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Diana Saliceti , des routes du chant à la clef des champs

Belle du chant et des champs....

Diana Saliceti, des routes du chant à la clef des champs.

Belle du chant et des champs …

Journaliste et agricultrice de formation, chanteuse et cavalière de profession, Diana Saliceti est une personnalité éclectique qui n’a pas peur des grands écarts. Pendant la période Covid, elle a créé une entreprise agricole dans son village de Porto Pollo et fondé une écurie de balades équestres. Une aventure entre chevaux corses et production d’huile d’olive qui s’intitule : L’Orca, Agri-cultura & cavalli. Rencontre avec une hyper-active :


Chanteuse, journaliste, agricultrice, tant de casquettes pour une seule tête, quel parcours a mené à cette vie Diana Saliceti ?

Après un bac au lycée Fesch, alors que toutes mes copines sont parties sur le continent, je suis restée à Bastia en prépa-lettres au Lycée Giocante de Casabianca. Je ne me sentais pas encore assez « grande » pour partir et puis Bastia m’attirait car j’y faisais des stages de chant notamment avec Jacky Micaelli. La prépa aux grandes écoles y est également excellente tant par la qualité des enseignements que par l’environnement qui entoure les étudiants avec une vie culturelle bastiaise foisonnante.
Je ne voulais pas forcément être chanteuse, mais je voulais chanter, donc j'ai adoré vivre à Bastia dans la citadelle et côtoyer des gens extraordinaires comme des membres des Chjami Aghjalesi, Diana di l’Alba, ou encore Felì et Hubert Tempête ! Ce que j’ai pu chanter au comptoir du Corsica (rires).
Je devais partir à la Sorbonne (je n'aime pas les gens qui disent “je devais, mais je n'ai pas pu” *rires*) mais c’est vrai, je m'étais inscrite à la Sorbonne pour aller en Lettres et puis j'ai voulu vivre au village en Castagniccia. J’ai toujours eu une sorte de schizophrénie entre partir vivre dans une mégalopole et faire ma vie au village. Je pense que nous sommes plusieurs à connaître cela en Corse. Nous avions reçu une lettre qui me donnait le droit à un logement social à Bastille, mais nous ne l’avons pas ouverte, j’ai voulu prendre ça pour un signe !
J’ai donc étudié en double licence à Corte, j'ai continué à chanter notamment avec Patricia Gattaceca au Centre culturel universitaire ou Jacques Culioli avec lequel nous avons remporté le prix de l’Eurovision des langues minoritaires en 2008.

Forte de cette expérience insulaire, vous avez voulu partir, voyager ?

Une fois cette double licence terminée, je me suis enfin décidée à partir. J’ai donc poussé la porte du bureau des relations internationales de la Faculté de Corse.
C’est ainsi que je suis partie en Irlande étudier la littérature comparée, je me suis penchée notamment sur l’imaginaire des minorités. En somme, j’ai analysé l'importance de l'imaginaire, comme par exemple des contes dans les peuples dits minoritaires ou minorés. Comment le fait politique irrigue l'imaginaire et comment ce dernier donne aussi de la matière politique aux soulèvements régionalistes et identitaires ! Mes recherches portaient notamment sur les revues du début XXème siècle en Corse avec notamment l’Annu Corsu et a Muvra et en Irlande avec des figures clefs comme le poète nationaliste William Butler Yeats. À cette époque, en Corse comme en Irlande, on recueille l’ensemble des contes et des légendes et on leur y adjoint une lecture souvent très politique et destinée à éveiller les consciences.
J'étudie cette thématique entre Dublin et Séville, et le titre de mon mémoire est le suivant : La formation du sentiment national des peuples minoritaires à travers l’imaginaire.
Je fais ensuite une escale, en seconde année de master, à Montréal en cherchant toujours sur les nationalismes, cette fois-ci québécois et corses ! Le québécois Lionel Groux et la revue L’action française seront alors mes nouveaux sujets de prédilection mais toujours en comparatif avec notre île. Je voulais réaliser un doctorat en co-tutelle entre la Corse et Montréal mais cela n’a pas été possible pour diverses raisons. Il y a souvent des portes qui se sont fermées précipitamment dans ma vie mais j’aime à croire que c’est un signe qui nous demande d’aller nous promener sur d’autres chemins.

Qu’est-ce qui a motivé votre retour ?

Je faisais déjà de la radio depuis mes 18 ans à RCFM et j’ai toujours adoré les médias notamment pour la pratique de la corsophonie, la sauvegarde de notre identité et la diffusion de ce qu’il se fait de mieux par chez nous.
Suite à un casting, j’ai animé une émission quotidienne avec Luc Mondoloni : Inseme.
Pendant ces années de télé, j’ai adoré être au contact des insulaires lors des nombreux directs réalisés en extérieur. C’est alors que s’ouvre la première édition du diplôme universitaire “Journalisme, Médias et Corsophonie”, cursus qui dure deux ans et se passe en alternance. Je réussi le concours et m’attendais à aller à France 3, tout était calé en ce sens en tout cas mais que nenni ! Je crois que ma vie est un éternel rendez-vous manqué ( rires ). Je réalise finalement mon cursus à Corse-matin. Pendant ces deux ans, je fais de très belles rencontres et je renoue avec la pratique de l’écrit. Une fois diplômée, je me suis consacrée à mon premier album que j’ai enregistré dans ma maison paternelle de Salicetu en Castagniccia.

Un revirement total alors, vous vous êtes exclusivement consacrée au chant ?

Je deviens intermittente du spectacle pour défendre ce projet musical avec une belle équipe de musiciens. Je vais alors faire le printemps de Bourges, des dates sur le continent, ce fut une très belle aventure que la promotion du disque Forse !
Toutefois mon éternel dilemme me rattrape et je m’inscris alors à une formation agricole sur Corte et ce, afin d’obtenir le BPREA au sein du Centre de promotion sociale de Corte.
Bastia, comme Corte ont pour moi été des villes de cœur avec des rencontres déterminantes dans ma vie professionnelle comme affective. Je décide de m’attarder au paese di l’orsu pour m’inscrire à une formation d’accompagnateur de tourisme équestre à Equiloisirs, un super centre de formation à Corte ! Nous sommes au printemps 2020… La suite vous la connaissez !
Au premier jour de la COVID, je pars au village à Porto-Pollo avec mon chat et mes deux chiens ! Avec mon frère Julien qui est de douze ans mon aîné, on démaquise des parcelles d’oliviers. À partir de là, je rentre en parcours d’installation agricole en tant que future jeune agricultrice et je monte mon entreprise dédiée à l’oléiculture et à l’élevage de chevaux corses et à l’équitation. Elle se nomme : L’Orca, agri-cultura & cavalli !

Pourquoi L’Orca ?

L’orca, c’est pour la jarre de l'huile d'olive !
Mais aussi pour l'ogre des légendes corses qui détient le secret des anciens.
Dans un de nos contes, les bergers veulent notamment le tuer ou le faire dormir pour obtenir le secret du brocciu par exemple.
C’est une référence à notre passé, à notre savoir-faire. Et puis, l’ogre est une partie de chacun d’entre nous, la partie animale, pas forcément aussi obscure qu’on pourrait le croire !

Si on connait Diana la chanteuse, qu'est-ce que qu'est-ce que l’on peut dire de Diana l’agricultrice ?

Elle est beaucoup moins bien habillé que la chanteuse !
Elle a les pieds dans la boue 85 % du temps… Elle connait les joies de la vie en plein air entourée d’animaux mais aussi les écueils : un petit charançon a mangé toute la production sur une oliveraie que je viens d'acquérir par exemple.
Ça renforce pour cette année le côté équestre avec notre écurie de balades que je souhaite ouverte à l’année.
Nous travaillons également sur le développement de la partie culturelle de l’Orca avec le premier numéro au printemps 2023, je l’espère, de la première édition de notre festival sous les oliviers. Ce sera l’avènement de ce lieu “agriculturel” auquel j’aspire avec un festival “TaraVoci” qui sera le festival agropastoral des voix et des voiles de Méditerranée.
Le but, c'est de rappeler les anciens systèmes de fonctionnement méditerranéen, que ce soit dans la pratique agricole, mais aussi dans le chant, dans l'oralité, le frêt à la voile… Avec des chanteurs et des conteurs forcémement d'ici et d'ailleurs. La voix sera mise à l’honneur sous toutes ses formes mais également la gastronomie, l’agriculture et l’artisanat.

Alors, avant “TaraVoci”, L’Orca à déjà acceuilli des évènements ?

En ce moment, nous faisons des sorties équestres à thème, on organise par exemple une sortie avec Petru Pasqualini (comédien et guide-conférencier) on part à Cupabia lui à pied avec des randonneurs et nous à cheval, pour enfin se retrouver et faire une grande Merendella avec nos participants, marcheurs et cavaliers. Nous collaborons également avec l’universitaire Don Mathieu Santini, le maitre sommelier Raphaël Pierre Bianchetti ou encore la naturopathe Céline Boulongne. Chaque sortie thématique se termine par un repas sous les arbres tous ensemble avec des menus qui mettent à l’honneur les produits locaux notamment la Vache tigre de Jacques Abbatucci dont nous découvrons le domaine à cheval. La dernière sortie en date est celle le Maître-Sommelier, Raphael-Pierre Bianchetti, à cheval nous sommes partis sur un parcours avec une pause au sommet des collines, dégustation et initiation au terroir local. Les vins du Taravu étaient bien-sûr au rendez-vous entre les domaines Vacelli et Abbatucci ou encore Sébastien Poly d’« U Stiliccionu ».
Nous essayons de proposer du contenu équestre, agricole, et patrimonial.
Le but c'est aussi de créer du lien social l'hiver pour les Corses ou les tourites, qu’on ne soit pas une région sinistrée l'hiver et que le sport de plein air soit encore praticable et vecteur de rencontres et de joie.

L’hiver justement, c’est un défi de travailler hors saison ?

Mon vrai pari, c'est de travailler à l'année.
Mes chevaux sont soignés, travaillés, nourris à l'année et j'ai réussi à créer un emploi dans le rural à l'année avec Camille, une jeune femme qui habite à Filitosa. Mon dessein c'est d’éviter de fonctionner sur un système alternatif “on /off” mais bel et bien d’être ouverte à l'année et que les gens puissent nous rencontrer lorsqu’ils le souhaitent. Si notre zone n'est pas très fréquentée l'hiver la commune de Sarra di Farru compte une école, une crèche, une pharmacie, une association qui anime le village et certains commerces qui ouvrent à l’année.
Je veux créer une animation de plus et pour l'instant il y a des gens qui sont heureux de ce que nous faisons et qui nous suivent.

Avec toutes ces vies et toutes ces obligations, vous êtes aidées ?

J’ai une employée très passionnée et compétente, Camille qui est en train de passer son diplôme d’accompagnateur de tourisme équestre à Corte et qui donc est en alternance chez moi.Ma famille est bienveillante à mon égard, ma mère m'aide à préparer les repas, mon frère m'aide à nettoyer les terrains.
J'ai la chance également d’avoir des amis inspirantes comme Tania Andreo qui a créé sa marque de vente de cosmétiques corses Corsica beauty et qui fait partie de ce nouveau cercle de ma vie “d’entrepreneuse”. Je pense aussi à Elodie Emanuelli de la marque Sgiò, à Elisa Mattei de Elisa di Gìo ou encore à Faustine Abbatucci : ce sont des femmes qui vivent leur entreprise courageusement au quotidien, elles m'inspirent beaucoup et nous nous entraidons dès que possible.

Passer du monde du journalisme et de la culture à celui de l’entreprise, c’est facile ?

Il y a les Corsican Business Woman qui ont mis mon entreprise à l’honneur lors de leur dernier congrès et qui font beaucoup pour les femmes qui entreprennent!
Elles sont à l'écoute et m’épaulent quand j’en ai besoin.
Avec les différentes casquettes chef d'entreprise, jeune agricultrice, chanteuse, journaliste, il faut savoir jongler et ce n’est pas toujours facile.
C’est une vie à cent à l’heure d’une part et ça relève parfois du casse-tête, surtout au niveau administratif et financier.
La grande aventure de la paperasse ! Un domaine auquel j’essaye de m’initier au quotidien malgré une légère phobie.

Qu'est-ce qui toi t'a poussé à troquer le strass et les paillettes contre la boue et les bottes ?

Alors, je n’ai jamais vraiment arrêté la musique. C’est le Covid et la recherche de nouvelles perspectives musicales qui m’ont poussé à faire une petite pause.
Mais je n'ai jamais cessé de chanter et ces temps-ci la musique me rattrape un peu puisque je fais partie du projet et de l’album “Corsu mezu mezu 2”. Je chante avec Thomas Dutronc en duo sur Dimmi Perchè et j’en suis très honorée car j’ai beaucoup d’affection pour ce grand artiste. Je défends également une formule professionnelle avec le brillant guitariste Jérôme Ciosi donc je suis toujours intermittente du spectacle.
Avec Jérôme, on a un beau concert à Bastia le 14 décembre sur la place du marché avec le groupe Eppò et une chanteuse sarde et ce autour de la candidature de Bastia au titre de Capitale culturelle en 2028. Une perspective que je soutiens bien sûr !
On prépare la tournée d'été et l'enregistrement d'un album pour l'automne prochain !
Je reste bifonctionnelle !
Avec une partie de mon cerveau et de mon cœur qui est dédié au chant et l’autre …aux champs !


Jean Colonna
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