• Le doyen de la presse Européenne

Magnifique société corse

I was…
Les manifestations de ces jeunes Corses qui veulent lever le voile sur le silence des viols et la pétition d’une centaine de nos compatriotes en faveur de la PMA donnent soudain un coup de jeune et apporte une bouffée d’oxygène à une société corse confite dans ses opérations de petite politique. Ces deux dynamiques démontrent combien la Corse est riche de belles révoltes et de modernité.

I was…


Le modèle nous vient bien entendu des États-Unis à la façon de Me Too. Les victimes de violences sexuelles étaient invitées à témoigner des faits auxquelles elles ont été confrontées, accompagnés de leur âge. Ce sont d’abord de jeunes Bastiaises qui ont témoigné lançant un mouvement qui est s’est répandu avec ses inévitables débordements . L’une d’entre elles citée par Le Monde explique : « Ici aussi, en Corse, là où tout le monde parle d’honneur, où on te dit que les femmes sont mieux traitées qu’ailleurs, il y a autant d’agressions sexuelles et de viols que sur le continent, mais que le machisme et le poids de la famille empêchent d’en parler. Sans tomber dans le cliché, on peut parler d’omertà ». Jusqu’alors prédominait l’idée qu’il ne fallait pas en parler, que ça pouvait apporter des ennuis avec les familles des violeurs voire des déchirements familiaux. Le bonheur des jeunes filles passaient après le quand dira-t-on, après “l’honneur” du groupe. Eh bien, une brèche est ouverte dans ce mur de la honte. La révolte l’a emporté sur la peur. Les deux manifestations de Bastia et d’Ajaccio ont quelque chose d’héroïque. Ce sont ces jeunes personnes qui représentent la fierté de notre société. Elles marchent toutes frêles mais ô combien déterminées pour dire : “Avali basta; i femini sò essari umani com’è l’omini. Ani dritti ed avali ani a parolla.” Elle emploie en anglais l’imparfait du verbe être pour au contraire hurler qu’elles sont et qu’elles n’entendent plus jamais être au passé. Vivement qu’elles proclament : “Semu” et non “sò stati”. Des supposés violeurs ont porté plainte. Ils en ont le droit juridique. À savoir si celui-ci peut se confondre avec le droit moral. Nous avons tous entendu parler de petites ordures qui ont abusé d’amies un soir de beuverie. Puis certains ont filmé leur “exploit” pour ensuite le diffuser sur les réseaux sociaux. Ceux-là ne méritent aucune pitié. Les victimes doivent porter plainte et les traîner devant les tribunaux. Elles ont raison, mille fois raison d’enfin apparaître au soleil et de réléguer leurs bourreaux dans l’ombre des prisons.

Le peuple corse dans toute sa diversité


Il n’y a pas à dire : l’époque est à la parole libre quand les pouvoirs s’efforcent de la contraindre. Alors même que le remaniement ministériel promeut un homme soupçonné de viol (François Bayrou démissionna pour bien moins que ça) et désigne un beauf gueulard et machiste comme ministre de la justice (le Collard de gauche), des personnes de la société civile corse s’exprime en harmonie avec le mouvement I was c’est-à-dire en solidarité avec le droit des femmes. Les signataires de la pétition “Le peuple corse dans toute sa diversité” se réclament du progressisme et regrettent “que les députés nationalistes se soient abstenus lors du vote sur la loi bioéthique concernant la légalisation de la PMA pour toutes les femmes.”

“Nous nous interrogeons sur les positions des élus nationalistes concernant ces sujets de société. Nous remarquons qu’ils sont évités, sans doute pour ne pas cliver une partie ou l’autre de l’électorat. Ces sujets sont devenus des tabous, ou considérés comme des « sujets de Parisiens » déclarent-ils. “La Corse, comme le reste du monde, est pourtant concernée : le peuple corse est composé de femmes, de personnes hétérosexuelles, homosexuelles, trans-genres. Le mariage pour tous, la PMA pour toutes ou encore les lois relatives à l’IVG concernent nos vies. Nous attendons des élus nationalistes qu’ils représentent le peuple corse, dans toute sa diversité. A l’Assemblée de Corse, mais également à l’Assemblée de France, où ils sont aussi censés défendre nos droits. Nous nous enorgueillissons souvent de la Corse progressiste, de la Corse humaniste, des Lumières. Celle de Paoli : nous citons souvent, avec fierté et à raison, l’une des premières constitutions démocratiques, le droit de vote accordé à certaines femmes dès le 18e siècle, la tolérance religieuse pratiquée à cette période. Nous pensons que la Corse doit renouer avec cette volonté d’humanisme et de progrès, et s’affranchir du poids des conservatismes. Il est temps que le courant nationaliste s’interroge et choisisse sa voie avec clarté.”

Une Corse nouvelle qui, sans renier son passé, proclame son espérance est en train de naître. Cette parole résonne avec le collectif “A Maffia nò”. Sans aucun doute, elle pèsera dans les prochaines décisions car les politiques vont devoir en tenir compte. Comme le proclamaient les féministes des années 70 : “un juste droit ne se mendie pas. Il se conquiert.” C’est toujours vrai aujourd’hui pour cette moitié du ciel féminine si souvent niée par des hommes arrogants et stupides.
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