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Le Régent à Bastia, 100 ans et en pleine forme

Le cinéma, Le Régent, de Bastia fête ses 100 ans. Une célébration heureuse. Des affiches d’époque à la fois nostalgiques et joyeuses au Centre Culturel, Una Volta.
Le Régent à Bastia
100 ans et en pleine forme !


Le cinéma, Le Régent, de Bastia fête ses 100 ans. Une célébration heureuse. Des affiches d’époque à la fois nostalgiques et joyeuses au Centre Culturel, Una Volta. Des dessins, des couleurs comme on en voit plus. Poésie et mystères mêlés. Invitation à une exploration en des temps passés mais qui ont aussi une résonance contemporaine. En parallèle une belle programmation sur grand écran.



L’exposition commémorant les cent ans du Régent s’étend au rez-de-chaussée d’Una Volta. On y découvre des affiches originales du cinéma muet, datant en particulier de l’inauguration du cinéma en décembre 1922 et du début du parlant en 1931.

Daniel Benedittini, actuel exploitant du Régent va, vient, regarde, explique, commente ce parcours muséal, véritable invitation à rêver un hier qui semble lointain mais aussi, paradoxalement proche ! « Son » Régent est la première salle construite vouée au cinématographe à Bastia et en Corse. Projet ambitieux et signe de l’attractivité de ce qu’on désignera comme le 7 è art : 880 places assises. Pour l’inauguration – le 9 décembre 1922 – les spectateurs bastiais vont assister à « Séraphin ou les jambes nues » avec le comique Biscot. Quelques dix ans plus tard Le Régent est équipé d’un matériel, « Radio-Cinéma » inédit sur l’île permettant l’entrée fracassante du parlant. Premier film du genre projeté, le 25 février 1931, « Les amours de minuit ».

L’exposition à Una Volta a été pensée et préparée par L’association La Corse et le Cinéma et Gabrielle Merlini de la Cinémathèque de Porto-Vecchio. La déambulation nous entraîne de « Corsica, idylle tragique en six épisodes », interprétée par Pauline Pô, dont l’affiche connote furieusement les attrayantes publicités de la société PLM (Paris-Lyon-Marseille), des chromos qui décorent tant de maisons insulaires, à « La bande à Bouboule » avec l’hilarant Georges Milton. La promenade va faire halte devant une affiche de « L’Aiglon » incarné par Victor Francen et décliné en une version féminine, « L’Aiglone », roman-ciné d’Arthur Bernède. La balade graphique nous offre également des programmes d’époque, des IPad sur lesquels on peut retrouver des extraits de films séduisants.

Pour célébrer le centenaire de son cinéma Daniel Benedittini a imaginé projeter « Les amours de minuit » (1931), « Séraphin ou les jambes nues » (1922) avec un accompagnement au piano par Pierre Reboulleau ainsi que des réalisations plus récentes mais non moins marquantes : « Le grand bleu », « L’enquête corse », « ET », « King Kong », « Rocky 4 ».

Michèle Acquaviva-Pache



Daniel Benedittini a été élevé au-dessus du Régent c’est dire qu’il a grandi aux vibrations du cinéma. Très tôt il a vu les films de Disney. Il s’est enthousiasmé pré-adolescent par « Le grand bleu ». Bouleversé ensuite par « Brave Heart ». Impressionné par « Seven ». Quand Bernard Reboulleau, le précédent exploitant s’est retiré de l’affaire, il l’a reprise en famille en 2009. Mais une inondation a interrompu l’activité des salles, qui n’a pu être relancée qu’en 2015 après un ardu combat.



ENTRETIEN AVEC DANIEL BENEDITTINI


Le public a-t-il repris goût à fréquenter les salles du Régent ?
Tout doux…Tout doux d’autant que l’attention a été polarisée par « La coupe du monde » ! En tous cas on annonce plein de bons films. Et même beaucoup de bons films car les confinements ont différé des sorties et des tournages. La programmation du début 2023 s’annonce belle. On attend avec impatience « Jeanne du Barry » où l’on va retrouver pour la première fois Johnny Depp dans un film français, parlant en français. On guette aussi avec intérêt le nouveau d’Artagnan.


Quand vous proposez des avant-premières est-ce pour stimuler la curiosité des spectateurs ?
Les avant-premières boostent toujours les sorties de films. Pour le public pouvoir discuter avec les équipes techniques, les réalisateurs, les comédiens c’est attractif. On a pu encore le vérifier avec « Le clan » d’Éric Fraticelli, le 11 novembre dernier. « Le clan », à mon avis, est encore plus réussi, plus mordant que « Permis de construire ».


Quels sont vos publics ?
Il y a les films que les gens viennent voir en famille. Il y a ceux que plébiscitent les adolescents. L’un des grands succès de la rentrée est sans conteste et cela peut surprendre, « Simone, le voyage du siècle » d’Olivier Dahan parce qu’il est émouvant et qu’il restitue bien le vécu de Simone Veil. Le producteur de cette œuvre est d’ailleurs le même que celui de « Permis de construire » d’Éric Fraticelli.


Les blockbusters sont-ils toujours des produits d’appel ?
Tout à fait. On peut citer « Avatar 2 », SF de James Cameron, « Wanna dance with somebody », biopic de Withney Houston par Kasi Lemmons, « Le chat potté 2 ». Voilà autant de fer de lance pour doper la fréquentation. Mais il n’y a pas que les blockbusters qui attirent le public. Des films à moins gros budgets vont aussi tirer leur épingle du jeu, comme « Le parfum vert », comédie d’espionnage de Nicolas Pariser avec Sandrine Kiberlain, « Les bonnes étoiles » du sud-coréen, Hirokasu Kore-eda, « Maestro(s) de Bruno Chiche, « Tempête », comédie dramatique de Christian Duguay avec Mélanie Laurent.


Les festivals de cinéma de Bastia ont-ils des répercussions positives sur vos salles ?

Organiser des fêtes autour du cinéma voilà des heureuses initiatives. En termes d’image les festivals sont un apport… en termes financiers beaucoup moins. L’important c’est qu’ils sont l’occasion de montrer des films d’auteurs plus pointus qu’à l’ordinaire. Parmi les spectateurs il y a ceux qui viennent toute l’année et ceux qui se polarisent sur les festivals qui leur permettent de voir de nombreux films dans un temps court. Ceux que je projette en avant-premières à Arte Mare, je les reprends dans ma programmation normale.


Le prix du ticket de cinéma est-il un frein ?
Dans certains grands multiplexes du continent, où l’entrée peut aller de 16 à 25 euros c’est très cher ! Au Régent le tarif normal est à 8 euros et à 7 pour les enfants en-dessous de 7 ans. Des partenariats avec le CCAS de la mairie et avec des comités d’entreprise permettent des réductions conséquentes. On propose également des cartes d’abonnement à 50 euros pour assister à 8 films sur une période de neuf mois, avec en prime une place gratuite si on renouvelle sa carte.


L’existence des plateformes a-t-elle un impact négatif sur Le Régent ?
Netflix pas tellement… mais le rachat par Disney de la Fox nous prive d’une grande partie du catalogue de cette grosse société de production. Par ailleurs il y a en France un bras de fer entre les différentes télévisions et les plateformes dans lequel, nous, exploitants sommes pris en otage… On en comprend l’enjeu : protéger la production française, mais il faut qu’un accord intervienne entre plateformes, ministère de la culture, groupes de télévisions françaises et ça au plus vite…


Où en est votre projet de multiplexe à Bastia ?
Il suit son cours. Si les exploitants du centre-ville ne s’en chargent pas, nous courons à une mort certaine. Ce multiplexe doit se situer au sud de Bastia dans la zone d’Erbajolo. On échange souvent avec la mairie à ce sujet. Elle est prête à s’engager.


Œuvrez-vous toujours dans l’éducation à l’image ?
Absolument, en particulier avec Cinetica, festival du cinéma d’animation. Cette manifestation est organisée avec Una Volta dans la foulée de « BD à Bastia ». Elle est coiffée par l’association, Cinem’associ, animée par Pénélope Jossen, Lea Maurizi, Laurent Hérin.


Que pensez-vous du cinéma des cinéastes corses ?
Qu’ils tournent ici ou hors de l’île je pense qu’ils représentent un véritable âge d’or du cinéma. Nos cinéastes sont nombreux et talentueux, chacun à leur manière : Eric Fraticelli, Thierry de Peretti, Gabriel Le Bomin, Frédérique Farrucci ; Pierre Salvadori, Caroline Poggi, Pascal Tagnati, Gérard Guerrieri, Catherine Corsini, Rinatu Frassati, Alexandre Oppecini, Stephan Rigoli, Paul Rognoni… Impossible non plus de ne pas citer la grande productrice qu’est Marie Ange Luciani.

Propos recueillis par M.A-P
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