• Le doyen de la presse Européenne

Nous les indigènes de l'île de Corse......

Une triste victoire et l'annonce d'une nouvelle bataille
Nous les indigènes de l'île de Corse…

J’ai passé une journée entière dans le domaine de Julien Peretti, ce jeune Corse qui vient d’être condamné par la justice à détruire son instrument de travail et sa demeure d’habitation après les plaintes déposées par deux associations « de défense du littoral » il y a de cela douze longues années. Triste victoire et l’annonce d’une nouvelle bataille.

Deux « erreurs » des associations


Contrairement ce qui est suggéré sur la page d’U Levante, la famille Peretti habite bien sur place; les morts aussi d'ailleurs puisque le cimetière familial se trouve en plein milieu de la propriété. Deuxième constat après vérification : les permis de construire déposés par Julien Peretti il y a douze ans ont été validés par les autorités compétentes ce qu’U Levante a caractérisé comme un piétinement de la loi par les préfets d’alors. Curieuse dialectique qui veut que lorsque les décisions vont dans le sens d’U Levante, elles deviennent la démonstration du juste, mais quand elles prennent un tour contraire, elles révèlent la preuve d'une complicité criminelle de l’autorité avec les supposés contrevenants. Puis les permis ont été cassés parce qu'ils n'auraient pas été affichés comme il se doit. On rêve ou plutôt on cauchemarde.

Les vivants et les morts…


La famille Peretti est présente sur ces terres depuis environ un siècle et demi voir plus et elle y habite officiellement depuis 1881 (cf cadastre napoléonien). Le petit cimetière intra-muros qui date de 1850 n’abrite ad aeternam que les corps des défunts familiaux dont celui d'une vieille tante né en 1862. La Peretti, eux, logent dans les maisons condamnées à la démolition. Quand on se trouve dans l'endroit c'est d'une telle évidence que cette réalité soit mise en doute. La mère de Julien, handicapée à 80 %, occupe une des maisonnettes elle aussi promise à la destruction. Ces supposés spéculateurs, ces prétendus criminels sont donc les enfants o combien légitimes de cette terre qui forme leur monde et qu’ils ont travaillée avec un infini respect sans jamais la dénaturer. Les maisons, dont les associations ont exigé sans pitié la destruction, ont été érigées pour certaines alors qu’aucun d’entre nous n’était né. Elles ont été construites à la force des bras des Peretti. Les poutres ont été taillées bois local et mises en place par les Peretti.

Les Corses et les autres


Les agrandissements ont été approuvés par les autorités légales comme le reconnaît d'ailleurs u Levante tout simplement parce qu'alors la zone était constructible ce qu’elle a cessé d'être un an après les autorisations. Or la loi ne saurait être rétroactive. Donc les Peretti étaient dans leur droit. Le plus tragique est qu'à cinquante mètres de la principale maison condamnée, celle où loge la famille Peretti, un continental a déposé et obtenu un permis de construire le 28 novembre 2016 alors que la zone était devenue inconstructible. Il a non seulement bénéficié de cet étrange passe-droit, mais de plus a construit une maison d’une superficie étonnante sans que cela provoque la moindre protestation. Ainsi donc l’indigène — car il faut bien parler ainsi — fruit d'une histoire séculaire, qui utilise la terre comme gagne-pain, se voit ordonner par la justice à s’ouvrir les veines sous les applaudissements de ses délateurs quand l’étranger qui profite du lieu un mois par an s’installe, aggrandit sa demeureÒ, épargné par les foudres de la loi et par le poison de la dénonciation. Un poids et deux mesures car les associations plaignantes ne pouvaient ignorer la situation elles qui avaient été jusqu’à louer un avion pour survoler les lieux.

Un droit, une injustice pour les indigènes


Il existe un peuple corse nié avec constance par un pouvoir central, figé dans ses certitudes centralisatrices. Ce peuple corse est placé sur le même plan juridique que celle ou celui qui s'installe dans notre île, ne fût-ce que par spéculation. Celui-là a peut-être vocation à devenir à son tour un enfant de cette terre. Mais comme dans une loge, il lui est demandé un temps de silence pour obtenir la satisfaction d'être accueilli comme une sœur ou un frère. En attendant, dans le réel et le quotidien, les filles et les fils de notre peuple semblent en certaines occasions posséder moins de droits que les nouveaux venus tout simplement parce que la fameuse égalité devant la loi crée un nivellement au détriment de l’indigénat. Les associations qui affirment défendre le littoral participent à ce brûlant déni de justice en attaquant avec un acharnement étrange et pathologique ces « indigènes » valeureux qui cherchent à vivre sur leur terre et de leur terre . Quand elles lancent l'hallali avec une cruauté sans nom contre la famille Peretti, elles participent à la destruction d'un lien particulier avec ce maquis, ces rochers, ces paysages. Et il faut avoir perdu ou n'avoir jamais possédé ce fameux stintu corsu qui fait ce que nous sommes. S'en prendre à la terre de nos morts, c'est ne plus rien respecter de sacré. Comment peut-on simplement penser qu'une famille qui vit près de ses défunts pourrait salir cette terre ?

À trente minutes à peine…


La propriété de la famille Peretti se situe à une demi-heure en voiture de la rive sud d’Ajaccio qui aujourd'hui est hérissée de grue et d’immeubles construits en toute légalité et contre lesquels les associations n’opposent que leur silence ou parfois un murmure de circonstance. Pire : celui qui a initié cette chronique d’une mort annoncée en entamant il y a douze ans les plaintes contre la famille Peretti s’est payé le luxe dans le même temps de faire déclasser en toute légalité une parcelle inconstructible qui lui appartenait afin d’y édifier plusieurs demeures. Ses amis se sont bien gardés de le dénoncer. Et cet exemple n’est pas unique qui voit de grands défenseurs de l’environnement, de furieux légalistes pudiquement détourner le regard quand il s’agit de copains ou encore des membres de leur famille.

Si la loi est injuste alors il faut changer la loi


Et puisque la justice affirme respecter une loi qui autorise un pareil scandale, il va falloir changer la loi. En 1970 la loi interdisait l’avortement. Nous nous sommes battus pour que cela devienne légal et nous avons gagné. Il paraît même que ce droit va être inscrit dans la Constitution. Partout dans le monde, les peuples premiers ont obtenu, après des siècles d'injustice légale, de posséder des droits différents des nouveaux venus. Les Kanaks possèdent des garanties territoriales comme les indigènes tahitiens. C’est aussi vrai aux États-Unis, au Canada pour les Amérindiens, en Australie pour les aborigènes, en Nouvelle-Zélande pour les Maoris. Pourquoi les Corses ne posséderaient-ils pas une législation particulière qu’il conviendra bien entendu de border mais qui permettraient aux indigènes qui possèdent des propriétés familiales d’en vivre sans être obligés de les vendre aux spéculateurs, aux promoteurs de tous poils ? C’est aussi cela le pouvoir normatif : s’adapter au relief, à la géographie, à la culture d’un peuple particulier. Initier une telle loi permettrait de ralentir la découpe des propriétés, de créer des emplois. Ça aiderait à sauvegarder des terres agricoles qui servent à des agriculteurs indigènes. Ça serait casser cette spirale infernale qui veut que, petit à petit, les meilleurs éléments d’un peuple soient chassés de chez eux pour laisser la place à des spéculateurs uniquement intéressés par des placements spéculatifs avantageux grâce à la complicité d'autres Corses.

Se battre pour le domaine Peretti c’est se battre pour la Corse


Dans quatre mois, les Peretti vont devoir, s’ils refusent le suicide moral et matériel qu’on leur impose, payer 1 500 euros d’astreinte quotidienne pendant six mois au bout desquels la force publique interviendra. Il revient aux avocats de gagner cette bataille : empêcher les astreintes avant la cassation. Et moi qui ai toujours été très circonspect vis-à-vis du statut de résident, je réalise en cette occasion que j'ai fait fausse route. La Corse est en train d’être dépossédée de son bien le plus cher : sa terre, sa matrice et ce à une vitesse sidérante. La cause des Peretti doit devenir un symbole pour toutes celles et tous ceux qui comprennent ce que cela signifie pour les Corses : la dépossession locale de notre terre. Nous allons nous atteler à la tâche. Nous allons monter un comité de soutien à la famille Peretti afin de l’accompagner dans cette période particulièrement éprouvante et faire savoir à ses ennemis qu’il n’est pas seul et qu'en Corse la notion de solidarité reste une valeur forte. Nous allons nous battre en excluant toute forme de violence mais sans rien lâcher. À la violence glaçante exercée par les dénonciateurs professionnels nous allons opposer la chaleur d'une émotion légitime et collective, sincère et généreuse. Ils sont l'automne. Nous allons être le printemps.

Parvenir à imposer un statut d’indigénat


Mais nous voyons plus loin encore : nous voulons que la loi change pour permettre aux enfants de notre terre, aux indigènes de vivre et travailler là où ont vécu leurs ancêtres dès lors qu’ils renoncent à toute spéculation immobilière. Nous allons mettre tous les moyens possibles et légaux de notre côté : campagne de presse, intervention sur les réseaux sociaux, popularisation du cas Peretti comme démonstration d’une injustice criante. Dans un avenir très proche, un comité de soutien va voir le jour qui aura pour première tâche de promouvoir une pétition pour recueillir l’assentiment d’une majorité de Corses. Nous avons demandé aux Peretti de créer un film sur leur propriété qui sera mis sur Youtube afin que chacun puisse constater de visu la réalité de la situation. Il est un proverbe qui dit qu’à force de trop courber l’échine, on finit par ramper. Il est temps de nous redresser pour les Peretti, mais aussi pour nous-mêmes. Car le meilleur moyen de lutter contre la dérive mafieuse est encore d'armer nos enfants de cette passion pour la Corse, de cette force intérieure tellement particulière qui a animé tant de Corses, ces fameux indigènes, afin de la préserver tout en développant une économie respectueuse et responsable. Le combat ne fait que commencer.

GXC


En illustrations la famille Peretti et le cimetière familial


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