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Festival Cine Donne 2023

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Festival Cine Donne 2023
« Dalva », film essentiel et bouleversant


La deuxième édition de Cine Donne a été marquée par la projection de films très importants. Parmi eux, « Dalva » d’Emmanuelle Nicot. Sujet : l’inceste, cette horreur répétée au fil des jours par un homme qui ne mérite pas le nom de père mais celui de pédophile.




Au démarrage de l’histoire une scène d’une rare violence où une gamine de 12 ans est soustraite à son père par la police. La gamine ne comprend pas ce qui se passe. Elle crie. Elle hurle. Elle tempête contre cette intervention policière qui l’arrache à son père. « Dalva » traite de l’inceste mais aussi et surtout de l’emprise que peut exercer un adulte sur une enfant… Une enfant conditionnée à répondre aux exigences de celui qui est censé la protéger et qui abuse d’elle. Emprise épouvantable qui veut que la jeune victime adhère à son bourreau et fasse sien son ressenti. Emprise atroce puisque l’enfant violée intègre les appétits d’un adulte qui la prend pour un objet sexuel.

Dalva, tel est le prénom de la gamine, va être hébergée dans un foyer et son père incestueux qui la déguisait en femme fatale, maquillage provoquant et dentelles suggestives, ce monstre expédié en prison. Aux éducateurs la mission de permettre à Dalva de retrouver son âge, ses 12 ans. L’entreprise est délicate tant le père a mité le cerveau de sa fille, tant il a pollué son esprit, tant il lui a volé son enfance.

Par sa pudeur, par sa réserve, par sa force émotionnelle la cinéaste, Emmanuelle, Nicot se révèle prodigieuse. Peu à peu elle dévoile l’évolution de Dalva qui parvient à renouer le fil des générations que son infâme géniteur avait brisé. Le pari de la réalisatrice était risqué, presqu’impossible. Elle s’en sort à merveille. Dalva la chosifiée, la réifiée va progressivement et non sans souffrance reprendre le dessus et surmonter les épreuves successives qui encombrent sa route. Jusqu’à la fin la partie n’est pas véritablement gagnée. Si elle l’est au final c’est grâce aux éducateurs du foyer, en particulier à l’un d’eux, Jayden, incarné par Alexis Manenti qui sait à la fois s’affirmer et être discret. Une belle performance.

Dans le rôle de Dalva, Zelda Samson est remarquable de justesse. Les personnages secondaires comme Samia, la copine de chambre au foyer, pète le feu et sait développer une compréhension instinctive. Premier long-métrage d’Emmanuelle Nicot ce film évite tous les pièges du genre. Il est aérien dans sa noirceur. Il est évident dans sa complexité. « Dalva » montre la reconstruction d’une enfant en cela c’est un message d’espoir… A ne pas manquer.

Michèle Acquaviva-Pache

Autre film à voir absolument : « De grandes espérances » de Sylvain Desclous avec dans le rôle principal la sublime Rebecca Marder. Ce thriller politique est à l’affiche du Régent à Bastia.ENTRETIEN AVEC ALEXIS MANENTI

Quelle a été votre réaction à la lecture du scénario de « Dalva »
En le lisant j’ai été très touché. Mais j’ai demandé un temps de réflexion confronté à la gravité du sujet. Pour m’aider dans ma décision j’ai fait lire le scénario à ma mère qui est responsable d’une association d’aide à l’enfance. Elle m’a dit que la façon dont la réalisatrice abordait le thème de l’inceste faisait de « Dalva » un film nécessaire. A ce moment je n’ai plus hésité.

Comment avez-vous travaillé votre rôle d’éducateur ? Etes-vous allé dans des foyers pour adolescents ?
La cinéaste m’a fait lire un ouvrage écrit à partir du témoignage d’un jeune en foyer. On a aussi beaucoup discuté ensemble car elle est fille et sœur d’éducateurs. « Dalva » est d’ailleurs inspiré du vécu de ce dernier. Face au drame de cette préadolescente victime d’inceste je n’ai pas voulu me laisser submerger par ce qui lui était arrivé. Je me suis efforcé d’avoir de la retenue. Bien sûr, j’éprouvais de la compassion mais je m’interdisais de l’extérioriser. Je ne devais pas me laisser déborder par l’émotion.


N'était-il pas difficile de jouer avec la jeune Zelda Samson ?
J’ai interrogé Emmanuelle Nicot sur la manière qu’elle aurait de la filmer et qu’elle aurait de communiquer avec elle pour ne pas la marquer plus tard. Elle m’a rassuré. Quant à Zelda malgré son jeune âge, elle s’est montrée très appliquée, très pro. On s’est entendu d’emblée. Hors du tournage on a bavardé. Son rêve est d’être astrophysicienne. Pourquoi avoir voulu jouer le personnage de Dalva ? Elle m’a expliqué que cette expérience de cinéma l’intéressait.


A l’écran Zelda s’appelle Dalva et vous Jayden. Pourquoi ces prénoms assez inhabituels ?
Dalva, parce que la réalisatrice en aimait les consonnances et que ça lui rappelait un roman qu’elle avait lu. Jayden, à la tonalité gitane, plaisait particulièrement à Emmanuelle Nicot. Dalva et Jayden distillent également un parfum de mystère.


Quelle scène a été pour vous la plus difficile à jouer ?
Celle tournée au parloir de la prison où le père et la fille se retrouvent face à face. Elle était très intense. Je me suis senti dans la situation de l’éducateur qui a envie de sauter à la gorge de ce monstre de père mais qui doit rester en retrait pour faire ressortir encore mieux l’émotion de ce moment. Cette scène on l’a refait plusieurs fois car il fallait qu’elle soit sincère et bouleversante.


Dans « Les misérables » de Ladj Ly, prix du jury à Cannes en 2019 vous interprétiez un flic. Difficile de passer de cet emploi à celui d’éducateur ?
Flic ou éducateur il y a de l’humain dans l’un et l’autre de ces rôles. J’essaie surtout de comprendre sans les juger les personnages qu’on me propose. Pour l’heure je n’ai pas eu de rôles difficiles à interpréter. Acteur est un beau métier car chaque film est une nouvelle aventure. Certes la thématique de « Dalva » était particulièrement pesante. Mais j’étais heureux d’aider cette adolescente dans son parcours douloureux. Le tournage a eu pour cadre un foyer de jeunes des environs de Bruxelles, cela nous a mis dans l’ambiance, dans le climat de ce type de lieu.



Même si vous êtes jeune dans le métier vous avez déjà un beau parcours cinématographique. Quelles en sont les étapes les plus fructueuses ?
J’ai commencé à jouer et à écrire des scénarios de courts-métrages avec le collectif, Kourtrajmé, formé d’une équipe d’amis. Puis j’ai fait des études de droit, vite arrêtées. Vers 25 ans après de multiples petits boulots j’ai décidé de passer des castings car j’aimais l’atmosphère des plateaux de cinéma.



Que vous a apporté le succès des « Misérables » et votre César du meilleur espoir masculin ?
En me rendant plus connu je suis devenu plus solide dans un métier qui m’apporte desexpériences humaines extraordinaires.


Vous êtes acteur et scénariste. Qu’est-ce qui est le plus prenant ?
Être scénariste est plus difficile qu’être acteur parce qu’il faut mettre son ego de côté. Parce qu’à chaque étape d’un film : production, réalisation, montage on a des interlocuteurs différents qui peuvent modifier votre scénario… Être scénariste c’est prendre sur soi, et pas très bien payé malgré le temps passé à écrire. En outre quand un film ne marche pas c’est toujours la faute du scénariste ! Certes j’écris des scénarios mais je ne travaille pas sur commandes. Mon métier principal est comédien.


Envie de devenir réalisateur ?
J’ai écrit et réalisé un court-métrage, « Tête de brique », un récit dystopique qui est une fable sur la pouvoir.


Quels styles d’histoires vous attirent ?
Celles qui sont simples et qui tiennent de la fable ou du conte.


Comment s’est déroulé le tournage avec Emmanuelle Nicot ?
Elle sait ce qu’elle veut et fait confiance aux comédiens. « Dalva » est un fim préparé avec soin. Sur le tournage la cinéaste était douce et précise. Elle laissait respirer les acteurs.


Le rôle de vos rêves ?
J’aimerais jouer une comédie car jusqu’à présent je n’ai pas incarné de personnages drôles.


Bientôt en Corse ?
Cet été pour un tournage avec Thierry de Peretti.

Propos recueillis par M.A-P





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