• Le doyen de la presse Européenne

L'ère du soupçon

Comme l’a indiqué l’excellent Jean-François Marchi dans ces colonnes, les points de rapprochement entre la « loi des suspects » et « Tracfin » sont patents.

L’ère du soupçon…

Comme l’a indiqué l’excellent Jean-François Marchi dans ces colonnes, les points de rapprochement entre la « loi des suspects » et « Tracfin » sont patents.

Cela nous dit que nous sommes toujours plus dans l’ère du soupçon, partout, toujours.De la même façon que la liberté n’est plus la règle, comme cela devrait être le cas dans toute société civilisée, le soupçon est devenu le nouveau principe, ce qui est un autre moyen, on le verra, de rogner le peu de liberté qui nous reste.Le droit se met au service du contrôle, mais cela participe de sa nature en réalité et permet de donner sa juste place – une place mineure – au concept d’État de droit dont on nous rebat en permanence les oreilles.


En effet, il convient de ne jamais oublier que le droit et les règles juridiques ne sont que des outils. Et que comme tout outil il peut le bien comme le mal, tout dépend de celui qui l’utilise. C’est tout simple, malheureusement, même si cela n’est pas toujours (ou souvent) bien compris. Une fois que cela est bien entendu, le débat devient plus simple. Ainsi, ceux qui nous disent que parce que le droit le dit, cela est forcément juste et se doit d’être appliqué sans discussion se fourvoient nécessairement.

Ceux-là qui bâtissent tout leur raisonnement et tout leur édifice sur ces prémisses ne peuvent qu’être dans le faux le plus absolu.La loi n’est pas intrinsèquement bonne, sauf la loi Divine, bien évidemment !
Dès lors, il faut qu’elle soit juste et qu’elle concrétise, au moment où on l’applique, l’assentiment du corps social.Certes, ce ne peut être l’anarchie, et toute société pour fonctionner paisiblement doit se fonder sur le respect d’un minimum de règles permettant la vie en commun.Néanmoins, il convient que la contrainte ne s’exerce qu’a minima, et pour assurer cette seule vie en commun.
Pour le reste, le droit doit rester en dehors, s’abstenir, pour assurer la liberté, les libertés de chacun.

Malheureusement, on ne peut que constater aujourd’hui que la réglementation s’insinue partout. Tout doit faire l’objet de prescriptions, de plus en plus de choses, jadis autorisées sans difficulté, sont devenues interdites. Si l’on éprouve le besoin de tout encadrer, de tout réglementer, c’est naturellement que l’on estime que les individus, les citoyens, sont devenus des sortes d’incapables, ne sont plus en mesure de déterminer ce qui est bien, ce qui est juste s’agissant même de leur comportement quotidien. Dans une vision plus pessimiste, mais qui sans doute rejoint la première, on peut aussi considérer qu’il s’agit tout contrôler de la part de ceux qui s’estiment en capacité de le faire (on se demande d’ailleurs pourquoi et à quel titre : c’est la question de la légitimité). De sorte que naît un a priori de soupçon à l’égard de tout comportement.

Les choses les plus banales, comme celle de brûler de l’herbe qu’on a coupée ou des branches d’arbres, deviennent interdites, et l’on nous dit qu’il faut tout transporter dans une déchetterie, celle de l’esprit totalitaire reste d’ailleurs à créer. Il faudra y songer.

Il fut un temps, pas si lointain, ou tout un chacun procédait comme il l’entendait dans ce domaine, comme dans bien d’autres. Mais, au prétexte, devenu dogmatique, de protéger la planète, tout est permis pour les nouveaux censeurs, qui ne s’en privent pas, c’est d’ailleurs dans l’ordre des choses. Sous prétexte de nous préserver des émissions des gaz dits à effet de serre, on nous dit aussi, même si l’interdiction n’est pas - encore - présente, qu’il ne faudrait plus manger de viande, bovine, notamment, car ces pauvres bêtes émettent des gaz nocifs. La prochaine étape est sans doute de supprimer les élevages pour ce motif de « bien commun ».

Cela s’inscrit ainsi dans les attaques, concertées ou non, contre ce qui constituait l’âme du pays, une civilisation marquée par son caractère rural, qui s’est inscrit dans les paysages et a fondé un rapport au monde si singulier, n’excluant par l’ouverture et l’ambition.

Si l’on n’y prend garde, il est fort probable qu’on considérera bientôt qu’il faudra mesurer les émissions de gaz des humains soupçonnés de porter atteinte aux équilibres de la planète. Ainsi, on peut imaginer la mise en place d’une réglementation en ce sens, prohibant par exemple toute action de ce type la nuit ou la limitant à certaines heures. De sorte que des mécanismes de signalement de toute activité flatulente intempestive pourraient être mis en place, tout un chacun étant soupçonné de velléités de fraude.

On peut rire de tout cela, pendant qu’il en est encore temps, mais prenons garde à ce que de vents mauvais ne viennent perturber nos vies déjà bien, déjà trop, encadrées…


Salluste
Partager :