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Teatru per tutti

Du coté des amateurs. Des sketchs, des parodies, du transformisme

Du côté des amateurs
Teatru per Tutti



Tout au long d’un week-end la troupe, Teatru per Tutti, a récemment fait découvrir son spectacle de printemps à Sant’Angelo. Des sketchs. Des parodies, du transformisme. Des représentations allègres à un rythme soutenu pendant plus de deux heures à chaque fois. Du rire. Des applaudissements.



Teatru per Tutti est composé d’amateurs, fiers de l’être et passionnés par la scène. La troupe a été lancée par Fabienne Nicolini il y a quatre ans. Une femme pétulante qui a du bagout et de la répartie. Une femme dynamique qui mène ses comédiens avec doigté, par la persuasion et non imposant ses vues.

Les numéros s’enchaînent plein d’entrain en faisant une part à la chanson, quitte à revisiter une très célèbre comédie musicale, humour et ironie mêlés. Le public s’amuse, les acteurs aussi à l’enseigne du partage en une commune gaité. Un sketch sur le naturisme nous transporte à Baghera, le club de nudistes bien connu, sur un ton drolatique soutenu par une touche de sarcasme. Brocardés des cours de théâtre, dont une certaine emphase est gentiment soulignée.

Pas de méchanceté dans Teatru per Tutti mais des grains de malice qui détendent le sternum. Le transformiste est épatant qu’il imite un glamour à la sauce disco ou qu’il pousse une ritournelle à la Daniel Guichard costumé en fillette. Le mime occupe une bonne place dans le répertoire de la troupe. Le numéro où l’acteur arborant l’habit de moine transmute son auréole de sainteté en frisbee est particulièrement savoureux.

« L’horloge » est une séquence à la fois amusante et émouvante avec un pointe de cruauté. Elle conte les âges de la vie avec l’inéluctable fin sur des tic-tac fatidiques. « Comme j’aime » fait un sort moqueur à la campagne publicitaire d’une firme qui soi-disant fait perdre des kilos. Raillerie opportune pour dénoncer des prétentions mercantiles et mensongères. Sans parole, l’histoire d’un mage – Magimix – qui brave la batterie des petits appareils d’électroménagers, est d’une cocasserie bien venue.

Une note d’humour noir n’est pas absente avec cet « Interrogatoire » qui nous entraîne dans des meurtres en série pour ensuite nous faire comprendre… qu’on a rien compris ! Le duo, Fabienne et Renée suscite une franche rigolade quand il est l’occasion de raconter combien « la beauté est difficile à porter », mais que le problème est résolu lorsqu’on a sous la main un laideron ou « qu’être seule et ensemble » simplifie les compagnonnages. Ce créneau de l’absurde mériterait d’être développé… peut-être !

Teatru per Tutti a le grand mérite de distiller une bienveillance qui tombe à pic en des jours pénibles.

Michèle Acquaviva-Pache

Les petits nouveaux dans la troupe
Ils ont noms :Patrick Campocasso, Léa Testini. Martine Luno, Evelyne Zanaldi, Thibaut Jaubert.


ENTRETIEN AVEC FABIENNE NICOLINI


Comment est née la troupe que vous avez créé ?
Teatru per Tutti est né de ma passion pour le théâtre que m’a communiqué Monique Romantini, comédienne, chanteuse, disparue en 2018 ainsi que Claudie Mamberti qui m’a demandé d’incarner, Tante Augustine, dans « 8 femmes » en 2010. La troupe s’est formée en 2019. Elle se maintient grâce à Robert Archiapati chez qui nous pouvons répéter. Robert, intermittent du spectacle, excelle dans le répertoire de Brassens. Teatru per Tutti peut aussi compter sur la famille Campocasso du marché qui s’occupe de tout ce qui concerne la logistique quand on est sur scène. Une aide incomparable.


Avez-vous tout de suite opté pour le comique ?
Immédiatement. Parce que le comique nous correspond mieux que le drame. Personnellement je trouve en outre qu’il est plus évident à aborder car il exige moins d’apprentissage. Au départ on a misé moitié sur l’improvisation moitié sur le texte.


Combien d’acteurs dans la troupe ? De quels horizons viennent-ils ?
On est cinq permanents. Jean Charles Soletti s’occupe de gîtes ruraux. Carole Bassi est directrice de centre aéré à Bastia. Renée Mariani joue dans la compagnie Spirale de son fils Alexandre Oppecini et dans celle de Philippe Guerrini. Christophe Dael, garagiste, est un brillant transformiste à qui j’ai aussi demandé de jouer la comédie parce qu’il a un vrai potentiel. Quant à moi j’ai été cinquante ans durant attachée de direction à la Safer Corse. Travailler avec des agriculteurs croyez-moi ça éduque !


Etes-vous très directive avec les acteurs ?
Pas du tout. Chacun cherche les personnages à interpréter correspondant à sa personnalité. On discute ensemble pour savoir si c’est bien trouvé, si on rit, si on ressent de l’émotion. On présente deux spectacles par an. Chacun d’eux présente un programme neuf. C’est un véritable plaisir de renouveler à chaque fois notre répertoire.


Quels sont vos comiques préférés ? Quels thèmes écartez-vous ?
Je refuse les sketchs, les parodies qui touchent à la religion, au handicap, au racisme, aux discriminations : je me moque des riches, pas des pauvres. Les comiques que j’aime : le Bigard du début, Florence Foresti, Muriel Robin. J’adore Jacqueline Maillan, de Funès, Bourvil. Pierrick Campocasso, qui a 25 ans, préfère Artus, par exemple, question de génération ! Dans la troupe on essaie de concilier les goûts des jeunes et des moins jeunes.


Comment composez-vous vos répertoires ?
On va sur YouTube, sur internet… Si un sketch nous parle on l’adapte en tenant compte de notre milieu insulaire. Pour que les spectateurs se projettent on fait a l’usu corsu. Le sketch sur le nudisme nous l’avons ainsi transplanté à Baghera. C’est alors un appel du pied pour que le public réagisse.


De quelle manière pensez-vous une représentation ?
Les changements de décor et d’accessoires se font devant les spectateurs car ça maintient leur attention. Thibaut Jaubert, qui est un nouveau venu, se plait à jouer des classiques. Avec mes mots à moi, sans le brusquer je l’ai convaincu de jouer le Misanthrope en costume mais sans chemise pour provoquer un décalage sur scène.


A quel rythme bouclez-vous vos nouveautés ?
En un trimestre. On amène nos idées. On trie. Si un nouveau arrive on l’intègre en faisant tout pour qu’il se joigne à notre folie. On peut très bien présenter des extraits de Racine, Molière, La Fontaine à notre façon. Dans notre dernier spectacle Evelyne Zanaldi interprète la fable, « Les femmes et le secret ».


Vous formez un duo avec Renée Mariani. L’idée vous en est venue naturellement ?
On joue des vieilles, des copines, des lesbiennes parfois. Notre duo sert d’intermède entre deux numéros ou deux sketchs pendant que les autres se préparent. J’apprécie beaucoup le mime, j’en ai introduit dans « L’horloge ». Au départ seule, Carole Bassi, intervenait pour illustrer les périodes de l’existence. J’ai ajouté une horloge en carton et son tic-tac entre les séquences de Carole parce que je n’oublie pas que le public est impatient et qu’il faut l’aider à ne pas se déconcentrer.


Qu’est-ce qui pousse des amateurs à monter sur les planches ?
Occuper leur temps libre et surtout établir une communication avec le public. Délivrer de la chaleur humaine… Et puis il y a la passion du théâtre… Une troupe c’est également une famille !


Qu’y-at-il à la source du succès du théâtre amateur ?
C’est tonique. Loin des cours de théâtre où l’on fait de sempiternels exercice de respiration…


Votre projet automne-hiver ?
Nos sketchs s’enchaîneront les uns aux autres. Le spectacle ressemblera plus à une pièce de théâtre… Le comique sera, bien sûr, au rendez-vous.

Propos recueillis par M.A-P
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