• Le doyen de la presse Européenne

Quelle vie après la guerre pour la Russie et l'Ukraine ?

L'Ukraine et la Russie partagent certes une histoire commune mais en plus un souci majeur : celui de la démographie
L'Ukraine et la Russie partagent certes une histoire commune mais en plus un souci majeur : celui de la démographie. Les deux pays appartiennent au groupe de nations dont le déclin de population pose un problème de survie à court terme.


Il y a quatre-vingt-dix ans


L'Ukraine est un pays dont une partie a autrefois appartenu à l'Empire austro-hongrois. Elle a été colonisée par la Pologne avant de l'être par la Russie. Voie de passage pour les grandes invasions, elle a de plus subi les agressions atroces de la Russie qui visaient à lui faire perdre son identité culturelle. Frappée par une immense famine durant la guerre civile de 1917-2021, l'Ukraine avait été ensuite ciblée par un génocide perpétré par Staline.
En 1932, le régime communiste liquide les derniers vestiges de la Révolution de 1917 et notamment la Nouvelle Économie Politique qui avait autorisé le retour à la petite propriété agricole. Les récoltes des paysans sont alors confisquées. Entre 2 et 3 millions d'Ukrainiens périssent au cours de l'Hodolomor qui dure deux années. Des centaines de milliers d'autres sont déportés. Quand les armées hitlériennes pénétrèrent en territoire ukrainien en juin 1941, le racisme nazi provoque un rejet de l'occupant qui aurait pu jouer sur l'antistalinisme. L'Ukraine et la Biélorussie concentrent 80 % des 20 millions de civils soviétiques massacrés par les Allemands. La trouée sanglante est comblée après guerre par l'arrivée massive de Russes qui s'installent essentiellement dans la région du Donbass pour y extraire le charbon.
Malgré un essor des naissances après guerre, dès 1964, la démographie ukrainienne s'effondre. Le nombre des décès devient dès 1991 supérieur à celui des naissances. Avec la perestroïka et l'ouverture des frontières, l'émigration devient massive. Début 2022, juste avant le déclenchement de la guerre, l’Ukraine ne compte plus que 43 millions d’habitants, avec ceux du Donbass et de la Crimée, contre 52 en 1992, soit une perte sèche de neuf millions d’habitants en l'espace d'une génération. Depuis, plus de six millions d'Ukrainiens ont quitté leur pays.
Or les projections antérieures à l'invasion russe prévoyaient pour 2050, 10 millions de personnes en moins. Il faut ajouter à cette catastrophe démographique les morts et les blessés causés par les bombardements russes civils et militaires. La guerre risque donc — et surtout si elle dure — de laisser le pays exsangue.

En Russie pas mieux


La Russie compte une population trois fois plus nombreuse que celle de l'Ukraine, mais en aussi piètre état. Le 1er janvier 2020, la Fédération de Russie comptait 146 millions d’habitants·, en prenant en compte les deux millions d’habitants de la Crimée annexée en 2014, contre 148 millions en 1991 sans la péninsule. Les spécialistes estiment que l'épidémie de COVID a tué un million de personnes.
D’après des projections des Nations unies réalisées avant la pandémie et la guerre, la population russe pourrait ainsi s'affaisser à 139 millions d’habitants en 2040. Or ces résultats vont à rebours des prétentions du président Poutine qui voulait faire passer l’indice de fécondité de 1,3 enfant par femme en 2006 à 1,9 en 2025. La conséquence de cette infécondité est, comme d'ailleurs en Occident, un besoin vital pour l’économie russe d'un recours massif à l’immigration et à une immigration jeune. Il faudra aussi que les centaines de milliers de Russes qui ont fui le pays depuis février 2022 pour échapper à la répression et à la conscription reviennent. Ce sont pour la plupart des individus jeunes, diplômés dans des domaines à forte valeur ajoutée. La résolution de cette équation passe donc par l'arrêt d'une guerre ruineuse et le changement de régime.
Pour rappel, l'un des facteurs déterminants dans l'effondrement de l'URSS avait été la guerre d'Afghanistan et ses quinze mille morts. Les Américains annoncent cent mille morts et blessés estimés pour la présente guerre contre l'Ukraine.

Si la guerre dure


La question démographique va donc être le principal problème des deux pays après la guerre. Et plus celle-ci dure et plus les difficultés seront difficiles à régler. Si la guerre se prolonge pendant des années, rien ne garantit le retour des exilés dans un pays ruiné dans tous les sens du terme. Beaucoup auront fait leur vie en Pologne ou en Allemagne. Lors de son discours d’investiture d’avril 2019, le président Volodymyr Zelensky s’était adressé aux diasporas ukrainiennes, soulignant que l’Ukraine comptait « 65 millions d’habitants », répartis sur « toute la planète ».
Or jamais les diasporas durablement absentes de leur terre d'origine n'ont retrouvé le chemin du retour. Cette guerre, comme beaucoup d'évènements actuels marquent une rupture vraisemblablement définitive dans l'histoire des deux pays.

GXC
Partager :