• Le doyen de la presse Européenne

"BD à Bastia" Au printemps des bulles !

Quelle bénédiction de retrouver tous les ans – début avril – « BD à Bastia ». Occasion de découvrir de nouveaux auteurs.

« BD à Bastia », jusqu’au 7 avril.



Au printemps des bulles !


Quelle bénédiction de retrouver tous les ans – début avril – « BD à Bastia ». Occasion de découvrir de nouveaux auteurs. Opportunité de revoir ceux qui sont devenus des classiques… A « Una Volta », à « L’Arsenale », au Musée, à la bibliothèque centrale, à la Galerie Noir et Blanc… des planches originales aux dessins inspirés. Des styles, des formes, des propos d’une large variété.



Cette année la manifestation bastiaise se place sous le signe des « Signadore », ces femmes à part, souvent mal menées, persécutées car accusées d’être subversives, d’avoir une conception de la vie jugée déviante. « BD à Bastia » n’hésite pas à mettre à l’honneur sorcières, magiciennes qui œuvrent pour le bien et non pour répandre la peur et l’obscurantisme. Des femmes qui peuvent être des géantes ou des ogresses, ou habitées par l’apparence de louves solitaires ou d’autres bêtes qu’il ne faut pas réduire à des caricatures simplistes. Des personnages dont il est indispensable de décoder les pouvoirs de bienveillance. L’exposition « Signadore » réunit une dizaine d’auteurs.

Les expositions monographiques nous conduisent aussi dans des univers singuliers.

Exemple, celle de Matthias Lehmann qui nous embarque au Brésil en nous contant l’histoire d’une famille dont les rejetons vont prendre des voies opposées. D’un côté les nantis, ceux vers qui afflue les richesses, ceux qui intimident les faibles, ceux pour qui tout est dû, de l’autre côté les appauvris, les sans ressources financières, mais qui se battent pour leur dignité. « Chumbo » de Matthias Lehmann est une ample saga, au trait inventif, au texte qui au-delà des mots, des phrases met en miroir des coupures de presse, des caricatures, des inventions typographiques.

Camille Jourdy, auteure de l’affiche toute de douceur du festival, nous emporte par ses illustrations dans un monde où l’humour rivalise avec la tendresse en déployant un sens de la couleur qui n’appartient qu’à elle. Mathilde Van Gheluwe nous entraine à la suite d’une petite drôlesse de cuisinière propulsée dans un curieux concours intergalactique. Etienne Chaize nous guide auprès d’un groupe qui doit fuir pour conserver ses rites et son identité. Jérémie Fischer nous prend par la main pour nous régaler des travaux d’une classe de 6 è du collège Saint Joseph. Benjamin César nous plonge dans un art contemporain qu’il modèle et réinvente à son aune.

Avec Sarah Cheveau on suit une enfant dans les arcanes d’une forêt préservée et peuplée d’une palette d’animaux sauvages. Avec Jérôme Bastian on fait un saut du côté des pirates de la Jamaïque.

« BD à Bastai » invite une trentaine d’auteurs. Le public peut débattre avec eux lors de rencontres à « Una Volta ». Le ton de ces discussions est à la convivialité, à l’échange. La manifestation, c’est encore des ateliers, un spectacle vivant, Entordu, donné le 6 avril à la Fabrique de théâtre.

Michèle Acquaviva-Pache

*** Les photos sont signées Raphaël Poletti.


ENTRETIEN AVEC JUANA MACARI, directrice d’Una Volta



L’an dernier « BD à Bastia » fêtait ses trente ans. Sans l’éclat de la précédente édition la manifestation bastiaise 2024 a-t-elle été facile à composer ?


J’ai eu l’impression que l’édition présente a été facile à composer car j’avais déjà en tête une partie de la programmation. Depuis longtemps je pensais à une exposition collective autour de la sorcellerie mais je n’avais pas de supports convaincants. Cette année, plusieurs albums m’ont permis d’illustrer cette thématique.


L’éditions 2024 nous offre une belle surprise. Laquelle ?

J’aime beaucoup les dessins de Luz et je désirai l’inviter. A l’automne, c’est bien tombé, est sorti son dernier album, « Testosterror », j’en ai profité pour lui demander de venir à Bastia. Il a accepté. Son album met en scène l’arrivée d’un nouveau virus qui fait chuter le taux de testostérone de certains hommes ce qui les adoucit. La terre est donc désormais peuplée de deux sortes d’hommes : ceux qui ont gardé l’entièreté de l’hormone de la masculinité et les autres… L’album est bourré d’humour et de références à l’actualité. On peut voir son exposition à « L’Arsenale » situé à la citadelle à côté de RCFM.


Avril 2024 est sous le signe de la sorcellerie. Pourquoi ?

L’exposition nommée « Signadore » évoque la sorcellerie sous un angle positif en particulier sous celui des pratiques magiques destinées au soin. Elle se situe du côté des femmes réprouvées, violentées, brûlées parce que la société voit mal leur goût pour la liberté. Elles ne sont pas dans le rang et de ce fait, sanctionnées. « Signadore » fait une large place au féminisme, à l’écologie et dénonce les abus du capitalisme. On a en tous cas repoussé les œuvres versant dans l’horreur et préféré l’étrangeté. Certaines planches outre du dessin comportent de la broderie.


Comment avez-vous sélectionné les livres concourant pour le Prix des Lycéens ?

Cette sélection doit être variée. Entre styles et contenus on procède à un savant dosage. Les livres doivent bien sûr s’adresser aux adolescents. « Robbie » d’Emilie Gleason et Olivier Bruneau conte une histoire de zombie sur un dessin très dynamique. « Le grand incident » de Zelba promeut l’égalité homme – femme et son graphisme est plutôt classique. « L’avant-match » de Noémie Chust est plus contemplatif. Les auteurs doivent venir ici une première fois pour présenter leurs ouvrages aux lycéens et une deuxième fois lors de la manifestation.


L’affiche du festival est réalisée par Camille Jourdy. Un choix apaisant ?

Quad j’ai lu son dernier ouvrage, « Pépin et Olivia » il m’a semblé évident de lui demander de dessiner l’affiche. Et puis Camille est une femme et peu d’entre elles nous ont créé des affiches en 31 ans. On l’a reçue plusieurs fois à Bastia, j’adore ce qu’elle fait tant elle a le sens de la couleur et du petit détail.


D’Etienne Chaize dont vous proposé une exposition vous dites qu’il a un style kitch-pop. Pouvez-vous expliciter ?

Son univers a une allure kitch mêlée une esthétique très actuelle. Il a l’art de produire des couleurs très saturées. Il travaille beaucoup en numérique tout en étant revenu aussi au crayon graphite. Ses planches sont époustouflantes.


Jérémie Fischer est venu à Bastia faire travailler une classe de 6 è du collège Saint Joseph. Comment a-t-il procédé ?

Fischer fait beaucoup de résidences pédagogiques un peu partout. Ici, avec les élèves de 6 è il a laissé de l’importance à l’expérimentation. Après ce qui pourrait faire penser à des exercices de gribouillages il les a initiés au papier découpé. Ensuite est venue l’étape de la couleur puis celle de sérigraphie qui a enthousiasmé les enfants car elle leur a paru tellement concrète et artisanale.


Parmi vos invités qui exposent, il y a Baptiste César, plasticien. Un choix soutenu par Le FRAC Corse. Pourquoi cette initiative ?

Baptiste a fait une résidence d’artiste à Casell’Art de Venaco. J’ai vu son travail et décidé de l’intégrer à l’édition 2024 de « BD à Bastia ». Il nous propose une série de dessins sur le châtaignier et des tirages de gravures ainsi que des impressions sur carreaux de faïence. Ce plasticien se caractérise également par son utilisation des matériaux de récup.


Muser du musée de la ville avec les élèves de 6 è à « L’Arsenale », de la bibliothèque centrale à « Una Volta » quelle est l’étape à ne pas manquer ?

Difficile… Je pencherais pour l’exposition collective, « Signadore » qui sous-tend un propos très intéressant d’artistes dont les œuvres sont très variées et qui s’expriment

de multiples manière incluant crayon, encre, broderie.


Pour être dépayser votre conseil : la Brésil de Matthias Lehmann ou la Jamaïque des pirates racontée par Jérémy Bastian ?

Le Brésil de Matthias Lehmann avec son album, « Chumbo ». C’est un peu une version BD de « Cent ans de solitude ». Le récit est passionnant et drôle. L’auteur nous conte l’histoire d’une famille dont les uns sont des exploiteurs et les autres des révolutionnaires.

Propos recueillis par M.A-P




Partager :