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Nouveauté sur la scène insulaire : le Trio Sintunia

Nouveauté sur la scène insulaire : le Trio Sintunia. Originalité ? Une musique et des rythmes assez inédits en Corse puisque le trio puise son inspiration en Afrique, aux Caraïbes, en Amérique latine.

Trio Sintunia
Un parfum afro-latino


Nouveauté sur la scène insulaire : le Trio Sintunia. Originalité ? Une musique et des rythmes assez inédits en Corse puisque le trio puise son inspiration en Afrique, aux Caraïbes, en Amérique latine. Soit une vitalité et allant en direction plein sud, synonyme de douceur dans un monde de brutes !



Sintunia, les spectateurs réunis récemment à Una Volta ont eut le bonheur de le découvrir en des instants de légèreté, de bienveillance, d’ouverture au monde. Le trio, c’est Gilles Mahinga N’Dekesse, chanteur et percussionniste. C’est Virgile Ferjoux aux claviers. C’est Anne-Lise Herrera au violoncelle… plus habituée au répertoire classique. Une formation instrumentale inattendue et parfaitement savoureuse. Sintunia, une dénomination curieuse pour un trio puisqu’elle nous plonge aux racines de la musique. Sintunia, évoque en effet un mouvement musical qui résonne en parfaite harmonie. Sintunia est donc à la fois un répertoire et une devise, d’où sa dynamique.

Caractéristique du trio ?
Son chanteur va avec une grande aisance du corse au français et à l’anglais ainsi que l’illustrent les titres des chansons : Ballatorra, U moi paese è cusi, Silenziu en corse ; Maquis pour toi en français ; Inside en anglais.

Gilles Mahinga N’Dekesse et Virgile Ferjoux s’amusent depuis longtemps à jouer ensemble sur des paroles du premier et des compositions communes. Un jour, Gilles propose à Anne-Lise Herrera de se joindre à eux. Le trio se concrétise réellement durant le deuxième confinement. Il répète d’abord à San Ghjuvanni di Moriani où Gilles est le pivot d’une chorale et d’un groupe de polyphonie. Etape marquante de Sintunia : André Dominici de Barbara Furtuna, via le Centre d’art polyphonique, le conseille et le coach. Un apport capital car offrant au trio l’expertise d’une oreille extérieure. Puis le Rezo, structure de soutien aux musiques actuelles en Corse, propose au trio une résidence d’artistes suivie d’un showcase (concert). Résultat, Sintunia et sa musique métissée se produisent aux Musicales de Bastia et ensuite à Una Volta.

Au cours de ses récitals la particularité du trio est de toujours réserver une large place à l’improvisation à la manière du jazz et des musiques très anciennes.

A noter que Gilles Mahinga N’Dekesse, fan de salsa et de sonorités brésiliennes, a abandonné sa carrière dans le tourisme pour se reconvertir dans la boulangerie au village, ce qui loin d’éteindre sa fibre musicale la stimule comme le levain dans le bon pain !

Michèle Acquaviva-Pache

  • · Les pains de Gilles, on peut se les procurer au Drivulinu, qui tous les jeudis en fin d’après-midi, les livre à Toga, près de l’école Georges Charpak… Le Drivulinu c’est encore l’occasion d’acheter des produits locaux de toutes sortes et de discuter avec les producteurs.
Une adresse à retenir.


ENTRETIEN AVEC ANNE-LISE HERRERA



Jazz, soul, afrobeat, latino, qu’est-ce qui vous attire – vous la musicienne classique – dans ces musiques ?
Elles sont porteuses d’un univers totalement différent du mien. C’est pourquoi j’aime ces musiques. Depuis longtemps j’avais envie de m’y roder. Car elles sont à la fois festives et méditatives. Elles parlent à l’imaginaire. Il y a en elles une liberté que je n’ai pas dans le répertoire classique. C’est un vrai plaisir de les faire résonner… N’ont-elles pas un côté sud et solaire ! Quand on les joue dans le cadre de Sintunia, on est véritablement en osmose et s’établit une grande qualité d’écoute entre nous.


Pouvez-vous évoquer vos trajectoires réciproques ?
Virgile Ferjoux de formation classique est professeur de piano au Centre Culturel Anima. Il adore le jazz où il excelle. Gilles Mahinga N’Dekesse se passionne pour le chant et les percussions. C’est un aficionado de musiques latino et africaines. Moi, j’enseigne le violoncelle et je viens du classique ainsi avec l’Ensemble Elixir, mais je participe à d’autres groupes comme Tintenne et j’accompagne des troupes de théâtre, de danse, de chant traditionnel.


Dans Sintunia qui compose, qui fait les arrangements ?
Les arrangements se font à trois. Pour les compositions on part souvent d’une idée de mélodie de Gilles, mélodies qui doivent correspondre aux sonorités des textes qu’il écrit. On choisit des couleurs, des modes… On mise beaucoup sur l’émotion. Les musiques, on ne les écrit pas d’abord, on les enregistre toujours. Ce sont ces enregistrements qui sont notre mémoire. On veille, en outre, à structurer nos morceaux.


Quelles sont les thématiques des chansons dont la plupart sont écrites par Gilles Mahinga N’Dekesse ?
L’amour sous toutes ses formes. Le bien-être. La nature. L’environnement. Le voyage intérieur et le voyage au lointain. On cherche à exprimer un univers vivant et coloré.


Répétez-vous assidument ?
Très régulièrement… autant que nos emplois du temps nous le permettent. On se voit le vendredi ou le week-end. On échange beaucoup sur le chemin à suivre pour chaque chanson et pour chacune d’elles on prévoit des moments consacrés aux improvisations. C’est pour cette raison que nos concerts peuvent paraitres différents d’un soir à l’autre, au gré de telle ou telle gamme, de tel ou tel paysage imaginaire.


Votre violoncelle n’est-il pas surprenant dans ce genre musical ?
L’inattendu, la surprise c’est ce qu’on recherche avec Sintunia. Percussions africains, clavier, violoncelle, je trouve que ça va bien ensemble. Ça se marie bien. Ça fonctionne bien. C’est ce que je ressens… Violoncelliste classique je n’ai pas eu de mal à m’adapter à partir du moment où je savais où j’allais ! Et tout compte fait ça m’inspire. Ça m’amuse.


Est-ce la première fois que vous, Anne-Lise, chantez sur scène ?
Avec Madrigalesca, formation baroque et traditionnelle lancée par Nicole Casalonga, j’avais déjà chanté en public. Avec Sintunia, où j’ai un titre, c’est plus spontané, plus direct. J’aime chanter. C’est fort agréable… je reconnais toutefois qu’il me reste de la technique à acquérir !...


Sintunia chante en corse, en français, en anglais. Comment Gilles Mahinga N’Dekesse effectue-t-il le choix d’une langue par rapport à une chanson ?
En priorité il se fie à la musicalité d’une langue. Celles qui viennent du monde anglosaxon ou latino sont fréquemment des langues qui chantent dès qu’on les parle. Ensuite il faut voir si ça colle avec le sens du texte. Une certaine naïveté des paroles n’est pas à exclure d’emblée. Au contraire… Cette naïveté est à privilégier afin de faire comprendre immédiatement ce que veut dire une chanson.


Quelle résonance Gilles veut-il établir entre languie et mélodie ?
A cette question il répond que c’est l’esprit du jazz qui anime le trio. Le jazz dans ses racines les plus profondes, celles qui font écho à ce qu’elles ont de plus « primitif », dans le sens de premier… Dans une paghjella il est possible de retrouver des accords de jazz, de négrospirituals… Autre exemple, dans notre répertoire : le refrain de notre chanson, Bellatorra, par ses rythmes, par ses mots fait penser à des chants pygmées. D’une manière naturelle la polyrythmie se synchronise car tout fait partie de la même famille.


A votre avis qu’est-ce qui plait le plus dans votre tour de chant au public ?
Je crois que c’est une certaine fraîcheur… et le rythme et la fluidité de notre musique de nos musiques qui donnent envie de danser.



Propos recueillis par M. A-P




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