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Maroc : le tout- tourisme ne respecte rien

Le tout tourisme n'a que faire ni du bien-être des habitants, ni des activités économiques traditionnelles.......
Maroc : le tout-tourisme ne respecte rien


Avec les démolitions ayant eu lieu à Imsouane, il est une fois de plus démontré que quel que soit le pays, le tout-tourisme n’a que faire ni du bien-être des habitants, ni des activités économiques traditionnelles, ni du patrimoine bâti, ni de la culture du pays, ni même des visiteurs qui aspirent à un tourisme respectueux des territoires ainsi qu’à des rapports harmonieux avec les populations locales.


La côte marocaine est réputée pour ses spots de surf (sites de pratique). Ceux d’Imsouane, petite ville de 8000 habitants du littoral atlantique, sont particulièrement connus et prisés. On peut d’ailleurs encore lire sur une page d’un guide touristique en ligne : « Imsouane est un petit village de pêcheurs du Souss-Massa, situé entre Essaouira et Agadir, qui n'a pas été surexposé au tourisme ; qui a su préserver son environnement naturel, sa culture authentique et son ambiance surf. Imsouane propose deux spots de surf : d'un côté du port, vous trouverez Cathédrale […] de l'autre côté du promontoire, vous trouverez le spot de surf de renommée mondiale La Baie. » Mais, il y a quelques jours, le quotidien La Croix a déploré que « Imsouane la Berbère » ne soit plus qu’un « paradis perdu des surfeurs. » Plus précisément, c’est une partie de ce « paradis », le pittoresque quartier Cathédrale jouxtant le spot de surf éponyme, qui a disparu. En effet, il n’est plus qu’une image de carte postale et un champ de ruines car, le 18 janvier dernier, immédiatement après que les résidents et les visiteurs aient dû, en 24 heures, déménager ce qui pouvait l’être et vider les lieux, des bulldozers sont entrés en action et ont tout détruit (habitations, boutiques, échoppes, restaurants de plage, cabanons des clubs de surf...) En 2022, la Société de Développement Régional du Tourisme de la région de Souss-Massa (une des douze régions administratives du Maroc), avait promis de réaménager le littoral d’Imsouane et d’y augmenter la capacité d’accueil en conservant une grande partie du bâti ancien, en respectant la pêche artisanale et les activités commerciales et de loisirs dont le surf. La promesse n’a pas été tenue.


Des villages rasés au nom de projets de modernisation


L’opération de démolition qui a affecté Imsouane ne représente pas une première. Ces temps derniers, plusieurs villages du littoral marocain ont subi le même sort. Les autorités justifient les caractères expéditif et brutal de ces opérations par le fait qu’elles mettent fin à des « occupation temporaire » ayant été rendues possibles puis pérennes « en violation des textes réglementaires », et ce, à la suite « d’arrangements administratifs ». Cette subite exigence de rigueur et de vertu ne peut faire oublier que la plupart des familles résidant à Cathédrale y vivaient depuis des dizaines d’années et y exerçaient une activité. Par ailleurs, elle cache mal que dans la perspective de deux événements footballistiques qui auront lieu au Maroc (Coupe d’Afrique des Nations 2025, Coupe du Monde 2030) et du fait que les perspectives sont très prometteuses pour le secteur touristique (en 2023, un million de visiteurs de plus que l'objectif fixé par le gouvernement, soit 13,5 millions de visiteurs, soit un dépassement du nombre record de 13 millions enregistré en 2019), les autorités marocaines entendent créer et développer de grandes structures d’accueil. Les surfeurs marocains et ceux d’autres pays ne sont pas dupes. D’ailleurs, pour tenter d’éviter la démolition de Cathédrale, ils avaient communiqué : « La démolition d’Imsouane pour faire place à de nouvelles stations balnéaires est une mesure préjudiciable qui menace d’effacer l’essence même qui attire les surfeurs et les touristes vers ce joyau du littoral. Nous vous invitons à vous joindre à nous pour demander aux autorités compétentes d’arrêter immédiatement ces projets destructeurs et de faire une déclaration en faveur du tourisme qui aide les entreprises locales à prospérer. » De son côté, Lilias Tebbaï, championne d’Afrique de surf et sextuple championne du Maroc de cette discipline, avait écrit : « Des villages sont rasés au nom de projets de modernisation. Ces villages font partie de notre patrimoine culturel et sont la beauté de notre pays, des traditions sacrifiés pour la construction de complexes et de resorts. Stop à cette dévastation et à la destruction de nos histoires ». Avec les démolitions ayant eu lieu à Imsouane, il est une fois de plus démontré que quel que soit le pays, le tout-tourisme n’a que faire ni du bien-être des habitants, ni des activités économiques traditionnelles, ni du patrimoine bâti, ni de la culture du pays, ni même des visiteurs qui aspirent à un tourisme respectueux des territoires ainsi qu’à des rapports harmonieux avec les populations locales.


Alexandra Sereni
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