Après la session extraordinaire de l 'Assemblée de Corse sur la question mafieuse.
A-t-on jamais vu une réunion mettre fin à un phénomène de fond ?
Après la session extraordinaire de l’Assemblée de Corse sur la question mafieuse
A-t-on jamais vu une réunion mettre fin à un phénomène de fond ? Non jamais. Il ne faut pas attendre de miracle de la session extraordinaire de l’Assemblée de Corse sur la question mafieuse sauf à prendre le risque d’être une fois de plus désillusionné.
Trois ans d’attente et puis quoi ?
Trois ans pour discuter d’une question mal cernée. C’est long pour un bien piètre résultat. Car, en définitive quel était le sujet de cette session particulière ? La violence ou le grand banditisme, la « mafia », les maux qui frappent la société corse comme elles frappent uniformément toutes les autres sociétés du monde comme la drogue, la délinquance ?
On a eu l’impression de non-dits soudain jetés en vrac au centre de l’assemblée sans qu’il y ait un chef d’orchestre pour mettre un peu d’ordre dans cette cacophonie. Gilles Simeoni a tenu à contrecarrer d'éventuelles accusations contre l'administration qu'il dirige. Les indépendantistes ont comme toujours l’État français en prenant garde de ne pas mélanger les violences.
Quant à la droite, a contrario elle a tenté bien maladroitement de mettre en accusation la violence clandestine au même titre que celle des voyous.
Au lieu d'avoir un débat clair sur les menaces mafieuses qui pèsent sur la société corse on a eu un déballage sans autre résultat que la constitution de commissions qui, selon le bon mot de Clemenceau, serviront vraisemblablement à enterrer la question.
Parler de mafia et non de violence en général
C'est une occasion ratée alors même qu'un rapport de police établité une carte de la grande délinquance mafieuse en Corse. Il y avait matière à discuter sur des cas précis.
Le premier piège tendu à éviter était de traiter une fois encore et d’une façon rhétorique la question de la violence. Cela avait déjà été fait sous la présidence de Dominique Bucchini avec une absence totale de résultats. C’était ouvrir la boîte de Pandore pour que chacun y mette ce qu’il désirait (violence étatique, violence clandestine, violence domestique) noyant un peu plus le phénomène mafieux.
Le quotidien Le Monde publiait le même jour une longue interview de Laure Beccuau, procureure de la République de Paris qui dressait un état des lieux de la lutte contre le crime organisé et décrivait sa très inquiétante progression en France, mais aussi en Europe. Il était possible de s’appuyer sur cette dérive mondiale pour démontrer qu’en Corse le problème était pris à bras-le-corps et surtout que l’assemblée proposait des remèdes comme l’européanisation de la législation italienne en matière de lutte contre la mafia. Encore fallait-il accepter de traiter sur le fond la dérive mafieuse c’est-à-dire la rencontre d’élus, de voyous et d’affairistes pour attaquer la question par le bon bout. C’est d’ailleurs ce qu’on fait les deux comités antimafia à qui il faut rendre hommage tout en regrettant leur silence alors que des individus soupçonnés de participer à la dérive mafieuse ont été arrêtés.
Ne pas confondre les conséquences de la violence endémique et ses racines
Même si la droite n’avait pas totalement tort lorsqu’elle rappelait que le racket au nom de la cause nationaliste pouvait être confondu avec le racket dit crapuleux, mélanger la cause et les effets n’a fait qu’ajouter à la confusion ambiante. Il est regrettable qu’un historien ne soit pas venu sur place pour démontrer que la Corse baigne dans la violence depuis la nuit des temps.
La violence a parfois pris la forme d’un banditisme d’honneur (largement minoritaire), d’un banditisme crapuleux incarné par i parcittori (largement dominant) banditisme qui a souvent pris une forme mafieuse. L’emprise d’un Romanetti sur le territoire ajaccien, sa façon d’intervenir dans les élections (avec la complicité des clans et d’hommes politiques nationaux), ses crimes impunis avait l’apparence et le fond d’un système mafieux. Cela se passait entre les deux guerres.
La façon dont Joseph Bartoli a « tenu » la région du Taravu également. Faire un trait sur cette continuité historique comme le font aussi les Comités anti mafia, c’est tout simplement se condamner à ne pas connaître les raisons de la dérive actuelle et donc à ne pas trouver les chemins pour bien la combattre.
Un monde gris
Tout cela était écrit, il ne faut pas espérer annihiler ce phénomène mafieux qui intrinsèque au système de profits à tout prix dans lequel nous vivons. La corruption est planétaire et on ne peut opposer au mal un bien absolu. Tout au plus est-il possible de circonscrire la maladie mafieuse et de la contenir dans un périmètre particulier. Une autre difficulté s’est également fait jour durant cette session : fourrer toutes les formes de délinquance dans le sac mafieux. Non, le trafic de drogue n’est pas nécessairement mafieux.
Non l’incendiaire de son voisin n’est pas nécessairement mafieux. Car à ne plus savoir désigner un mal précis, on finit par le rendre acceptable.
GXC