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L'impact d'Airbnb sur l'immobilier en Corse

Sauveur Giannoni, Maitre de Conférences à l'Université nde Corse

L’impact d’Airbnb sur l’immobilier en Corse au coeur d’une conférence


Quel est l’impact de la plateforme Airbnb sur les prix de l’immobilier en Corse ? Tel était le sujet évoqué, le 26 février dernier à l’Espace Diamant, par Sauveur Giannoni, Maître de Conférences à l’Université de Corse.


Sauveur Giannoni est un chercheur particulièrement bien connu dans le milieu universitaire. Maître de Conférences à l’Université de Corse, à Corte, il a réalisé, avec le concours de Georges Casamatta et Daniel Brunstein, deux chercheurs du CNRS, une étude sur l’impact de la plateforme américaine Airbnb, concernant les prix de l’immobilier en Corse sur la période 2014-2019, soit avant la crise Covid. Ce travail particulièrement minutieux a donc fait l’objet d’une restitution lundi 26 février à l’Espace Diamant devant près d’une cinquantaine de personnes parmi lesquelles des élus de l’Assemblée de Corse et de la Ville d’Ajaccio. Après avoir défini le contexte, les différentes problématiques rencontrées ainsi que les données et méthodes, le chercheur a livré, au terme d’une allocution de près de quarante minutes, ses conclusions. « J’ai présenté les travaux réalisés il y a quelques temps avec deux de mes collègues, souligne l’intéressé, il ressort que les effets d’Airnb sur les prix de l’immobilier en Corse, tant dans le prix de vente que sur les locations sont bien significatifs. Et encore plus que dans la plupart des endroits étudiés à ce jour. »


De 1000 annonces en 2014 à 14000 en 2019

Des effets que le chercheur juge assez hétérogènes et très dépendant des lieux où la plateforme s’est installée. Première donnée tout de même importante. Si l’on notait, en 2014, 1000 annonces actives, le chiffre a grimpé jusqu’à 14000 en 2019. Et il y a fort à parier que le curseur est encore monté sur les quatre dernières années. On note également, une nette opposition entre le littoral et l’intérieur. Ainsi, la pression sera plus forte dans les stations balnéaires littorales (Calvi, Ile-Rousse, Propriano, Saint-Florent) et plus faible dans l’intérieur à l’exception de Corte. Le nombre d’annonces par section cadastrale est passé de 5,68 en 2014 à 60, 02 en 2019 avec un prix au mètre carré en hausse de plus de 200 euros sur la période (2968 euros en 2014 à 3158 en 2019). Une hausse, on le voit, assez significative.


« L’arrivée d’Airbnb dans l’intérieur a créé une véritable opportunité économique »


« Lorsque dans une section cadastrale donnée, ajoute le chercheur, nous enregistrons une hausse de 10 % d’annonces Airbnb, l’augmentation du prix de l’immobilier est de 1,4 %. Ces ordres de grandeurs sont, par ailleurs, supérieurs à des villes comme New-York, Barcelone ou Lisbonne. Et les prix de l’immobilier sont proportionnellement liés au nombre d’annonces Airbnb. Si ces dernières doublent ou triplent, les prix de l’immobilier vont augmenter de 10 à 15 %. »

Cette enquête met, par ailleurs en exergue un paradoxe. Alors que l’on s’attendait à ce que l’effet de cette plateforme se retrouve plus sur des zones à fort potentiel touristique, il se développe plus dans l’intérieur. « Dans l’intérieur, il n’y avait pas d’offres touristiques ou hôtelières importantes. Dans ces endroits, les prix de l’immobilier étaient faibles et l’arrivée d’Airbnb a créé une véritable opportunité économique. »



Une concurrence déloyale ?

D’où une hétérogénéité constante un peu partout dans l’île. « Dans les endroits très touristiques, l’attractivité était déjà prise en compte bien avant l’arrivée d’Airbnb, dans les prix de l’immobilier, ce qui n’est pas le cas en zone rurale ou montagneuse. »

Autre point, et non des moindres, qui a du reste été largement évoqué lors du débat qui a suivi la conférence de Sauveur Giannoni, la concurrence déloyale qui peut toucher les locations. En clair, les frais et taxes diverses à la charge des agences et/ou particuliers ne touchent que très peu les personnes qui passent par la plateforme américaine. « Ce phénomène a certes été évoqué lors de la réunion, ajoute le chercheur, pour autant, pouvons-nous parler de concurrence déloyale si vous êtes dans un endroit où il y a peu de touristes? Si, en revanche, vous êtes dans une zone touristique, les professionnels sont en effet en droit de considérer qu’ils font l’objet d’une concurrence déloyale. Tout dépend donc de la zone où l’on se trouve.»


Prochaine étape : la régulation

Par ailleurs, les centres historiques des grandes villes telles qu’Ajaccio, Bastia ou même Corte sont également des zones où l’effet d’Airbnb se ressent. « On note, là aussi une hausse importante selon les endroits. Mais il faut savoir que les nouvelles zones où l’urbanisation est plus récente (Grand Ajaccio, périphérie bastiaise) suivent également cette tendance. »

Finalement, l’île pourrait être victime de son succès et tout particulièrement de son attractivité. « On s’est efforcé, à travers cette enquête, de distinguer l’effet d’Arbnb sur l’attractivité de la Corse. Nous avons pris en compte tous les paramètres. Dans le discours, il est facile de rejeter la hausse des prix de l’immobilier sur la seul plateforme Airbnb. On a voulu, à travers notre méthode, en avoir le coeur net. Et il est vrai, au sortir de ce travail, que cet impact est significatif. »

Une démarche qui si elle reste universitaire, ne peut se dissocier du volet politique avec la nécessité, évoquée également lors du débat, d’une indispensable régulation. « On a pu le constater à l’intensité des questions qui m’ont été posées. Avec mes collègues, nous avons pour objectif d’essayer d’éclairer le débat en utilisant des méthodes reproductives mais nous nous gardons bien de sur- interpréter nos résultats. »

Un domaine qui va concerner la sphère politique. En attendant, Sauveur Giannoni et son équipe, ont tout de même évoqué la suite à donner à ce travail. Elle portera, cette fois, sur la régulation. De quoi justement donner quelques éléments de réponse aux politiques.

Philippe Peraut
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