Vie politique 2023 : neuf pour du neuf ?
ILs ont marqué des essais l'an passé. Que vont-ils devenir ?
Vie politique 2023 : neuf pour du neuf ?
Ils ont marqué des essais l’an passé. Ils devraient les transformer cette année. Ils sont neuf, ne sont pas tous neufs, mais ils affichent la volonté d’apporter du neuf dans le vie politique de notre île.
François-Xavier Ceccoli (Les Républicains, maire de San Ghjulianu).
Sa candidature aux élections législatives dans la deuxième circonscription de la Haute-Corse, ne semblait pas menacer le député sortant Jean-Félix Acquaviva. Pourtant, à l’issue du second tour, l’écart n’a été que de 156 suffrages. Désormais - soit à partir de son parti dont il préside la fédération 2B, soit en dehors si la ligne politique nationale Eric Ciotti flirte avec celle du Rassemblement National - il entend capitaliser sa percée et sa dynamique dans la construction d’une droite corse de rassemblement, sociale et décentralisatrice : « Il y a des gens à gauche qui, comme moi, partagent des idées sur le social et le développement sain et serein de notre île (…) Ma seule ligne blanche, et elle est très claire, c'est que d'éventuelles compétences supplémentaires doivent être mieux exercées par la Région en direct qu'elles ne le sont par l’État. »
Dylan Champeau (Inseme a Manca).
En obtenant moins de 5 % des suffrages exprimés à l’occasion des élections législatives dans la deuxième circonscription de la Corse-du Sud, il n’a certes pas remis la gauche de Corse à l’heure de la renaissance. En revanche, il lui a insufflé de la consistance idéologique et des perspectives de lutte. En effet : il a privilégié des problématiques (défense des conquêtes sociales, radicalité anti-libérale, urgence écologique) autres que celles du débat institutionnel et des derniers caciques de la gauche locale ; il a écorné l’image d’Épinal d’une Corse du consensus et de la solidarité en dénonçant une « caste de privilégiés qui brasse l'argent tandis que d'autres n'arrivent pas à joindre les deux bouts en travaillant » et une société où « ceux qui construisent des maisons n'ont pas la possibilité de se loger et où ceux qui servent dans les restaurants et les hôtels ne partent pas en vacances » ; il a fustigé l’insuffisance de la majorité territoriale en matière de justice sociale.
Romain Colonna (Femu a Corsica, conseiller de Corse, conseiller municipal d’Aiacciu).
A l’occasion des élections législatives dans la première circonscription de la Corse-du-Sud, il a franchi un palier. Alors que ses parcours professionnels (professeur Langue et Culture Corses, universitaire spécialisé dans la sociolinguistique) semblaient le destiner, dans le cadre de son action militante et de l’Assemblée de Corse, à se consacrer à son domaine de compétence, il s’est révélé être un redoutable candidat de terrain et un fin politique capable de convaincre et rassembler. Laurent Marcangeli a dû s’employer à fond et user de toute son influence de maire d’Aiacciu et de président de la Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien pour difficilement l’emporter contre lui (12 013 suffrages exprimés soit 51,76% contre 11 195 suffrages exprimés soit 48,24%). Il a d’ailleurs immédiatement pris la mesure de son résultat et de la perspective favorable que cela ouvrait à son camp : « Politiquement, il y a eu ce soir un véritable tremblement de terre démocratique (…) Laurent Marcangeli a gagné électoralement, nous avons gagné politiquement (...) La citadelle ajaccienne a vacillé, nous allons continuer à travailler pour la faire tomber prochainement... »
Josepha Giacometti-Piredda (Corsica Libera, conseillère de Corse).
Son engagement nationaliste est ancien (au lycée, à l’Università di Corsica dans les rangs de la Ghjuventù Indipendentista, militante de Corsica Libera). Elle a accédé, jeune et en moins de dix ans, à ce que beaucoup d’acteurs politiques chevronnés n’ont jamais goûté ou ont mis des décennies à atteindre : conseillère de Corse en 2010 (benjamine de l'Assemblée de Corse), conseillère exécutive en charge de l'éducation, de la culture, du patrimoine, de la recherche et de l'enseignement supérieur en décembre 2015 après la « victoire historique » et à nouveau de décembre 2017 à juillet 2021. Après un tel parcours et la déconvenue de son parti en juin 2021 (éliminé au premier tour des élections territoriales), elle aurait pu succomber à la tentation de Venise, il n’en n’a rien été. Depuis juillet 2021, elle est la seule élue de l’Assemblée de Corse à porter le message indépendantiste. Depuis quelques semaines, elle est un des deux porte-paroles de Corsica Libera. Enfin, elle représente son parti dans le cadre des réunions du processus Darmanin.
Julien Paolini (Femu a Corsica, conseiller exécutif, maire d’U Petrosu).
Depuis juillet 2021, à la tête de l’Agence d'aménagement durable, d'urbanisme et d'énergie, il s’expose dans le traitement de dossiers sensibles. En effet, l’Agence est notamment chargée d’initier, éclairer ou appliquer les orientations de la Collectivité de Corse en matière d’urbanisme, d’aménagement durable, d’énergie, d’air et de climat. Prochainement, il va s’atteler à une tache aussi ardue que périlleuse : réviser le très controversé Plan d'aménagement et de développement durable (Padduc), et ce alors que le temps presse car des dispositions de ce document empêchent plusieurs communes de finaliser et valider leur Plan Local d’Urbanisme. Cela ne sera pas une partie de plaisir car il lui faudra compter avec les contraintes et approximations de la législation nationale, les besoins et les exigences des communes, les revendications des défenseurs de l’environnement, les intérêts souvent antagoniques des propriétaires fonciers et de la profession agricole, les pressions des promoteurs et des spéculateurs immobiliers, les critiques des opposants politiques.
Louis Pozzo di Borgo (Femu a Corsica, président de la CAB / Communauté d’Agglomération de Bastia, conseiller de Corse, premier adjoint au maire de Furiani).
Il a accédé aux commandes de la CAB (juillet 2020). Sa vision stratégique de l’évolution de l’institution et du développement du territoire communautaire ainsi que sa gouvernance sont lisibles : parvenir à un élargissement consensuel du territoire communautaire vers le Cap Corse et la Marana en associant progressivement les communes de ces territoires à des projets partagés et fédérateurs ; rénover les grands équipements communautaires ; achever le stade Armand Cesari ; mettre à niveau l’exercice des compétences communautaires dans des domaines vitaux tels que le traitement des déchets, les transports urbains, le tourisme, l’habitat, le développement économique ; rationnaliser la gestion budgétaire afin de dégager une marge de manœuvre financière pour l’investissement et la qualité du service à l’habitant y compris en accroissant la pression fiscale et en courant le risque de l’impopularité ; réorganiser les directions et les services pour les rendre plus opérationnels et performants. Dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse, étant un des bretteurs Femu a Corsica qui croise fougueusement le fer avec les opposants lors des débats majeurs, il est un des élus qui symbolise la réussite de la greffe entre l’autonomisme siméoniste et les élus issus de la classe politique « traditionnelle ».
Stéphane Sbraggia (maire d’Aiacciu, président de la CAPA / Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien)
En juillet dernier, à la suite de la victoire de Laurent Marcangeli aux élections législatives, il a quitté l’écharpe de premier adjoint pour revêtir celle de maire et a accédé à la présidence de la CAPA. Il n’était pas écrit qu’il puisse d’emblée s’imposer. Or il a très vite trouvé ses marques. A la CAPA, il s’est inscrit dans la continuité en indiquant dès son élection vouloir
« préserver le pacte communautaire ». Aux commandes de la ville, tout en affirmant sa volonté de mener à bien les orientations stratégiques du programme « Ajaccio 2030 » porté en 2020 par Laurent Marcangeli et validé par les électeurs, il imprime un style et développe des démarches qui lui sont propres. Sa présence médiatique est mesurée, presque parcimonieuse, et reste centrée sur l’évocation des problématiques communales et du Pays ajaccien. Alors que son prédécesseur allait volontiers au contact voire au conflit quand l’opposition montait au créneau, il opte pour la pédagogie. Enfin, il met fortement l’accent sur la solidarité sociale et développe sa propre vision de la gouvernance et de la délégation de pouvoir. Deux inflexions majeures qu’il avait d’ailleurs très tôt annoncées et détaillées dans les pages du site web de sa ville (Ajaccio, Cità d’Aiacciu) : « Les familles les plus fragiles nécessitent des actions concrètes pour les soutenir, particulièrement dans ce contexte d’inflation galopante (…) C’est en matière d’animation politique que j’entends apporter une touche personnelle sur le mandat.(…) Le conseil municipal est composé de personnalités qui s’investissent énormément, tous les jours : mon rôle est d’animer […] cet orchestre où chacun jouera sa partition. »
Petr’Antò Tomasi (Corsica Libera).
Il milite depuis des années. Il a tenu dans ses mains l’exemplaire, datant du 18ème siècle, de la Giustificazione della Rivoluzione di Corsica lorsque les élus autonomistes et indépendantistes de l’Assemblée de Corse ont, le 17 décembre 2015, après leur « victoire historique », prêté serment de dévouement devant le peuple corse. Il a présidé le groupe Corsica Lìbera à l’Assemblée de Corse, Il a présidé la Commission des Affaires Européennes de l’Assemblée de Corse. Il a été deux fois candidat de son parti aux élections législatives. Il est pourtant encore peu connu du grand public du fait de la présence au sein de Corsica Libera de Charles Pieri, présenté comme étant un « chef » voire « le chef » du FLNC, et de Jean-Guy Talamoni qui, de 1992 à 2020, a incarné l’expression politique, électorale et institutionnelle de l’indépendantisme et a , de 2015 à 2020, présidé l’Assemblée de Corse. Cela devrait changer car, depuis quelques semaines, en tant que porte-parole, il est chargé de la communications globale de son parti. Il s’est d’ailleurs déjà affirmé en réaffirmant haut et fort la solidarité politique de Corsica avec le FLNC et en portant des jugements très sévères sur l’action de la majorité siméoniste et sur le processus Darmanin.
Pascal Zagnoli (secrétaire national du PNC / Partitu di a Nazione Corsa, vice-président de l'Assemblea di a Giuventù).
Il vient de succéder à Jean-Christophe Angelini à la tête du PNC. Il se garde bien d’annoncer vouloir faire évoluer rapidement et radicalement le fonctionnement et la ligne politique du parti. Néanmoins, il affirme déjà des priorités organisationnelles et politiques qui lui sont propres : faire le tour de Corse pour aller à la rencontre des sections et des militants afin de rassembler, restructurer et se redéployer sur le terrain ; contribuer à réunir autour d’une table les nationalistes pour faire taire les querelles et dégager une unité stratégique : « On va devoir être capables de solder les comptes (…) Les nationalistes ne sont jamais aussi forts que lorsqu'ils sont unis » ; travailler à l’élaboration d’un projet de développement pour la Corse et de société pour les Corses ; user des convergences au sein du mouvement national pour fédérer tous les nationalistes afin d’aller dans le même sens et de peser vraiment dans le cadre du processus Darmanin.
Pierre Corsi