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Macron / Simeoni : entre le lumineux et l'obscur

Près d'un demi-siècle aprés les évènements d'Aléria et la création du FLNC, les rapports entre l'Etat et le nationalisme corse restent, comme l'Ordre Jedi, régis par la Force.
Près d’un demi-siècle après les évènements d’Aleria et la création du FLNC, les rapports entre l’Etat et le nationalisme corse restent, comme l’Ordre Jedi, régis par la Force.


L’annonce de la tenue à Aiacciu du « Med 7 » et le programme d’Emmanuel Macron en marge de cet événement ont d’abord été froidement accueillis par les nationalistes.
Core in Fronte a souligné que la question Corse restait posée : « Le peuple corse est toujours en lutte pour sa liberté (…) La France, pays le plus centralisé et le plus centralisateur, continue de nier les droits politiques du peuple corse »
Corsica Libera puis Jean-Guy Talamoni ont dénoncé un manque de considération à l’encontre de la majorité territoriale. « Le fait qu'aucun élu de la Corse ne soit présent à cette réunion, nous invite à douter sur les intentions du président de la République Française concernant l'avenir institutionnel de notre île » a communiqué le parti indépendantiste. « L’espace de discussion qui m’était offert en ma qualité de Président de l’Assemblée de Corse consistait en un dîner à Ajaccio. Compte tenu de la situation politique et sociale de la Corse, ce cadre me semble pour le moins inadapté à l’ouverture d’un dialogue sérieux. Paris s’obstine à traiter la question corse par l’arrogance et par l’abaissement des élus nationalistes » a déploré le Président de l’Assemblée de Corse.
Enfin, à l’occasion de sa conférence de presse de rentrée, Femu a Corsica n’a pas dissimulé sa grande irritation. Après avoir souligné que ni la Collectivité de Corse, ni les parlementaires et élus nationalistes n’avaient été contactés pour l'élaboration et le déroulement « Med 7 » et du déplacement présidentiel, le député Jean-Félix Acquaviva, également secrétaire national du parti autonomiste, a dénoncé « un mépris pour les institutions nationalistes corses et un refus de reconnaitre l'expression du suffrage universel », regretté que « les visions du projet méditerranéen entre l’Élysée et la Corse restent pour l’heure éloignées » et déploré que « La Corse se trouve réduite au rôle de spectatrice passive d’une réunion à dominante sécuritaire et militaire, et se trouve cantonnée à l’unique rôle de porte-avions en Méditerranée. »
Puis Hyacinthe Vanni, président du groupe Femu a Corsica à l'Assemblée de Corse, a stigmatisé la préférence électoraliste accordée selon lui à Laurent Marcangeli et Jean-Charles Orsucci, deux maires réputés proches d’Emmanuel Macron : « Si on veut parler tourisme, ce n'est pas avec les maires de Bonifacio ou d'Ajaccio qu'il faut s'entretenir mais avec la conseillère exécutive en charge de l'Agence du Tourisme de la Corse. »
Tout semblait donc réuni pour un retour à la case « Février 2018, Macron tape sur la table à Lupinu et Cuzzà,», c’est-à-dire pour la reproduction d’une situation conflictuelle. Or il n’en n’a rien été. Le climat s’est amélioré. La froidure a tourné au dégel et même à un début de réchauffement.



Les limites du réchauffement
A Aiacciu, bien que Jean-Guy Talamoni ait décliné l’invitation et malgré la conférence de presse musclée de Femu a Corsica, Gilles Simeoni a accepté de participer, à la table d’honneur, au dîner républicain auquel Emmanuel Macron avait convié les principaux élus corses.
Le lendemain matin, également à Aiacciu, lors d’un petit déjeuner, Gilles Simeoni a conversé deux heures durant avec le Président de la République d’abord en tête à tête puis en présence de plusieurs ministres.
Par ailleurs, Jean-Guy Talamoni s’est joint à la conversation durant une demi-heure. Enfin, à Bunifaziu, où Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni avaient fait de déplacement et contrairement aux craintes de mise à l’écart à son encontre qu’avait exprimées Femu a Corsica, Marie-Antoinette Maupertuis, la présidente de l'Agence du Tourisme de la Corse, a été au centre du jeu et a pu tirer un bilan positif des échanges entre le Président de la République, le secrétaire d'État au Tourisme, les élus corses et les socio-professionnels concernés : « Il y a une prise en compte de la spécificité Corse (…)
Nous aurons sept ou huit mesures qui permettront de sauvegarder le tissu productif dans un premier temps. Ensuite, il y aura le temps de la relance avec une transition du tourisme corse. » Le réchauffement annonce-t-il le beau fixe ? Il est trop tôt pour l’affirmer. Quelques heures après son entretien avec Emmanuel Macron, Gilles Simeoni l’a certes qualifié de « fructueux » et « constructif ». Mais les limites du réchauffement et le constat que le chemin à parcourir vers le beau fixe serait encore long sont vite apparus.
Avant de quitter la Corse, lors d’une conférence de presse tenue à Aiacciu, Emmanuel Macron a certes affirmé être disposé à « reconnaître toutes les singularités de la Corse dans le cadre de la République » mais il n’a pas dessiné les contours d’une solution politique. Gilles Simeoni a d’ailleurs montré être conscient des difficultés restant à surmonter. Au micro de RCFM, réagissant au fait que le Président de la République ait assuré que seuls 3% des 50 millions d'euros alloués à la Corse pour le déploiement du haut-débit avaient été dépensés, il a déploré que « certaines personnes cachent des choses, à dessein, au Président de la République, voire lui mentent ! »
A Paris, près d’un demi-siècle après les évènements d’Aleria et la création du FLNC, les rapports entre l’Etat et le nationalisme corse restent donc, comme l’Ordre Jedi, régie par la Force. Quand un Côté Lumineux apparaît du fait de leaders pragmatiques conscient de l’utilité de trouver des issues honorables, un Côté Obscur se manifeste très vite venus des tréfonds de la haute administration et d’une tradition politique jacobine. Gilles Simeoni a toutefois matière à être satisfait. Alors qu’il semblait devoir être mis hors-jeu par la visite présidentielle, il a pu et su saisir la balle et marquer un point. Ses adversaires ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et se sont d’ailleurs montés bons joueurs. Laurent Marcangeli a implicitement reconnu le réchauffement intervenu et le pragmatisme nationaliste : « Il n’y a pas eu de questions relevant des marottes habituelles : je n’ai pas entendu parler des détenus, de la langue, du statut de la Corse » Jean-Charles Orsucci a confié avoir ressenti « une ambiance positive, un apaisement, une volonté plus affirmée de la part du chef de l’Etat et du Président de l’Exécutif de chercher à travailler ensemble pour l’intérêt général ».


Pierre Corsi








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