Mossa palatina : un impact attractifs
Une alternative idéologique et politique ?
Mossa palatina : un impact attractif
Le discours palatinien suscite de la nostalgie parmi des publics âgés et un sentiment de puissance chez des publics plus jeunes. Il séduit le Corse qui entreprend, qui dit être excédé de payer des impôts pour subvenir à des besoins qu’il juge ne pas être ceux de sa communauté et de sa terre, qui a peur d’un avenir sous la menace de l’arrivée massive de non corses. Il rencontre le ressenti de plus en plus général d’une impuissance des majorités nationalistes qui se sont succédées depuis décembre 2015 et leur oppose une alternative idéologique et politique.
Le 9 mars dernier, au Palais des Congrès d’Aiacciu, c’était jour de meeting. Sur une imposante banderole surmontant l’entrée, en lettres noires sur fond blanc, se détachaient deux mots : « Mossa Palatina ». Bien avant l’heure de l’ouverture des portes de l’auditorium où tout allait se dérouler, plusieurs dizaines de militants et de sympathisants patientaient sur le monumental escalier d’accès et dans le grand hall. L’organisation apparaissait très professionnelle et soucieuse de se montrer ouverte à la modernité : une garderie pour les enfants était proposée aux parents ; des petites bouteilles d’eau minérale étaient mises à disposition ; des bandere étaient réparties dans les travées de l’auditorium pour que les participants puissent le moment venu s’en emparer et les agiter ; les orateurs annoncés répétaient leurs interventions ; l’image d’un gigantesque QR code allait être projetée sur le grand écran situé derrière la scène pour inviter à scanner un bulletin d’adhésion à partir d’un téléphone portable. Quelques minutes après le libre accès dans les lieux, il était évident que le pari de réunir 400 personnes était gagné. La plupart des 432 fauteuils étaient déjà occupés. Tous l’étaient quand le meeting a débuté et plusieurs dizaines de participants avaient dû se résigner à rester debout. Un peu plus de 500 militants et sympathisants avaient donc répondu présent.
Le parti initié par Nicolas Battini venait d’ores et déjà de réussir son entrée sur la scène politique. L’heure de délivrer le message étant alors venue, tout a débuté par un premier coup de griffe porté aux partis nationalistes ayant géré la Collectivité de Corse depuis la « victoire historique » de décembre 2015. Sur l’écran géant, des slides ont, dans un premier temps, rappelé l’enthousiasme qu’avait soulevé cette victoire ; dans un second temps, dénoncé que les vainqueurs aient atteint à l’identité et aux intérêts des Corses notamment en ayant invité à accueillir les migrants de l’Ocean Viking (en 2017) et en ayant, comme plus particulièrement la municipalité bastiais, adhéré au wokisme (en 2022). Le dernier slide a à la fois exprimé une condamnation sans appel des vainqueurs et une justification de la création de Mossa Palatina : « Ci (h)anu traditu, a nostra vindetta si chjama Mossa Palatina ».
Le message palatinien
L’heure de délivrer le message palatinien est alors venue. Étant présentés par Romain Vincetti, directeur de l'associu Palatini, plusieurs membres de la direction exécutive du parti ont pris la parole. Se sont succédés au pupitre et derrière le micro (aucune femme sur la scène !) : Lisandru Luciani, Jean-Charles Villanova, Paul Marchione, Anto'Marcu Galloni d'Istria et, bien entendu, Nicolas Battini. En une heure trente - Nicolas Battini ayant lui exposé la globalité et le détail du message ainsi que la stratégie et les ambitions du parti - ces intervenants ont martelé ce qu’est le palatinisme : adhésion à l’autonomisme et rejet de l’indépendance et de la violence politique ; refus des représentations d’une Corse colonisée par la France et d’une Corse trait d’union entre le Nord et le Sud de la Méditerranée ; célébration des rôles militaire, colonial et de grands administrateurs des Corses et affirmation d’une séparation civili-sationnelle entre les rivages nord de la Méditerranée, chrétiens et héritiers des pensées grecques et latines, et les rivages sud, hier conquis par l’Islam et aujourd’hui bases de départ de sa propagation, notamment par les flux migratoires ; remise en question du Riacquistu, des événements d’Aleria et de la création du FLNC en tant que moments historiques fondateurs du nationalisme corse, celui-ci étant présenté comme l’émanation d’une histoire multiséculaire et d’A Muvra ; dénonciation du ralliement des autonomistes et des indépendantistes au wokisme et plus globalement à « la bien-pensance » de la bourgeoisie française de gauche ; rejet de la communauté de destin décrite comme étant un instrument de dilution du peuple corse historique ainsi que de sa culture, sa langue, ses valeurs et ses traditions ; choix d’un libéralisme économique conservateur opposant la Corse de la tradition, du travail, de l’enri-chissement légitime et de l’esprit d’entreprendre à une Corse perméable à la permissivité sociétale du progressisme, de l’acceptation de l’assistanat, de la gauche confiscatoire, de l’écologie punitive. Que faut-il retenir de cet événement politique ? Ou plutôt, votre serviteur n’ayant pas la prétention d’avoir la science infuse, que peut-on en penser ?
Une appréciation à prendre en compte
Le discours palatinien peut être défini populiste de droite car il reprend à son compte un air du temps conservateur, rejetant les migrations, se défiant de certaines pensées nouvelles et de l’Islam, se référant à l’idée d’un choc des civilisations, désignant des bouc-émissaires (Gilles Simeoni, Pierre Savelli), élitiste, outrancièrement libéral dans les domaines économique et social. En revanche, le stigmatiser en le qualifiant de fasciste, de caisse de résonance des idées de Marion Maréchal et de Zemmour et s’en s’en tenir à vouloir le ridiculiser en le traitant de ringard, tout cela relève d’un caricatural et d’une facilité qui ont déjà montré leur manque pertinence et leur inefficacité. Ce discours est tenu depuis des décennies contre les Le Pen et le Rassemblement National se porte de mieux en mieux. Il convient de considérer que le discours palatinien est attractif car il suscite de la nostalgie parmi des publics âgés et un sentiment de puissance chez des publics plus jeunes.
En effet, au roman de la Corse forgé par le Riacquistu, montrant des Corses opprimés et résistants, dans le camp des pauvres et des perdants, il oppose le roman d’une Corse dont beaucoup des enfants ont été dans le camp de la victoire et de la gloire, des héros et des gagnants. En outre, le discours palatinien séduit le Corse qui entreprend, qui dit être excédé de payer des impôts pour subvenir à des besoins qu’il juge ne pas être ceux de sa communauté et de sa terre, qui a peur d’un avenir sous la menace de l’arrivée massive de non corses dont une partie ne partage aucun de ses repères culturels et spirituels (Et n’envisage pas de le faire !)
Enfin, le discours palatinien rencontre le ressenti de plus en plus général d’une impuissance des majorités nationalistes qui se sont succédées depuis décembre 2015 et leur oppose une alternative idéologique et politique. Une appréciation est à prendre en compte, celle de Pierre Poggioli qui, dans un récent post Facebook, a écrit : « Cela fait des années, surtout depuis 2015, que je tente de faire comprendre au monde nationaliste que certains concepts, surtout sociétaux doivent être rediscutés, voire revisités car on ne peut éternellement se contenter par rapport à certains sujets clivants, voire scabreux, de faire des copier-coller en important des réponses et des solutions s'étant révélées catastrophiques ailleurs [… ] A lors restons figés sur des théories/postures qu'il faut réadapter, poursuivons, aveugles sans rien changer ou modifier d'un iota, incapables de prendre en compte certaines réalités s'imposant même au niveau européen, et en se contentant d'être des relais bobos de modes, de comportements, d'analyses et de solutions venues tout droit d'une certaine intelligentsia ou bourgeoisie parisiennes… et d'autres catastrophes viendront qui profiteront à nos adversaires et renforceront la politique de négation de nos droits collectifs chez nous ».
Pierre Corsi
Le discours palatinien suscite de la nostalgie parmi des publics âgés et un sentiment de puissance chez des publics plus jeunes. Il séduit le Corse qui entreprend, qui dit être excédé de payer des impôts pour subvenir à des besoins qu’il juge ne pas être ceux de sa communauté et de sa terre, qui a peur d’un avenir sous la menace de l’arrivée massive de non corses. Il rencontre le ressenti de plus en plus général d’une impuissance des majorités nationalistes qui se sont succédées depuis décembre 2015 et leur oppose une alternative idéologique et politique.
Le 9 mars dernier, au Palais des Congrès d’Aiacciu, c’était jour de meeting. Sur une imposante banderole surmontant l’entrée, en lettres noires sur fond blanc, se détachaient deux mots : « Mossa Palatina ». Bien avant l’heure de l’ouverture des portes de l’auditorium où tout allait se dérouler, plusieurs dizaines de militants et de sympathisants patientaient sur le monumental escalier d’accès et dans le grand hall. L’organisation apparaissait très professionnelle et soucieuse de se montrer ouverte à la modernité : une garderie pour les enfants était proposée aux parents ; des petites bouteilles d’eau minérale étaient mises à disposition ; des bandere étaient réparties dans les travées de l’auditorium pour que les participants puissent le moment venu s’en emparer et les agiter ; les orateurs annoncés répétaient leurs interventions ; l’image d’un gigantesque QR code allait être projetée sur le grand écran situé derrière la scène pour inviter à scanner un bulletin d’adhésion à partir d’un téléphone portable. Quelques minutes après le libre accès dans les lieux, il était évident que le pari de réunir 400 personnes était gagné. La plupart des 432 fauteuils étaient déjà occupés. Tous l’étaient quand le meeting a débuté et plusieurs dizaines de participants avaient dû se résigner à rester debout. Un peu plus de 500 militants et sympathisants avaient donc répondu présent.
Le parti initié par Nicolas Battini venait d’ores et déjà de réussir son entrée sur la scène politique. L’heure de délivrer le message étant alors venue, tout a débuté par un premier coup de griffe porté aux partis nationalistes ayant géré la Collectivité de Corse depuis la « victoire historique » de décembre 2015. Sur l’écran géant, des slides ont, dans un premier temps, rappelé l’enthousiasme qu’avait soulevé cette victoire ; dans un second temps, dénoncé que les vainqueurs aient atteint à l’identité et aux intérêts des Corses notamment en ayant invité à accueillir les migrants de l’Ocean Viking (en 2017) et en ayant, comme plus particulièrement la municipalité bastiais, adhéré au wokisme (en 2022). Le dernier slide a à la fois exprimé une condamnation sans appel des vainqueurs et une justification de la création de Mossa Palatina : « Ci (h)anu traditu, a nostra vindetta si chjama Mossa Palatina ».
Le message palatinien
L’heure de délivrer le message palatinien est alors venue. Étant présentés par Romain Vincetti, directeur de l'associu Palatini, plusieurs membres de la direction exécutive du parti ont pris la parole. Se sont succédés au pupitre et derrière le micro (aucune femme sur la scène !) : Lisandru Luciani, Jean-Charles Villanova, Paul Marchione, Anto'Marcu Galloni d'Istria et, bien entendu, Nicolas Battini. En une heure trente - Nicolas Battini ayant lui exposé la globalité et le détail du message ainsi que la stratégie et les ambitions du parti - ces intervenants ont martelé ce qu’est le palatinisme : adhésion à l’autonomisme et rejet de l’indépendance et de la violence politique ; refus des représentations d’une Corse colonisée par la France et d’une Corse trait d’union entre le Nord et le Sud de la Méditerranée ; célébration des rôles militaire, colonial et de grands administrateurs des Corses et affirmation d’une séparation civili-sationnelle entre les rivages nord de la Méditerranée, chrétiens et héritiers des pensées grecques et latines, et les rivages sud, hier conquis par l’Islam et aujourd’hui bases de départ de sa propagation, notamment par les flux migratoires ; remise en question du Riacquistu, des événements d’Aleria et de la création du FLNC en tant que moments historiques fondateurs du nationalisme corse, celui-ci étant présenté comme l’émanation d’une histoire multiséculaire et d’A Muvra ; dénonciation du ralliement des autonomistes et des indépendantistes au wokisme et plus globalement à « la bien-pensance » de la bourgeoisie française de gauche ; rejet de la communauté de destin décrite comme étant un instrument de dilution du peuple corse historique ainsi que de sa culture, sa langue, ses valeurs et ses traditions ; choix d’un libéralisme économique conservateur opposant la Corse de la tradition, du travail, de l’enri-chissement légitime et de l’esprit d’entreprendre à une Corse perméable à la permissivité sociétale du progressisme, de l’acceptation de l’assistanat, de la gauche confiscatoire, de l’écologie punitive. Que faut-il retenir de cet événement politique ? Ou plutôt, votre serviteur n’ayant pas la prétention d’avoir la science infuse, que peut-on en penser ?
Une appréciation à prendre en compte
Le discours palatinien peut être défini populiste de droite car il reprend à son compte un air du temps conservateur, rejetant les migrations, se défiant de certaines pensées nouvelles et de l’Islam, se référant à l’idée d’un choc des civilisations, désignant des bouc-émissaires (Gilles Simeoni, Pierre Savelli), élitiste, outrancièrement libéral dans les domaines économique et social. En revanche, le stigmatiser en le qualifiant de fasciste, de caisse de résonance des idées de Marion Maréchal et de Zemmour et s’en s’en tenir à vouloir le ridiculiser en le traitant de ringard, tout cela relève d’un caricatural et d’une facilité qui ont déjà montré leur manque pertinence et leur inefficacité. Ce discours est tenu depuis des décennies contre les Le Pen et le Rassemblement National se porte de mieux en mieux. Il convient de considérer que le discours palatinien est attractif car il suscite de la nostalgie parmi des publics âgés et un sentiment de puissance chez des publics plus jeunes.
En effet, au roman de la Corse forgé par le Riacquistu, montrant des Corses opprimés et résistants, dans le camp des pauvres et des perdants, il oppose le roman d’une Corse dont beaucoup des enfants ont été dans le camp de la victoire et de la gloire, des héros et des gagnants. En outre, le discours palatinien séduit le Corse qui entreprend, qui dit être excédé de payer des impôts pour subvenir à des besoins qu’il juge ne pas être ceux de sa communauté et de sa terre, qui a peur d’un avenir sous la menace de l’arrivée massive de non corses dont une partie ne partage aucun de ses repères culturels et spirituels (Et n’envisage pas de le faire !)
Enfin, le discours palatinien rencontre le ressenti de plus en plus général d’une impuissance des majorités nationalistes qui se sont succédées depuis décembre 2015 et leur oppose une alternative idéologique et politique. Une appréciation est à prendre en compte, celle de Pierre Poggioli qui, dans un récent post Facebook, a écrit : « Cela fait des années, surtout depuis 2015, que je tente de faire comprendre au monde nationaliste que certains concepts, surtout sociétaux doivent être rediscutés, voire revisités car on ne peut éternellement se contenter par rapport à certains sujets clivants, voire scabreux, de faire des copier-coller en important des réponses et des solutions s'étant révélées catastrophiques ailleurs [… ] A lors restons figés sur des théories/postures qu'il faut réadapter, poursuivons, aveugles sans rien changer ou modifier d'un iota, incapables de prendre en compte certaines réalités s'imposant même au niveau européen, et en se contentant d'être des relais bobos de modes, de comportements, d'analyses et de solutions venues tout droit d'une certaine intelligentsia ou bourgeoisie parisiennes… et d'autres catastrophes viendront qui profiteront à nos adversaires et renforceront la politique de négation de nos droits collectifs chez nous ».
Pierre Corsi
