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Les libertés ou la sécurité : une question planétaire

La sécurité faite au détriment des libertés publiques.......

Les libertés ou la sécurité : une question planétaire



Le président du Salvador Nayib Bukele, d’origine palestinienne, vient d’être réélu avec un score digne d’un régime soviétique. Pourtant il est loin de prôner le communisme. Son titre de gloire est la victoire qu’il emporte sur les maras, ces cartels locaux qui terrorisaient le pays entier. Mais cela s’est fait au détriment des libertés publiques.


L’exemple philippin


Le président salvadorien s’est inspiré de l’exemple philippin : Rodrigo Duterte, ancien avocat connu autant pour ses blagues sur le viol et pour s’être comparé à Hitler, avait déclaré la guerre aux trafiquants de drogue. Un mois après son élection en 2016, plus de 110 personnes liées au trafic de drogue avaient déjà été tuées et au moins 60 000 s’étaient rendues. Duterte déclare souhaiter que 100 000 personnes soient tuées lors de ce nettoyage. Le bilan est lourd : 7 000 personnes en seraient mortes, selon l’ONU, victimes d’exécutions sommaires ; 10 000 en une année selon plusieurs ONG de défense des droits de l’Homme et 30 000 en tout. 35 000 personnes ont été incarcérées. Malgré cela, Duterte possédait une cote de popularité qui atteignait 82 %. Le président salvadorien s’en est largement inspiré. Les maras, ces cartels locaux rassemblaient jusqu’à cent mille membres. Le président Bukele a tenté de négocier avec les deux principales maras : la Salvatrucha et Barrio 18. Puis il a décidé de lancer l’armée contre les cartels allant jusqu’à emprisonner 75 000 personnes pour une population globale de 6,5 millions d’habitants. Dans ce pays où les fausses couches sont assimilées à des avortements et sont passibles de 25 années d’emprisonnement, les arrestations ont eu lieu la plupart du temps hors toute légalité. Et comme il fallait bien les mettre quelque part, Bukele a lancé la construction d’une prison de 40 000 places. Les avocats et les familles y sont interdits et les gardiens ont droit de vie et de mort sur les détenus.

Un remède radical


Avec 87 % des voix, le parti présidentiel, Nuevas Ideas (« Idées neuves ») est hégémonique au Parlement unicaméral. L’état d’urgence toujours en vigueur depuis deux ans. Pourtant Bukele n’aurait pas dû se représenter si on en croit la Magna Carta, la constitution salvadorienne. Mais, tout comme Trump, il a coopté de nombreux membres du système judiciaire, jusqu’à la Cour suprême, qui l’y ont autorisé. Le taux d’homicide est passé de 103 pour 100 000 habitants, à l’arrivée au pouvoir de Bukele, à 7,8 en 2022, selon un rapport d’Insight Crime, site de recherches et d’analyses sur la criminalité. Le taux a encore baissé en 2023, à 2,4, selon le gouvernement. Nayib Bukele a déclaré sur son compte X : « Le Salvador est officiellement le pays le plus sûr de toute l’Amérique latine. » Et Bukele fait des émules puis que le président équatorien, lui aussi en butte aux cartels de la drogue, a décidé de s’inspirer du modèle salvadorien.

La sécurité des dictatures contre les libertés démocratiques


De tels exemples qui se multiplient à travers le monde ont pour cause l’emprise de plus en plus puissante des mafias diverses et variées sur l’économie mondiale. La violence mafieuse s’exerce en premier lieu sur les populations les plus défavorisées qui, alors, se tournent vers les hommes à poigne. Cela est vrai sous tous les cieux et favorise indubitablement les régimes de gauche comme de droite qui font passer au second plan le respect des valeurs démocratiques, jugeant que celles-ci favorisent le délinquant. Et il est indéniable que la délinquance traumatisante est moindre dans les pays qui appliquent des mesures sans concession. La véritable confrontation est entre des libertés théoriques et des libertés réelles. Peut-on parler de réelle démocratie quand les mafias font concrètement la loi ? Les populations placées sous le talon de fer des trafiquants jouissent-elles des libertés fondamentales ? Non évidemment. Le préfet mussolinien Mori avait réussi à anéantir la mafia au prix de tortures et de déportation. Pourtant la mafia avait retrouvé toute sa vigueur après la guerre parce que le système social favorisait sa renaissance. Aux Philippines, la pauvreté est toujours aussi prégnante et alimente la sécession musulmane dans ce pays catholique. Au Salvador, il existe toujours cette frontière entre les paysans pauvres et la bourgeoisie possédante, ce qui avait créé les conditions de la guérilla durant les décennies soixante-dix et quatre-vingt. Et pourtant le peuple s’en remet à des hommes-mirage quand le quotidien devient insupportable. La tendance planétaire est aujourd’hui au renforcement des mesures liberticides et bien souvent, trop souvent les défenseurs des droits fondamentaux apparaissent comme des apôtres prêchant dans le désert.

GXC
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