• Le doyen de la presse Européenne

Monseigneur François Bustillo, Un homme de Foi au service da la Corse

Depuis son ordination épiscopale en juin 2021, l’évêque du diocèse d’Ajaccio pour la Corse a mis de l’ordre au sein de l’Église.
Monseigneur François Bustillo
Un homme de Foi au service de la Corse

Depuis son ordination épiscopale en juin 2021, l’évêque du diocèse d’Ajaccio pour la Corse a mis de l’ordre au sein de l’Église. Homme de terrain, il ne compte ni les heures, ni les kilomètres parcourus dans l’île afin de porter le message de l’Evangile. Mais ce Franciscain de 55 ans d’origine basque est aussi un religieux qui n’écarte aucun sujet tabou et porte un regard averti sur le monde d’aujourd’hui et la société corse en particulier. Une façon peu commune de lier profane et sacré. Un parcours qui lui vaudra d’être créé Cardinal, le 30 septembre prochain à Rome, par le Pape François…


Depuis son arrivée en Corse en juin 2021, Monseigneur Bustillo, évêque du diocèse d’Ajaccio pour la Corse fait l’unanimité. En tenue solennelle avec l’étole, la mitre et le bâton pastoral, en soutane franciscaine parée de sa corde à nœuds ou en tenue « profane » (t-shirt, casquette, jogging) pour aller promener sur le chemin des Crêtes, il ne passe jamais inaperçu. Le plus souvent, bien sûr, au contact des gens. Tantôt au marché ou dans les ruelles d’Ajaccio, tantôt dans sa voiture à sillonner les quatre coins de l’île pour porter le message de l’Evangile. Un homme de terrain qui, de par son charisme, son grand coeur et surtout sa propension à n’écarter aucun sujet tabou, s’est très vite démarqué de ses prédécesseurs.


Impliqué dans la vie de la société corse

En deux ans, Monseigneur Bustillo a dû faire face à une importante crise financière, aux violences sexuelles dans l’Église avec la mise en place d’une charte spécifique sans compter les difficultés liées au manque de prêtres surtout dans le rural. Autant de dossiers qu’il s’est attaché à résoudre. Et c’est en cela qu’il apporte quelque chose de plus. Dans cette faculté qu’il a, d’être homme de Dieu totalement impliqué dans la vie de la société corse. En n’hésitant pas à s’emparer des questions d’actualité. Pour preuve, sa prise de position, du surcroît, in lingua nustrale, au cours d’une année 2022 tourmentée par les violences qui ont suivi l’assassinat d’Yvan Colonna. Appelant au dialogue, à la réconciliation et au rejet de la violence, il avait avoué «ne pas être indifférent à la souffrance des Corses... »

L’évêque n’a également pas manqué d’analyser le rapport de force politique entre la Corse et Paris ou le conflit entre les élus nationalistes et l’ancien préfet, Pascal Lelarge. Des appels au calme, à l’apaisement, la raison mais toujours dans les deux sens. Et des analyses, qui ne sont pas sans rappeler, toutes proportions mises à part, celles de Monseigneur Thomas, en janvier 1980 à la suite des événements de Bastelica Fesch. Conscient et respectueux de la spécificité insulaire, Monseigneur Bustillo n’hésite pas, et à maintes reprises à évoquer la notion de peuple corse. Des prises de position saluées, du reste, par la classe politique insulaire. Mais au-delà d’être un religieux porteur du message de l’Evangile, il est un homme de coeur qui s’efforce, dans son quotidien, de « sortir » de l’église et d’aller au devant des hommes et des femmes de Corse afin de montrer le chemin de la paix. Un chemin qui passe inéluctablement par la découverte de la paix intérieure. Le parcours d’un homme remarquable, débuté par son ordination sacerdotale le 10 septembre 1994, poursuivi par l’ordination épiscopale le 21 juin 2021 et qui va continuer le 30 septembre prochain à Rome où il sera créé Cardinal, par le Pape François. Et si ce parcours ne s’arrêtait pas là ?

Monseigneur François Bustillo :
« L’Église a été fragilisée, elle doit retrouver son âme »


-Vous avez été nommé Cardinal. Une continuité de votre parcours ?J’en suis très fier mais j’avoue avoir été surpris par cette nomination. Mais je suis Evêque de Corse et je le resterai, c’est ma joie. Je commence à connaître l’île, ce serait dommage, voire injuste de partir. D’autant qu’il y a des choix et des projets à venir. Le fait d’être Cardinal va me conférer des liens importants avec Rome. Je vais m’efforcer, à travers ces liens, de porter la voix de la Corse.



- Vous avez changé, en deux ans, le regard sur l’Église de Corse, en étant souvent sur le terrain. Que cela vous inspire-t-il
Il me semble important, quand on est Evêque de Corse, d’être un homme de terrain. C’est quand on est proche des gens et que l’on met en pratique la proximité que l’on peut comprendre un peuple, son histoire et ses rêves.


-Vous vous êtes également impliqué au coeur de l’actualité politique et sociale de la Corse. Une nécessité ?L’Evêque de Corse doit être sensible à ce que vivent les habitants de l’île. Il y a des enjeux importants et notamment la stabilité et la pacification sociales. S’il y a stabilité sociale, il y aura une vie pacifique et une situation économique paisible. Mon rôle n’est pas d’être acteur politique mais il me semble important d’être en contact avec les politiques, le milieu économique, culturel, sportif et autres...Je suis l’Evêque de tous, croyants et non croyants mais je ne peux pas être indifférent à ce que les Corses vivent.



-Peut-on parler de spécificité au niveau de la Foi en Corse ?
Je ressens, depuis que je suis ici, qu’il y a une belle proximité avec la Foi. L’Église a un rôle important à jouer. Et ce rôle ne consiste pas à avoir des privilèges mais des responsabilités au sein de la société corse. Les clochers, les chants, la tradition polyphonique, tout cela fait partie de la richesse et du patrimoine culturel du peuple. Et l’Église y a sa place.


-D’une manière générale, l’Église est en proie à des crises (vocations, affaires pédophiles, perte de la Foi). Doit-elle s’adapter au monde actuel?
L’Église doit percevoir ce que le monde vit. Les tiraillements, les tensions mais aussi les attentes. Elle doit apporter son patrimoine et aussi changer pour mieux communiquer. Certains considèrent que l’Église doit imposer ce qu’elle a, d’autres qu’elle doit s’adapter au monde. Je pense que c’est une question, avant tout, d’intelligence. Il faut savoir se situer dans le monde parce que l’Église vit dans le monde et les gens ont besoin de repères.


Cela signifie-t-il que des réformes doivent être opérées ?
Les réformes doivent être avant tout internes. L’Église doit d’abord retrouver son âme. Elle a été fragilisée par les affaires de mœurs. Si on regarde l’Occident, nous sommes confrontés à la crise des vocations, au manque de pratiquants et à l’absence de spiritualité chrétienne.
Si un homme cherche aujourd’hui la spiritualité, il va aller voir un chaman en Amazonie, un gourou en Inde ou un Sage au Tibet. L’Église catholique n’a pas su communiquer son âme et donc sa spiritualité.
Pourquoi, partir si loin s’il on cherche la spiritualité ? Comment maintenir les valeurs de l’Evangile si Jésus n’est pas connu ? Ils sont les moteurs de la Foi chrétienne. Les jeunes qui ont aujourd’hui moins de 30 ans, ne connaissent rien de tout cela et en même temps, ils sont dans un tourbillon imposé par le monde. Cela se traduit par de la dépression, des suicides, un côté fataliste, matérialiste, nihiliste, fanatique chez certains. Que pouvons-nous offrir à ces jeunes qui ne connaissent pas Dieu ? Quand on parle des valeurs de l’Evangile à ces jeunes désemparés, ils sont touchés, se posent des questions et cherchent des réponses. Une institution telle que l’Église peut leur donner une certaine solidité. Et ce sont là de beaux défis à relever.

Philippe Peraut
Partager :