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Irédé Eve Oduntan . Poèmes visuels

Feux d'artifice de courts - très - courts métrages.


Irédé Eve Oduntan
Poèmes visuels


Feux d’artifice de courts - très - courts métrages. Palette de couleurs infinie. Formes subtiles à la plastique mouvante, recomposée ou fondue. Les images défilent à l’unisson de la musique. Les dernières créations d’Irédé Eve Oduntan, hèl-vético-bénino-corse établie à Genève, offrent à imaginer de grands voyages aux multiples surprises.


Allégoriques. Symboliques. Impressionnistes…on a le choix pour qualifier ces œuvres si sensibles proposées par l’artiste. Et puis il y a les intitulés de ses films, intitulés poétiques, qui à la fois redoublent leur vitalité et en véritable fil d’Ariane nous emmènent sur un chemin visionnaire où chacun-chacune peut
inventer des histoires bien à lui, bien à elle, en toute liberté… Ces courts- métrages sont, en effet, appel à la liberté d’où leur saveur si particulière.

Avec « Le coeur est un confetti sur glace » on découvre au-delà des verts et des bleus, intenses ou profonds, une pérégrination de fillettes dans un univers indocile. Mais est-ce vraiment des petites filles qui processionnent
vers un ailleurs inconnu ? Où dirigent-elles leurs pas ? Vers un autre-part meilleur ou pire ? Avec « Un faune au paradis » on est un instant ébranlé… dubitatif tant la figure mythologique romaine a une allure christique.
Cependant son corps de mieux en mieux dessiné, incarné va lever toute incertitude : fesses rondes, cheveux souples, dos cambré, faune il est pour renaître et se dissoudre dans la nature.
« Sainte d’esprit » joue sur les mots car le court-métrage est prétexte à décliner toutes les émotions reflétées sur le visage d’une femme. Expression un rien moqueuse qui va vagabonder aux rives de la gravité, puis à celle de la méditation souriante. Paradoxe de cette « Sainte» qui au fond possède toutes les vertus !
« Sensibles » s’annonce telle une version black de la « Sainte d’esprit ». Black. Noire. Africaine.
Autant de portraits qui déroulent des camaïeux de regards et des nuances de bouches esquissant l'interrogation ou l’apaisement. Solaires et éclatantes de vie ces femmes… Beauté retrouvée des coiffures traditionnelles. Autre monde celui de « Sauvetage quai n°17 », titre énigmatique pour un duo de mains parcheminées qui disent l’usure de l’âge et les meurtrissures du temps. Mains nouées, dénouées. Doigts croisés, décroisés. Estampilles cruelles des années sur la peau et pourtant ces mains craquelées, défaites parviennent encore à danser en interrogeant le sort.
Où est l’avenir ? Dans le passé ? « De
l’air, de l’amour et du temps » nous fait vibrer à la vue de buissons de fleurs qui
ressemblent comme deux gouttes d’eau aux floraisons de cerisiers. Tout serait il bonheur ? Une branche d’arbre dépouillée de fleurs et de fleurs nous ramène à la réalité. C’était si beau ces nuées bleutées virant au rose. C’était la grâce.


Michèle Acquaviva-Pache

Missmixt Art Channel - LE SENS DU POSSIBLE https://vimeo.com/channels./mi...

          ENTRETIEN AVEC IRÉDÉ EVE ODUNTAN

Pourquoi être passée à la vidéo vous qui êtes cinéaste ?Entre la vidéo et le cinéma il n’y a plus de différence. La notion stricte de vidéo n’existe plus. Il y a juste une question de support et toutes les images sont désormais en haute définition. Faire du cinéma sur pellicule n’a plus de sens au plan économique et esthétique. En ce qui me concerne, je fais de l’image d’animation que je préfère à tout le reste ! Voilà d'où provient mon inspiration première, ensuite je me lance dans un travail de narration. J’ai aussi envie de privilégier des moyens légers qui me permettent de collecter des images que j’organise à ma façon avec un côté expérimental. Je suis également attentive à transmettre aux autres des moyens d'expression accessibles car moins onéreux.


En concevant vos films avez-vous en tête des thèmes précis ?Je considère que je fais des films qui ont un objet narratif. Au départ il n’y a pas de thème mais des choses qui se recoupent… Dans l’ensemble mes thématiques tournent autour du temps et de l’altération. Souvent on me dit que mes œuvres reflètent un univers aquatique, mais pour moi elles sont une manière de parler de la vie et du temps qui passe.


Les titres de vos films sont très poétiques, est-ce en résonance à la poésie visuelle que vous insufflez à vos images ?
Absolument… Ma définition de ce que je fais est « poèmes visuels ».

Les couleurs dans vos créations sont très importantes. Ressortent-elles d’une grammaire particulière ?
Je ne crois pas ! Cela vient de mon goût pour la couleur. Dès mes premiers courts-métrages on a souligné que lumière et étalonnage s’inscrivaient dans des gammes inhabituelles, soit des couleurs plus vives, plus intenses que la moyenne. On évoquait encore une recherche sur la matière.

Qu’est-ce à dire ?
Mes films s’apparentent à des tissus qui ont des textures différentes - jamais lisses - pour procurer de l’émotiom chez le spectateur.

Vous revendiquez-vous de l’influence de Rimbaud pour

qui il y a concordance entre couleurs et sons ?
Je n’y ai jamais pensé, mais mon travail de narration s'appuie sur une cohérence, sur un intimité entre musique et image… Ça oui !

Dans vos réalisations avez-vous un a priori politique ?
Par moment il y a coïncidence avec certaines thématiques politiques, autrement non… Ce qui m’intéresse c’est l’intersectionnalité des luttes, des combats d’aujourd’hui : la question de la place des femmes, des personnes non blanches, du genre, de l’écologie, de la nature.

Un artiste se détermine par rapport à la société où il vit. Dans quelle optique se situent vos films ?
Question difficile s’il en est… Je baigne dans une société d’images, de sons et j’ai les moyens de créer des espaces de calme, de méditation, de rêve qui manquent à notre société. C’est peut-être là l’enjeu caché de mon travail !


L’apolitisme n’existe pas en art. Etes-vous d’accord avec cette assertion?
D’accord tout geste artistique à un sens… autrement pourquoi l’entreprendre ! Mais on ne peut contrôler totalement son effet sur un spectateur. Et c’est là quelque chose à accepter parce qu’à partir d’un moment une œuvre n’appartient plus à son auteur… En vrai un geste poétique peut être politique s’il est capable d’induire du changement, en tous cas je l’espère !

Comment travaillez-vous avec la compositrice dont la musique accompagne vos films ?
Je suis fasciné par la qualité du travail de Rinata Shaka et par sa productivité. En m’ouvrant son catalogue et en me donnant carte blanche elle a propulsé mes créations vers d’autres formes. Entre nous s’est établi une relation de confiance. Avec elle il y a une notion d’expérience partagée qui apporte de nouvelles couleurs à ce que je fais.

Avez-vous des collaborations autres que celle entretenue avec Rinata Shaka ?
Mes principales collaborations sont le « Collectif Chacun.e Son Paradis » et le « Collectif MissMixt » . Dans les deux on retrouve Rinata Shaka et Frédérique Arianeger, photographe d’art. Avec ces deux collectifs on a un projet de galerie immersive dans notre lieu de la rue Leschot à Genève.

Vos perspectives pour 2023 ?
Mener à terme notre galerie immersive. Continuer à accueillir des artistes en résidence dans notre local du centre-ville genevois. Produire en juin le festival, « Healing Poetry », sur les vertus curatives de la poésie. Poursuivre notre action de « noircir » Wikipedia pour refléter l’héritage culturel des afro-descendants afin de faire évoluer les mentalités.


Propos recueillis par M.A-P
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