Encore une fois les déchets : l'idéal et le réel
Les modèles idéaux ont du mal à s'exporter
Encore une fois les déchets : l’idéal et le réel
La venue en Corse de Luca Menesini, le maire de la commune exemplaire en matière de tri, Cappanori a permis de mettre en exergue un beau rêve corse confronté aux réalités des uns et des autres avec une première conclusion : les modèles idéaux ont du mal à s'exporter.
Une association exemplaire
Zeru Frazu, conçue sur le modèle américain Zero Waste imaginée par le professeur de chimie Paul Connet, n'est pas basée sur l'apprentissage de nouvelles techniques mais sur une stratégie voulue par les pouvoirs politiques, l'éducation des citoyens et une conception circulaire du recyclage et de la fabrication industrielle. Et Capannori, une ville de la province de Lucques et 46 000 habitants, a mérité le titre de première ville dérivée. L'expérience entamée en 2014 a quasiment réussi.
Aujourd'hui près de 180 communes dans le monde ont emprunté cette manière de faire. La plus étonnante est assurément Naples dont on se rappelle qu'en 2008 la ville avait été mise sous tutelle après de gigantesques incendies d'ordures le plus souvent allumés par la Camorra, la mafia locale, qui avait mis la main sur ce commerce juteux.
En Corse, l'association Zeru Frazu se bat avec courage pour en arriver aux résultats de Cappanori. Elle met en avant la communauté des communes de Calvi-Balagne qui, selon ses propres termes, se met doucement à la collecte en porte à porte. Mais en même temps, le site internet de Zeru Frazu tire un bilan déprimant du bilan de la politique des déchets en Corse. Selon les chiffres de l'ODEME Corsica « La production par habitant est supérieure de 36 % en Corse par rapport à la moyenne nationale, établie à 529 kg/an/habitant. » Zeru Frazu indique que la variation touristique n'aurait pas une immense influence sur la production de déchets. Mais elle prend pour démontrer son raisonnement les trois agglomérations les plus peuplées de Corse mais aussi les moins impactées par un tourisme saisonnier.
Il paraît pourtant évident que la multiplication par huit d'une population durant deux mois a nécessairement un impact sur la quantité de déchets. Quant au bilan du Syvadec, il est décrit comme catastrophique : entre un et deux pour cent d'augmentation du tri par année. « Le taux de tri de la collecte (recyclables ou compostables) varie entre 41,2 % (Calvi Balagne) et 15,2 % (CAPA). La moyenne entre les collectivités de Corse se situe à 19,6 % et seules 9 communautés de communes l’ont atteinte. » Cappanori est loin, très loin.
Le décalogue de Zero Waste
Zero Waste a écrit un décalogue, véritable table des lois du recyclage des dix bonnes pratiques à suivre pour atteindre l’objectif « zéro déchet » : séparation à la source ; collecte porte-à-porte ; compostage ; recyclage ; réduction des déchets avec notamment la suppression des bouteilles plastiques ; : construction de plates-formes d’usines pour le recyclage et la récupération des matériaux, visant à les réintégrer dans la chaîne de production ; réutilisation et réparation : construction de centres de réparation, de réutilisation et de déconstruction de bâtiments, où des biens durables tels que des meubles, des vêtements, des installations, des articles sanitaires, des appareils ménagers, etc. sont réparés, réutilisés et vendus ; tarification ponctuelle : introduction de systèmes de tarification qui font payer les utilisateurs sur la base de la production réelle de déchets non recyclables à collecter ; récupération des déchets avec construction d’installations de récupération et de tri des déchets ; centre de recherche et de reconception ; zéro déchet déclenché par le « trampoline » du porte-à-porte, devient à son tour « trampoline » pour un vaste chemin de durabilité, qui de manière concrète nous permet de faire des choix pour défendre la planète.
Une course contre la montre
Zeru Frazu combat l'installation d'un incinérateur qui n’est pas à coup sûr la solution idéale. Mais peut-on sans cesse opposer un idéal dont la réalisation paraît difficilement atteignable à une réalité tangible (des montagnes de déchets qui s'accumulent chez nous, qui coûtent de plus en plus cher aux contribuables et qui menace de nous engloutir).
Zeru Frazu oublie deux facteurs essentiels : nous sommes une toute petite île où il va être quasiment impossible de mettre en place ce cercle vertueux dans son intégralité et pour en revenir au début de cet article, le plus important est la subjectivité culturelle des citoyens impliqués. Malheureusement celle des Corses n'est pas celle des citoyens de Caponorri. Et il va falloir trouver très vite une solution efficace et pérenne. Ou bien les ordures vont devenir de plus en plus un marqueur de différenciation sociale. Il y aura ceux qui pourront payer et les autres qui jetteront dans la nature.
GXC