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Corse : une justice à la peine

Une image déformée et caricaturale de la justice en Corse

Corse : une justice à la peine


Deux faits divers totalement distincts l’un de l’autre — mais pas complètement — affectent la justice en Corse et en donne une image déformée et caricaturale.


Une magistrate exemplaire qui dérape


La juge Hélène Gherards a quitté la Corse en 2016 avec la réputation d’une magistrate intègre et âpre à la tâche. C’est grâce à elle que le dossier Charles Cervioni, victime d’une tentative d’assassinat un mois avant celui d’Antoine Sollacaro, a été relié à ce dernier par le biais d’une moto, une BMW. Sans son opiniâtreté, les membres du Petit Bar n’auraient pas été mis en cause comme ils l’ont été. La juge s’était battue bec et ongles pour conserver le dossier qui menaçait d’être saisi par la JIRS de Marseille. C’est également elle qui a instruit contre Majdi Ahman, promoteur et médecin tout à la fois. Il semblerait qu’elle ait pris contact avec Johann Carta et Khalid Azhour après son départ de la Corse. RCFM révélait en décembre de l’année dernière que cinq personnes avaient été mises en examen par une juge d’instruction de la JIRS de Marseille dans le cadre d’une enquête pour « escroquerie, extorsion de fonds et blanchiment d’argent en bande organisée ». Il s’agissait de Majdi Amhan, de Khalid Azhour tout à la fois boucher et promoteur, de Johann Carta et Christophe Farinotti. La juge Gherards prétend ne pas avoir réalité qui était Johann Carta qui s’occupait de sa villa située sur la rive sud d’Ajaccio et dont les travaux avaient été exécutés par Azhour. On retrouve Carta et Azhour dans une affaire révélée par Le Monde. Les enquêteurs auraient surnommé Carta « l’intendant du Petit Bar » allant jusqu’à préciser que « les liens [de Carta] avec Mickaël Ettori et Pascal Porri, membres supposés de l’équipe du Petit Bar » et son rôle de pivot « dans les affaires immobilières », en Corse et sur le continent, en ont même fait un personnage central. » L’assertion paraît exagérée et Carta pourrait n’avoir été qu’un paravent, voir un fusible pour la bande mafieuse. Toujours est-il qu’il est difficilement concevable que la magistrate ait ignoré la réputation sulfureuse de son « intendant » corse. La magistrate a année après année tissé des liens amicaux avec le trio sans que pour autant cela indique un lien direct avec le Petit Bar. Cela n’enlève rien à la gravité de l’acte auxquels viennent s’ajouter des escroqueries minables pour un montant total de 120 000 euros.

Éric Métivier, un magistrat exemplaire, dessaisi d’un dossier chaud pour raison d’État ?


Une remarquable enquête de Fabrice Arfi de Mediapart met en exergue les relations relativement proches d’Hélène Gherards avec l’actuel garde des Sceaux au point que ce dernier lui aurait proposé un poste prestigieux qu’elle aurait refusé parce qu’elle pensait ne pas en voir les compétences. Et revoilà l’ancien avocat à nouveau cité pour une affaire bizarre. C’est lui qui avait installé la magistrate Hélène Davo en tant que présidente de la Cour d’appel de Bastia afin de la soutenir alors qu’elle avait été imposée par l’entourage du président de la République, passant ainsi devant dix autres candidats mieux placés. C’est elle qui avait dessaisi le juge d’instruction Métivier, un magistrat réputé pour son intégrité, sa force de travail et son esprit d’équité, après que celui-ci avait mentionné dans son ordonnance de mise en liberté d’Antoine Bornea, les relations haut placées de la partie civile avec les sphères présidentielles. Elle avait justifié son acte rarissime par « une suspicion légitime » parce que le juge avait estimé à quatre reprises la détention de Bornea non justifiée et l’avait démontré grâce aux éléments de l’enquête menée par la gendarmerie. Malheureusement, le juge avait, semble-t-il, touché un endroit trop sensible pour pouvoir persévérer. Encore une fois, ces deux affaires n’ont pas grand-chose à voir l’une avec l’autre si ce n’est qu’on trouve ici et là le pouvoir exécutif au sein du judiciaire. En effet, la juge Gherards côtoyait le ministre de la justice mais aussi Bernard Squarcini lorsque celui-ci dirigeait la DCRI. La juge Davo avait été conseillère personnelle du président Macron après avoir fait le lien entre la justice espagnole et française dans le combat contre ETA.

Rendre la justice en Corse plus limpide


En 1888, Rudyard Kipling écrit une nouvelle qu’il intitule « L’homme qui voulut être roi ». Aux Indes, deux amis britanniques caressent le rêve fou d’entrer dans un royaume coupé de tout, le Kafiristan et d’en devenir les rois. Nous avons un peu l’impression que certains fonctionnaires considèrent la Corse comme un Kafiristan de proximité. Il est bien beau de faire des discours pour inciter les magistrats à venir exercer en Corse. Encore faudrait-il que les acteurs judiciaires agissent en évitant les écueils corrupteurs qui ici sont plus nombreux que sur le continent. Il est nécessaire que policiers et gendarmes soient exemplaires et ne cèdent ni aux sirènes de la voyoucratie pas plus qu’à celle du pouvoir central.

GXC
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