Un jeu de société qui secoue ... " On lâche rien ! " un nouveau jeu
On est bien placé en Corse pour savoir que les forces de l’ordre sont souvent celles du désordre !
« On lâche rien ! »
Un jeu de société qui secoue…
On est bien placé en Corse pour savoir que les forces de l’ordre sont souvent celles du désordre !... Ligue des Droits de l’Homme (FDH), Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) et la société, Coco-Cherry, présentent un jeu de société original, « On lâche rien » qui apporte des clés pour comprendre le maintien de l’ordre à la française.
Ce jeun comprend 64 cartes dont 54 de base avec 18 représentations de manifestants, 18 de personnalités politiques, 18 de force de l’ordre ainsi que 10 cartes spéciales. Ce jeu de société mise sur la réactivité des joueurs - il ne s’agit pas de s’endormir ! Ce jeu inventé par Adrien Fulda et Luc De Bois est parfaitement décrit dans sa notice explicative qui développe ses règles. Les ados le font vite leur : mon petit-fils m’a asséné trois raclées phénoménales pour sa plus grande joie lorsqu’on l’a testé en famille.
Les personnages illustrant les protagonistes sont drôles voire ironiques. Défilent entre les mains des joueurs : manifestants sympathiques, personnalités politiques dubitatives, représentants des forces de l’ordre grognons. Pour gagner il faut pratiquer l’art de la tape sur les piles de cartes en jeu sur la table. Les joueurs émérites ont l’avantage de pimenter leurs parties avec 10 cartes spéciales. Elles traitent de phases épineuses d’une manifestation : gaz lacrymogène, projectiles divers, interpellations, BRAV – M, banderoles, policiers en civil, drone de surveillance. Le jeu est accompagné d’un livret, « Sous les pavés les mots » rédigé par la LDH et l’ACAT qui éclaire les droits- des manifestants et fait un sort aux dérapages policiers… En somme une vraie petite bible pour se préserver des débordements des forces dites de l’ordre.
Nathalie Tehio de la FDH explique que pour son organisation, « On lâche rien », est une bonne porte d’entrée pour sensibiliser le public lambda au droit de manifester, pour informer tout un chacun et susciter en lui l’envie d’en savoir plus afin d’être un citoyen de plein droit.
« On lâche rien » plaide aussi pour des revendications fortes : repenser les règles du maintien de l’ordre, supprimer l’utilisation des LBD, et de toute arme mutilante ainsi que des nasses et des techniques d’immobilisation mortelles, des BRAV-M. Il veut aussi la limitation des interdictions arbitraires de manifestations. Une pétition, « Stop à l’escalade répressive est d’ailleurs à signer sur le site de La Ligue des droits de l’Homme .
Lors de Solidays et de l’université d’été des mouvements sociaux à Bobigny Nathalie Tehio a eu l’occasion de tester, « On lâche rien ! » auprès de jeunes. L’aspect ludique du jeu a convaincu. Il a été sourcé de questionnements de la part de joueurs pas forcément militants qui ont découvert un aspect de la vie en société qui leur était jusque-là inconnu.
Michèle Acquaviva-Pache
ENTRETIEN AVEC LUC DE BOIS, créateur-éditeur de jeu
Quelle est l’histoire d’« On lâche rien ! », ce jeu pas comme les autres ?
Avec Adrien Fulda on a créé la société, « Coco-Cherry » pour lancer des jeux qui secouent. Des jeux engagés mais amusants et prenants. Des jeux destinés à des publics qui ne sont pas directement sensibles à notre message. On est auteurs et éditeurs de jeux, en tant qu’éditeurs on gère les projets et on prend des risques financiers ; en tant qu’auteurs on imagine et réalise les jeux. Adrien et moi on a déjà été auteurs dans d’autres maisons de jeux.
Pourquoi appeler votre société, « Coco-Cherry » ?
Parce que ce joli cocktail est un nom rigolo bien que notre stratégie soit quelque peu subversive. Cette appellation reflète tout à fait la couleur de notre maison de jeux, couleur qui donne le ton. « On lâche rien ! » se veut amusant et en même temps a l’objectif de semer des graines de conscience politique. C’est par son aspect plaisir que ce jeu va faire des adeptes, qui en le jouant vont apprendre les règles du droit de manifester. Dans le marché du jeu, on dénote.
Pour quelles raisons avoir approché La Ligue des Droits de l’Homme et Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture ?
On a d’abord été amené à contacter les créateurs du jeu, « Antifa », qui sont des anarchistes de Montreuil. Ils nous ont conseillé de prendre langue avec des personnalités légitimes en matière de manifestation ayant des références et de la documentation à ce sujet. Des personnalités irréprochables capables de porter le jeu. On a saisi ACAT par mail. On a rencontré des responsables de cette association qui se sont tout de suite marrer du second degré de notre jeu. On a sollicité sans résultat un syndicat de police. Enfin on a écrit à la LDH où Nathalie Tehio nous a répondu favorablement.
Quels sont les ressorts d’un jeu de société efficace ?
Adrien et moi sommes des joueurs. On a une culture ludique. On connait les mécanismes de très nombreux jeux. Finalement on s’est inspiré de « La bataille corse », jeu de cartes joué dans les cours d’école. Cette « Bataille corse » mise sur la rapidité des réflexes et sur la concentration. En outre c’est un jeu où l’on tape les cartes sur la table. On a fait tester « On lâche rien ! » à maintes reprises ce qui a induit beaucoup de transformations.
La règle du jeu comment l’avez-vous mise au point ?
On fait partie de clubs de jeu. Au fil des rencontres on a récolté des suggestions affinées au cours de tests ce qui prend énormément de temps.
Comment avez- vous choisi les personnages qui illustrent les cartes ?
J’ai créé les cartes sur ordinateur et on a abouti à un prototype avec trois catégories de personnages : manifestants, forces de l’ordre, hommes et femmes politiques. Pour ceux-ci on faisait référence à des personnalités connues. Dans les discussions que nous avons eues, on nous a recommandé de les rendre plutôt anonymes ! Il fallait donc les refaire, mission accomplie par le dessinateur, Allen Barte.
Pourquoi l’ajout de cartes spéciales ?
Ces cartes n’interviennent que si les joueurs ont acquis de l’expérience. Leur intérêt est de parler de choses qui n’apparaissent pas dans le jeu initial car elles viennent semer le chaos et renforcer le côté ludique du jeu. Par leur potentiel elles permettent d’aborder plein de situations : jets de gaz lacrymogène, de projectiles, rôle de la BRAV-M, des drones de surveillance, etc…Mais là encore on s’est refusé de jouer avec les vraies souffrances dont peuvent être victimes des manifestants.
Pour quel motif avez-vous fait appel au dessinateur, Allan Barte ?
On aime son humour. Comme nous il est très politique, très engagé. Il partage les mêmes valeurs que nous. Ses dessins faussement naïfs s’accordent bien à un jeu qui doit rester plaisant alors que son sujet ne l’est guère. Son trait est simple, efficace, sympa. Pour moi il est un virtuose, en plus je le trouve très brillant.
Quel rôle jouent les couleurs des cartes ?
Au début les forces de l’ordre avaient un fond gris, les manifestants baignaient dans le jaune… à cause des gilets, les politiques, eux, étaient nimbés de bleu. Le gris de la police nous a paru terne, de fil en aiguilles on a relevé ce gris d’une dose de rouge.
Votre projet actuel ?
Un militant niçois de la LDH nous a suggéré un jeu sur la surveillance électronique de l’espace public. On s’y est attelé. On a fait tourner le résultat de notre création pendant l’été. La mise au point de ce nouveau jeu nous a pris un an. Autour de ce projet on a constitué un groupe de travail avec des adhérents de la LDH et d’autres personnes qualifiées. Reste à trouver un nom percutant à ce jeu, à le faire illustrer et éditer. Sa sortie est prévue pour juin.
Michèle Acquaviva-Pache
- · On peut se procurer « On lâche rien ! » dans les boutiques de jeux, sur le site de la LDH et sur celui de « Coco-Cherry ». Prix : 15, 90 euros.