• Le doyen de la presse Européenne

La fiscalité du patrimoine est un enjeu majeur pour l' avenir de la corse

Partant d'une idée de l'exécutif de Corse, une lettre de mission a été envoyée à Me A.Spadoni , Président du Conseil Régional des NOtaires pour rédiger un progés dans ce sens


Alors que l'arrêté Miot prendra fin le 31 décembre 2027, date à laquelle la Corse entrera dans le droit commun en matière de droit successoral, les réflexions relatives à certaines modifications concernant le statut fiscal de l'île notamment dans ce domaine, préoccupent la Collectivité de Corse et bien sûr les professionnels, particulièrement le Notariat.
Partant d'une idée de l'Exécutif de Corse, une lettre de mission a été envoyée à Maître Alain Spadoni, Président du Conseil Régional des Notaires pour rédiger un projet dans ce sens. Une démarche qui est évoquée dans son contenu, par deux de ses acteurs majeurs, Maître Alain Spadoni et Gilles Simeoni..


Maître Alain Spadoni

En quoi consiste la mission pour laquelle le Président de l'Exécutif vous a sollicité?

Il part d’un constat clair : le patrimoine immobilier est la racine d’un peuple au même titre que sa langue et ses traditions. Si la racine meurt, le peuple meurt…La crainte actuelle est celle qu’à très brève échéance, les Corses seront contraints de vendre leur patrimoine immobilier pour payer l’impôt sur les successions.
J’ai donc travaillé sur un processus original qui n’existe pas pour l’heure dans la fiscalité nationale. Et j'ai présenté un projet caractérisé par un transfert de compétences de l’Etat vers la CdC quant à la perception de l’impôt sur les successions et en même temps son taux d’imposition.
Ainsi, j’ai souhaité modifier le mécanisme inhérent au droit commun, qui se caractérise par une sorte d’impôt-sanction (les droits de succession coûtent de 20 à 60%) en une contribution dynamique.


Qu’entendez-vous par contribution dynamique ?
Avant que l’impôt n’existe sous la forme actuelle et je rappelle que la France est le pays le
plus fiscalisé d’Europe en matière de droit de succession, il existait sous forme de contribution. C’était un acte citoyen où chacun, dans la proportion de ses moyens, contribuait au développement collectif et à la solidarité. J’ai voulu simplement réactiver cet esprit dans mon projet.
Il s’agit de permettre aux Corses, tout en payant la contribution, de faire vivre l’intérieur de l’île, de lutter globalement contre le délabrement du patrimoine et de créer une véritable activité économique. C’est un mécanisme vertueux. La fiscalité du patrimoine est un enjeu majeur pour l'avenir de la Corse.

Comment cela se traduit-il de manière concrète ?
Prenons le cas d’une personne qui, suite à son décès, laisse un patrimoine de 800000 euros à un enfant unique.
Dans le régime de droit commun, l’abattement étant de 100000 euros à condition qu’il n’ait pas fait de donation depuis quinze ans le montant de l’impôt est de 210000 euros (30% de 700000 euros). Si l’héritier a suffisamment de liquidités, il paye son impôt, dans le cas contraire, ce qui arrive le plus souvent, il devra vendre son bien.
Dans le projet remis au Président de l’Exécutif et dans mon exemple, la Collectivité de Corse percevra l’impôt et fixera un taux. Et tous travaux de remise en état, restauration, réhabilitation d’un bien ou de terrains (vignes, terres labourables…) correspondant au taux seront considérés comme réglés.
Cela va favoriser le développement économique dans l’intérieur, permettre de lutter contre la désertification de l’intérieur, de revitaliser le patrimoine immobilier et déboucher sur une défiscalisation de l’investissement privé.


En dernier recours, c’est tout de même Paris qui a la main.
Si la Corse est aujourd’hui dans le désordre juridique, c’est essentiellement la faute de l’Etat. Durant plus de 200 ans, les gouvernements successifs se sont totalement désintéressés du désordre juridique qui existait en Corse en raison de son histoire, des deux guerres, de la dépossession qui a résulté de l’absence des hommes partis sur les champs de bataille… Nous en avons pris conscience, nous avons un savoir-faire il y a des textes, des lois il faut se retrousser les manches et se mettre au travail. Ce projet a été retenu par l’Exécutif, il pourrait être voté par l’Assemblée de Corse. Il conviendra, ensuite, de saisir le Gouvernement dans le cadre d’une loi spécifique à la Corse dans ce domaine...

Gilles Simeoni, Président de l’Exécutif de Corse
« Emmanuel Macron s’est dit prêt à avancer à nos côtés dans ce domaine »

Comment ce projet est-il né ?

En novembre dernier, j’ai envoyé une lettre de mission à Maître Spadoni, acteur historique du travail sur les arrêtés Miot dont l’engagement et les compétences sont reconnus. Je lui demandais de travailler sur un rapport proposant dans le domaine précis de la fiscalité et à droit constitutionnel constant, des mesures de nature à lutter contre la spéculation immobilière et la dépossession foncière, faciliter le maintien du patrimoine immobilier dans les familles, inciter à la rénovation et à la réhabilitation de ce patrimoine et contribuer à dynamiser les villages de l’intérieur et de montagne.
Cette mesure ne va pas tout régler mais elle est forte, symboliquement puissante, opérationnelle et pourrait avoir des effets importants.

En quoi consisterait cette mesure ?
Nous souhaitons territorialiser l’impôt sur les successions et mettre en place un mécanisme d’abattement qui donnera un droit à un crédit d’impôt dès lors que les personnes concernées prévoient d’investir l’équivalent pour aménager le bien patrimonial. Les biens familiaux sis dans l’intérieur de l’île seront les premiers concernés par ce dispositif.

Le projet de Maître Spadoni a-t-il été validé par l’Exécutif ?
Sur le principe, bien sûr. L’idée, désormais, sera d’impliquer le plus largement possible. On se donne encore un mois, le temps de consulter les acteurs concernés y compris les professionnels du droit (avocats, notaires) et les banques qui peuvent intervenir en complément pour aider aux investissements nécessaires pour réhabiliter les biens.
Nous allons également saisir les commissions compétentes de l’Assemblée de Corse pour arriver à un rapport finalisé qui pourrait être présenté à la session d’octobre. Le projet serait alors voté et relayé par nos Députés au Parlement pour demander l’adaptation législative. Une disposition du statut de l’île prévoit que l’Assemblée de Corse peut saisir le Parlement d’une demande de modification législative.

Avez-vous évoqué ce projet avec le Président de la République?
Nous en avons parlé dans le cadre global de la discussion sur le foncier. Nous avons pris acte que le Gouvernement n’est pas d’accord sur le statut de résident. Nous maintenons, bien sûr, cette revendication fondamentale qui implique une modification de la Constitution. Tout en se battant pour la faire aboutir, nous devons mettre en place sans délai des instruments nous permettant de faire barrage à la dépossession et à la spéculation à droit constitutionnel constant.

Il existe deux voies d’entrée principale pour lutter contre la spéculation : la fiscalité et les documents d’urbanisme.
J’ai donc proposé à Emmanuel Macron la perspective d’une fiscalité incitative pour construire des logements principaux et des logements sociaux en renforçant l’accès à la propriété, organiser et faciliter la transmission au sein des familles pour que les gens aient la possibilité de conserveur leur bien, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Et une fiscalité dissuasive en surtaxant toutes les opérations spéculatives…
Créer enfin les conditions pour que les Corses, accèdent à la propriété à des tarifs qui ne sont pas ceux du marché. Et concomitamment permettre à la diaspora de conserver et renforcer ses liens avec l’île dans le domaine de l’immobilier comme dans celui, par exemple, des tarifs de transport. Concernant l’urbanisme, il faut renforcer les mesures incitatives pour inciter les communes à adopter des PLU, à créer des réserves foncières ou de l’accession à la propriété et nous aider à renforcer nos instruments de préemption pour que l’on puisse acquérir des terrains et développer des politiques publiques d’accès la propriété.

Quel a été le point de vue d’Emmanuel Macron ?
Il a annoncé qu’il était prêt à avancer à nos côtés dans ce domaine. On ne va pas, pour autant, crier victoire mais faire nos propositions et vérifier s’il y a une réelle volonté de l’Etat et du Gouvernement d’avancer.
La position de Paris sur la proposition de réforme de la fiscalité du patrimoine sera un premier test significatif : si le Président de la République est favorable à la mise en place d’un tel projet, sa majorité parlementaire suivra Parlement suivra. Rendez-vous donc dans quelques semaines sur ce dossier.
Partager :