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Exposition photos à Una Volta : L' une est napolitaine, l'autre corse

Diane Moulec est corse, Ibaria Abbiento est napolitaine

Exposition photos à Una Volta
L’une est napolitaine, l’autre corse.



Diane Moulenc est corse. Ilaria Abbiento est napolitaine. Una Volta nous propose de découvrir ces deux jeunes photographes talentueuses. Cette double exposition est réalisée par le CMP (Centre Méditerranéen de la photographie), qui en collaboration avec Photolux Festival de Lucca a lancé un programme de résidences d’artistes, depuis 2017, dans le but de dynamiser les échanges culturels entre la Toscane et notre île.



« Aria », tel est le titre de l’exposition d’Ilaria Abbiento, lauréate du CMP, originaire de Naples. Son projet l’a conduit à Bonifacio, en 2021. Photographies, vidéo, installation content son univers qui se déploie en camaïeux de couleurs douces et s’articule sur trois éléments : l’eau, la terre, le ciel, des éléments qui peuvent crépiter – l’eau surtout – grâce à un procédé sonore. Ces images tendres que captent l’œil ont une résonance de musique intérieure légère et délicate, qui esquissent les contours d’un archipel intime, secret peut -être…

Ilaria Abbiento nous livre aussi une étonnante œuvre au noir avec en son centre une constellation de particules lumineuses qui éclatent à la manière d’un feu d’artifice qui saurait la discrétion et la mesure. De sa résidence d’artistes à Bonifacio l’artiste dit qu’elle a été enchantée par la clarté d’un paysage de pierres blanches calcaires, façonnées par les embruns. Et d’ajouter : « L’île représente l’aboutissement de mon éveil, un retour à l’essentiel, à l’amour de l’existence, à la pureté du souffle ».

Diane Moulenc
est, elle, la lauréate de Photolux de Lucca. Enfant de Moltifao elle vit entre la Corse et Paris. A Lucca elle a travaillé hors les murs de la prestigieuse cité historique, dans des banlieues ordinaires, communes à l’espace urbain de presque toute l’Europe occidentale. Son défi ? Déceler du beau, de l’harmonieux derrière un quelconque de prime abord de peu d’intérêt. Le format vertical de ses photographies aide beaucoup à cette métamorphose du quotidien.

Gamin agrippé à la balustrade de son immeuble. Femme voilée prise de dos. Agent municipal dans des vêtements d’un orange acidulé. Trio de lévriers habillé de mantelets. Vierge en son isolement perchée sur un piédestal qui parait déglingué, statue posée dans un recoin de quartier désolé. Autant de vues à questionner.

Deuxième proposition de Diane Moulenc, « Tra li monti », une exploration de la montagne corse, de la nature. C’est une première expérience du genre de la part d’une artiste qui a plutôt l’habitude de privilégier le monde citadin. Là, elle s’attarde sur les paysages de son enfance. Retour au pays natal en somme. Dans son objectif un pêcheur à la ligne aux gestes qui ont quelque chose de religieux en fixant appât ou hameçon. Des exvotos énigmatiques greffés au flanc d’une roche. Le toit d’un refuge encore emballé d’obscurité alors que pointe le jour. Un cheval goûtant une liberté sans limite. Des branches mortes de châtaignier qui, en leur sort funeste, s’acharnent à ressembler à du bois flotté. Amas de granite d’une éclatante blancheur sur tapis d’herbe verte. Ces images la photographe les a engrangées lors d’une marche où son esprit s’est vidé, où confie-t-elle : « La respiration s’amplifie, où tout semble ralenti ».

Michèle Acquaviva-Pache

  • · Jusqu’au 29 décembre, à Una Volta.
  • · La résidence d’Ilaria Abbiento a été soutenue par la ville de Bonifacio, l’office du tourisme, le Conservatoire du littoral, l’Office de l’Environnement.
                                                                                       ENTRETIEN AVEC DIANE MOULEC

Pourquoi la photographie a-t-elle été votre choix de vie ?

Très vite la photographie m’a passionné. Cette passion s’est encore renforcée à l’adolescence, mais je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi, si ce n’est que photographier me permettait de mieux regarder autour de moi. Aujourd’hui c’est aussi une façon d’accéder aux gens… Je happe des moments. S’il s’agit de personnes de face, je leur demande après si je peux garder le cliché. Il arrive parfois que la discussion s’éternise comme dans le cas de cet employé des services municipaux de Lucca !


Qu’est-ce qui déclenche chez vous le geste de photographier ?

Je me pose moi-même cette question… Une dizaine de facteurs interviennent. J’en retiens trois : les formes, les lumières, les couleurs, si ces alignements font sens, s’ils se réfèrent à la culture de l’image. Tout ça se joue en un quart de seconde.


Comment s’est passé votre résidence d’artiste à Lucca ?

Le travail en résidence était délicat, car il était difficile de prévoir à l’avance ce que je ferai. A la ville historique avec ses fortifications, ses murs d’enceintes à l’intérieur desquels vivent ceux qui s’appellent les « d’entro », j’ai préféré les banlieues habitées par ceux qui se nomment les « fuori ». A pieds ou à vélo, en un travail très solitaire, j’ai parcouru lotissements, zones pavillonnaires, centres commerciaux. Je me suis imbibée des lieux. Je me suis rendue disponible à cet environnement et disponible à ma curiosité. J’ai fait des rencontres et partager avec les gens. « D’entro » et « Fuori » sont séparés par les remparts, une frontière géographique et sociale,une frontière métaphorique…


Vous avez d’abord été attirée par les espaces urbains. Pour qu’elle raisons ?

Parce que j’ai été élevée essentiellement à Moltifao. Alors la ville m’a fascinée, car elle est mélange constant de formes, d’objets, de situations.


De Lucca vous avez rapporté des instants de vie de tous les jours, donc plutôt banals. Cette banalité cache-t-elle une beauté ?

Je cherche la beauté là où on ne l’attend pas, ce qui provoque en moi un grand plaisir… Trouver la beauté dans la banalité c’est l’essence même de mon travail. Photographe je suis plus touchée par un moment ordinaire que par la splendeur d’un coucher de soleil. Je recherche l’image qui résiste, devient belle tout d’un coup et participe ainsi à mon émotion.


La série, « Tra li monti », relève d’une marche dans la nature. Cette marche du nord au sud de l’île que vous a-t-elle appris ? Était-ce une sorte de quête initiatique ?

Marcher sur le plus célèbre des sentiers de notre île a été un moment très fort, car je me suis sentie capable de photographier les lieux où j’ai grandi ce qui n’était pas le cas avant ! Après avoir travaillé sur New York et au Mexique j’ai fait un pas de côté et j’ai su que mon travail allait se diriger sur la Corse. Cette marche dans un milieu naturel c’était nouveau pour moi et ça me procurait encore plus de disponibilité d’esprit. En quelque sort c’était une quête initiatique.


A part New York et le Mexique où avez-vous marché et photographié ?

A l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles j’ai voulu faire une césure d’un an. De New York j’ai eu envie d’aller au Mexique puis au Guatemala, au Salvador et dans une partie de la Colombie. Dans ces pays, marchant, prenant le bus j’atterrissais dans des endroits qui n’avaient rien de touristiques. J’apprenais ce qu’était la position de l’étrangère et qu’il fallait l’accepter. En même temps je réfléchissais beaucoup sur la photographie et sur la nécessité de ne pas tomber dans le piège de l’exotisme !


Dans votre périple corse où avez-vous photographié ces roches blanches qui font penser à des sculptures œuvres de géants ?

Non loin de la Bocca à Soglia au-dessus du lac du même nom. Je venais de passer dans un environnement de roches noires et de crête en crête est apparu de l’herbe verte et ces roches blanches.


Cette vue d’un lac empli de mystères dont vous avez fait une très étrange photographie où se cache-t-il ?

C’est le lac du Cintu. L’atteindre représente une véritable épreuve… Montée de quatre heures, commencée quand il fait encore sombre. Puis au lever du jour le lac se constelle de paillettes dans un environnement de roches noires.


Dans votre itinéraire corse qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?

L’émerveillement recommencé chaque matin. Bien sûr je connaissais certains paysages parce que mes parents m’ont initié tôt à la marche. Mais là j’ai pris conscience que mon émerveillement durerait toute ma vie. Maintenant je voudrais travailler sur la plaine et développer ainsi une longue suite sur la Corse. Sur l’île, je voudrais m’intéresser aux sites naturels… mais pas seulement.


Vos rêves de photographes ?

Porter un regard juste. Pouvoir travailler en découvrant mon île grâce à mon métier.

Propos recueillis par M.A-P



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