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Jérome Camilly, écrivain Django, l’Autre, l’Ailleurs…

« Pour un accord de Django » est une invitation à savourer le jazz manouche, à s’enivrer de voyages, à se régaler d’écriture…

Jérôme Camilly, écrivain
Django, l’Autre, l’Ailleurs…


« Pour un accord de Django » est une invitation à savourer le jazz manouche, à s’enivrer de voyages, à se régaler d’écriture… A la découverte renouvelée de l’l’Autre et de l’Ailleurs. C’est une grande bouffée d’humanité que nous offre Jérôme Camilly avec ce roman.


L’histoire, qui nous est contée, est à la fois simple et subtile. Un père bourlingueur invétéré, sans cesse à arpenter le monde trois sous en poche, meurt à Istanbul. Sa fille, Vanina, qui l’a peu connu de son vivant, va apprendre à saisir sa personnalité grâce aux textes épars, en vrac recueillis dans son sac de marin. Ces textes, il les a écrits tout au long de ses routes. Difficile pour elle au début d’appréhender le caractère de ce père qui ne s’est jamais occupé d’elle, la laissant aux soins de sa mère. Ce père passionné de jazz manouche créé par Django Reinhardt et fasciné par l’univers tsigane, qui est pour lui synonyme de liberté.

« Sa passion le menait toujours ailleurs, sa passion c’était de voir vivre les hommes, d’accepter leurs différences et par-dessus tout de se défaire des idées toutes faites qui parasitent l’esprit ». Cette phrase de Camilly illumine et synthétise tout le livre qui est d’une grande sensibilité… parfois lyrique, parfois rageuse.

Vanina va s’appliquer à remailler tous les bouts d’écriture, tous les fragments jaillis de la plume de son père, éparpillés dans ses effets, qui reflètent son indifférence à l’apparence et à l’argent. Progressivement elle va nouer avec lui un dialogue post mortem, dialogue qui n’a jamais existé de son vivant… Progressivement elle parvient à échanger intérieurement avec cet homme étrange, lunaire, évanescent, qui puisait ses émotions dans les vastes horizons au gré de péripéties surgies du hasard et de la nécessité de ses vagabondages. Vanina rapetasse ainsi le passé qu’enfant elle n’a pas eu et surtout en chemin elle se fortifie, s’arme pour affronter le présent. Elle se construit et apprivoise la vie. La liberté.

« Pour un accord de Django » nous vaut de belles pages sur l’Ethiopie, réceptacle des mystères des premiers temps du christianisme, sur la Turquie, fleur paysagère entre l’Europe et l’Asie, sur l’Inde où l’on est séduit par les sonorités énigmatiques et troublantes de ses musiques. Moment fort aussi celui dévolu à l’Algérie durant ces « événements » camouflage d’une guerre si honteuse qu’elle dissimulait son nom. L’horreur des appelés d’alors. Jeunesse en déchéance subissant les incompétences de l’état-major et des politiques. Chair à canon destinée à pulvériser ceux d’en face : les rebelles, la population civile.

Le roman de Camilly est plutôt un objet rare dans l’environnement littéraire insulaire. Ça nous sort du galimatias poussif ordinaire dont les mots ne sont ni chocs ni chics.

Michèle Acquaviva-Pache

« Pour un accord de Django », éditions Scudo. 15 euros.

                                ENTRETIEN avec Jérôme Camilly


Pourquoi Django ?
Mon père aimait Django… Il y a toute sorte d’idoles qu’on traîne avec soi et peuvent certaines fois avoir l’air très enfantin… Moi aussi, je suis Djangolâtre. Je continue à aimer sa musique qui continue à faire le tour du monde. Django est le créateur du jazz manouche, une musique dans laquelle se retrouve la jeune génération.

Le monde manouche vous intéresse. Est-ce à cause de Django ou pour l’univers des « hommes aux semelles de vent » ?
C’est Django qui m’a attiré vers l’univers manouche. Quand j’habitais Paris dans toutes les banlieues proches il y avait des communautés manouches pour qui la liberté était quelque chose de sacrée. C’est cet amour de la liberté qui me touchait et me touche encore. A Ajaccio on peut entendre quelques-uns d’entre eux, qui, tard le soir, jouent du violon.

L’Autre et l’Ailleurs, deux notions qui imprègnent votre livre. Parce qu’elles vous subjuguent ?
Ces deux notions constituent la base de mon existence. Elles en sont les deux dominantes L’Ailleurs a été longtemps pour moi, quand j’étais journaliste, le Moyen Orient… Les manouches c’est à la fois l’Autre et l’Ailleurs parce qu’ils éprouvent le besoin de parcourir le monde et qu’ils ont leur culture, leur société. Parmi eux il y a beaucoup de musiciens qui sont des virtuoses. Mais Django c’était beaucoup plus, c’était le génie !

« Pour un accord de Django » définissez-vous ce roman comme une ode à la musique, au voyage… à l’écriture également puisque le père – personnage central écrit des textes ?
Le voyage. La musique. L’écriture. Voilà ma trilogie… Musique. Ecriture. Voyage sont encore des traits communs des gens de mon entourage qui partage mon idéal de liberté… Rien n’est pire que l’enfermement. A chaque fois que j’ai rendu visite à des personnes en prison j’ai ressenti une effroyable angoisse car la privation de liberté m’est insupportable.

La musique n’est-elle pas l’une des meilleures façons de voyager ?
Quand replié sur soi on écoute Bach on est emporté. On est englouti. On est traversé de paysages surprenants. Et quand on pense qu’à l’écoute de Bash on est des milliers et des milliers à partager son œuvre, c’est la preuve que la musique est universelle, au-delà des langues et des cultures. En Inde j’ai adoré la musique, qui est pourtant à des années lumières de ma culture. Cette musique indienne me pénétrait… Il y a une magie de la musique.

Votre livre explore également les rapports père-fille ?
Vanina est une fille à la recherche de son père et qui en fin de compte découvre sa mère ! Celle-ci en lui remettant les textes de son père, veut lui transmettre l’héritage paternel. Elle désire de toute sa force qu’entre ce dernier et sa fille s’établisse un véritable lien et non une relation en pointillé comme lorsqu’il était vivant.

Que pensez-vous du sort des Gitans à Ajaccio ?
Je reconnais qu’ils ne sont pas faciles à vivre, mais le discrédit jeté sur eux m’est insupportable. Ils ne méritent pas ça ! Eux aussi ont eu leur Shoa… Avec eux on ne sait pas s’y prendre. On les déshumanise. C’est lamentable !

Vous mentionnez les écrivains voyageurs. Avez-vous une attirance particulière pour eux ?
Jeune, j’étais un inconditionnel de Cendras et je continue à avoir un goût immodéré pour ses livres. Kerouac et les publications de la « beat generation » sont aussi parmi mes préférés. Je trouve Albert Londres infiniment intéressant, dommage qu’il ne soit jamais cité comme écrivain voyageur et reste catalogué à la rubrique journaliste !

Que lisez-vous actuellement ?
Sylvain Tesson ; très brillant, très français et qui est devenu une vedette de l’écriture. Parallèlement j’aime me replonger dans l’œuvre de Erri De Luca et dans celles des sud-américains.


Dans votre livre le père est revenu traumatisé de la guerre d’Algérie. Vous êtes vous inspiré de votre expérience personnelle
Je fais partie de la « génération des 29 mois en Algérie ». J’ai été appelé. C’était l’horreur. J’ai détesté. J’y suis retourné pour la « pacification » dont le Canard enchainé disait : « Il ne faut pas s’y fier » ! La période était dure avec son accumulation de mensonges, de malversations, etc… Mon personnage je l’ai inventé à partir de ce que j’ai vécu. Ecrire à ce sujet a un peu été une libération. Tout n’a pas été renseigné sur l’Algérie de l’époque et maintenant perdure le problème entre Paris et Alger. C’est désolant !

Qu’est-ce qu’un roman réussi pour vous ?
C’est un roman qui se lit comme la vie avec ses discontinuités et son mouvement.


Propos recueillis par M. A-P















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