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A quoi joue Laurent Marcangeli ?

Laurent marcangeli joue sa propre partition.

A quoi joue Laurent Marcangeli ?


Ni porte-coton, ni petit télégraphiste d’Emmanuel Macron et du gouvernement, Laurent Marcangeli joue sa propre partition.


Laurent Marcangeli, député de la première circonscription de Corse du Sud, a ces jours-ci fait un retour remarqué sur la scène politique corse d’abord à l’occasion d’une émission TV, ensuite en répondant aux questions d’une consœur du media Corse Net Infos. Etant l’invité de l'émission « Dimanche en Politique » (France 3), il a prévenu les trois députés nationalistes que l’adoption de la proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites (déposée par le groupe transpartisan Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) nuirait probablement au processus Darmanin-Simeoni : « Si demain on est dans une crise politique, si demain il y a un gouvernement qui tombe, l'avenir de la Corse, à travers la réforme qu'ils appellent de leurs vœux, me semble un peu moins certain ».
L’intéressé a toutefois précisé qu’il n’entendait ni menacer ni intimider mais qu’il adressait une « mise en garde amicale ». Etant survenue quelques jours avant la reprise des discussions entre Gérald Darmanin et les élus corses, cette intervention n’est pas passée inaperçue et a donné lieu à de vives réactions. Sur les réseaux sociaux, beaucoup ont réfuté le caractère « amical » des propos et dénoncé soit une forme de chantage, soit une soumission. Petit florilège : « C’est un chantage, peut être pas odieux mais c’est un chantage ! […] Comment être surpris avec un valet (un sbiru) di parigi ! […] Le discours de Mr Marcangeli est anti démocratique. Si on comprend bien il faudrait adhérer à une seule idée sous peine de sanction […] Ce type est hallucinant de prétention ! […] Je suis écœuré par la prise de position de Emmanuel Marcangeli […] Sous entendu, si vous votez contre, vous et la Corse serez punis ! […]
Tant qu'il y était, monsieur Marcangeli aurait pu leur demander carrément d'adhérer à son groupe et rejoindre ainsi la majorité macroniste pour assurer le coup […] Il s’est ruiné tout seul […] De deux choses l'une, où il est inconscient ou la macronie paniquée lui a mis un calibre sur la tête pour sortir cette perle qui chez nous ne peut pas passer quelque soit les idées qu'on a. Ou les deux ».
Laurent Marcangeli n’a apparemment pas été désarçonné par ces réactions. Dans les réponses qu’il a faites deux jours plus tard à notre consœur de Corse Net Infos, il a même enfoncé le clou : « Imaginez qu’au détour de ce qu’il va se passer le 8 juin, le Gouvernement tombe pour une raison ou une autre. Ce n’est pas inenvisageable. Dans ce cas-là, la Corse va discuter avec qui ? Est-ce que celui ou celle qui serait alors à la tête du Gouvernement ou au ministère de l’Intérieur va vouloir continuer de discuter ? Est-ce que cela sera une priorité ? […] Là ce Gouvernement a sur sa feuille de route d’essayer d’avoir un processus avec la Corse, ce qui devrait selon moi, et à plus forte raison pour des députés se revendiquant nationalistes, passer avant tout, être la mère de toutes les batailles.
Au lieu de cela, on va frayer chemin avec Charles de Courson qui ne poursuit pas du tout les mêmes objectifs, puisqu’il veut renverser le Gouvernement.{…] Je crois que les députés corses ont pour enjeu de défendre avant tout les intérêts de la Corse {…] C’est une mise en garde amicale, ce n’est pas une injonction. Je leur ai dit déjà à plusieurs reprises de manière plus personnelle, mais là je vois qu’on remet une pièce de la machine qui est susceptible d’aboutir à une forme de tension donc je dis attention. »



Sa propre partition


A quoi joue Laurent Marcangeli ? Certainement pas le rôle de porte-coton ou de petit télégraphiste d’Emmanuel Macron et du gouvernement. Il joue sa propre partition.
Cela transparaît d’ailleurs dans ce qu’il a confié à notre consœur. Il cultive sa différence en annonçant qu’il remettra ses propres propositions « tant sur la modification constitutionnelle que pour l’avenir de la Corse sur les trente prochaines années en matière d’infrastructures. » Il fait sienne une posture de parlementaire influent à l’échelle nationale, étant capable d’envisager et comprendre tous les enjeux : « Aujourd’hui j’ai un regard qui est celui d’un parlementaire de la majorité, qui connaît la situation politique au niveau national, qui sait les différents écueils sur lesquels on peut buter et qui a aussi depuis plusieurs années sa propre vision de la situation » et sachant transposer et traiter selon une dimension plus globale les problématiques corses : « J'ai d’ailleurs dernièrement cosigné une proposition de loi faite par la majorité sur les meublés de tourisme. Cette proposition, qui est transpartisane, devrait être examinée à l’automne. Il y a également la question de la flambée des prix de l’immobilier.
Ce sont des sujets qui concernent la Corse, mais pas que. »
Il se donne une image de réalisme, de responsabilité et de connaissance fine des dossiers et des rapports de force : « Moi je persiste à dire qu’un statut de résident n’est pas possible car il faudrait tout simplement modifier la Constitution et qu’il n’y aura pas de majorité politique pour cela. Mais aujourd’hui pour modifier la Constitution il faut 1/5ème du Parlement, et je ne pense pas que nous soyons en capacité de les atteindre. » Enfin, en disant à Gilles Simeoni qu’il ne peut prétendre tout régenter, il rappelle qu’il entend ne pas laisser le champ libre aux nationalistes, et être un acteur écouté y compris d’ailleurs en jouant un rôle de facilitateur : « Du côté de l’Exécutif, on veut un consensus, ce qui est louable.
Mais le consensus, cela veut dire qu’à un moment donné, on s’assoit sur un certain nombre de revendications que l’on porte et que l’on abandonne en cours de chemin, ou que l’on remet à plus tard, parce que les partenaires ne sont pas d’accord […] Je suis là pour essayer de faciliter les choses, je le démontre par ailleurs lorsque je travaille avec Jean-Félix Acquaviva sur la commission d’enquête parlementaire sur Yvan Colonna. »



Au dessus du lot...

Au fond, ces derniers jours, Laurent Marcangeli a appelé avoir d’importantes cartes en mains pour servir la Corse, qu’il entend les jouer et qu’il ne se laissera rien compter. En effet, être un acteur majeur de la vie politique corse, appartenir au premier cercle des partisans de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe dont les ambitions d’accéder à la présidence de la République sont un secret de Polichinelle et dont les chances de réaliser ce dessein sont réelles, présider le groupe parlementaire Horizons qui est une composante indispensable de la majorité relative macronienne à l’Assemblée Nationale, cela n’est pas rien. Cela offre de nombreuses opportunités, cela incite à se faire reconnaître, cela invite à se faire respecter. Cela permet aussi d’émettre, de temps à autre, une « mise en garde amicale ».


Pierre Corsi
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