquemment foison des couleurs. Quelles sont vos préférées ?
J’adore le noir et blanc… et dessiner à la mine de plomb. Les couleurs bien sûr sont importantes mais je n’ai pas de préférence, sauf qu’avec le numérique j’aime les couleurs saturées afin de les rendre plus intenses, plus vives. Je joue encore souvent avec les contrastes.


Qu’attendez-vous du regard du visiteur ?
C’est pour moi une grande satisfaction quand on me pose des questions sur mon travail, que l’émotion du visiteur soit positive ou négative… Lors de l’accrochage quelqu’un a dit que mes tableaux avaient quelque chose de romantique. Ce ressenti était intéressant et traduisait un vrai partage d’émotion. Mais pour un plasticien il faut admettre que les œuvres exposées appartiennent à ceux qui les voient… Au public.


Vous enseignez au collège de Montesoro. Que vous apporte l’enseignement ?
Si je ne montre pas mes tableaux à mes élèves, tous les ans j’organise une exposition, « Artcol », pour faire connaitre aux collégiens de jeunes plasticiens locaux. Parfois il y a chez eux du rejet. Parfois de la curiosité quand on leur fournit des explications. Quand on leur donne des clés pour comprendre. A ce stade il faut faire preuve de pédagogie en apportant des réponses, en les aidant à interpréter les œuvres qu’ils ont devant eux. Dans mes cours, au long de l’année scolaire, je mets l’accent sur l’évolution dans l’art.


Votre travail actuel ?
Je continue mes recherches sur rhodoïd. Au quotidien je poursuis mes gammes qui vont pouvoir s’insérer dans de futurs tableaux.

Propos recueillis par M.A-P
Partager :