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Le sort des insurgés corses de 1768 à 1772

Bulletin de la Société des Sciences historique et naturelles de la Corse..

Le sort des insurgés corses de 1768 à 1772



En 1969, soit exactement deux cents ans après la conquête de la Corse, l'historien René Emmanuelli publie une analyse de documents historiques dans le Bulletin de la Société des Sciences historique et naturelles de la Corse, qui traite de la déportation des insurgés corses à Toulon.


Des insurgés reconnus prisonniers de guerre


La première surprise vient de ce que les autorités françaises reconnaissent aux combattants paolistes le statut de militaire et les rémunèrent en conséquence sur ordre direct de Choiseul, le ministre de Louis XV. Les prisonniers arrivent en septembre 1768 alors que la guerre n'est pas achevée. Pendant un mois, les ordres sont flous et les insurgés sont mal nourris. Mais En effet, il est noté que Monsieur de Coincy, commandant de la place de Toulon, à qui Choiseul a ordonné de les enfermer dans la Grosse tour, va leur attribuer le pain de munition et que de surcroît les officiers toucheront 40 sols par jour et les soldats 3 sols après des mois de flottement. Peu auparavant, le commissaire des guerres à Toulon, Robineau de Villemont, s'est montré peu enclin à s'occuper de ces soixante-neuf combattants faits prisonniers les armes à la main. Quant à Monsieur de Coincy, il montre le plus grand des respects pour ces hommes dont cinq sont envoyés à l'hôpital militaire. Il attend d'autre part l'arrivée de 173 autres prisonniers dans trois tartanes, dont Giuseppe Barbaggi, neveu de Paoli, accompagné du beau-frère du général. Barbaggi, fils d'Antonio Barbaggi et de Maria Giuseppa, s'était marié à Dionisia, fille de Clemente Paoli. Sa demeure de Murato avait accueilli l'hôtel de la monnaie paolienne. Il avait dirigé le siège de Saint-Florent de 1762 à 1764. Robineau le décrit ainsi : « Monsieur de Barbaggio est un homme d'environ trente-cinq ans, l'air très honnête ; il a demandé des attentions pour six capitaines qu'il a avec lui. Pour le reste des officiers, ce n'est ni à leur air ni à leur parure qu'on les prendrait pour tels. » Aucun signe de mépris donc de la part de la haute autorité royale.

Un régime sévère mais qui permet une grande évasion


L'administration française n'a guère changé. Elle était à l'époque aussi tatillonne qu'elle l'est aujourd'hui. Pendant trois semaines Robineau doit résoudre seul les problèmes posés par l'arrivée d'une telle quantité de prisonniers. L'intendant Gallois qui s'occupe des dépenses de la Tour refuse de donner des ordres sans avoir reçu des instructions se contentant de fournir un bateau de service. Début d'octobre le ministre Choiseul averti du sort réservé aux prisonniers décide que Barbagio recevra 40 sols par jour, les autres officiers 30 sols, les soldats 3 sols avec le pain de munition dont ils sont seuls à bénéficier de tous les prisonniers de la prison flottante. Ils sont donc 173 à être retenus en captivité. L'intendant tient un registre scrupuleux des dépenses faites pour en ordonner le paiement et va au commissaire des guerres de dresser un état mensuel des dépenses futures. Des paillasses sont données aux soldats de façon à leur éviter les inconvénients de l'humidité et les officiers reçoivent des lits. Choiseul explique qu'il espère qu'en retour les prisonniers français seront bien traités. C'est Barbaggio qui est chargé de renseigner Paoli sur le confort relatif qu'ils ont reçu. S'il accepte Barbaggio recevra jusqu'à trois ou quatre livres par jour. Les conditions de détention sont tellement relâchées que le 13 octobre 160 prisonniers s'évadent. 134 vont être repris et leurs conditions de détention vont se durcir.

232 prisonniers


Les états dressés les 1er et 13 octobre font état de 232 Corses soit 36 officiers, 15 sergents, 180 soldats et paysans, et un prêtre, en ce compris sept Corses décédés entre le 10 septembre et le 13 octobre. L'arrivée de l'automne oblige Robineau à installer des planches sous les paillasses pour les empêcher de pourrir. Puis la maladie, une épidémie de scorbut, fait des ravages, si bien que Choiseul envisage le transfert des détenus à Tarascon. en mars 1769, puis à Entrevaux, Sisteron, et finit par rapatrier les malades en Corse. Selon les archives, 11 Corses sont expédiés « aux Îles c'est-à-dire aux Antilles en août 1769 soit trois mois après la défaite de Ponte Novu. 13 autres sont expédiés au même endroit entre septembre et novembre en compagnie de déserteurs des régiments en service en Corse : « la plupart de ces hommes n'ont aucun vêtement, et entre autres un qui est absolument tout nu. » La Corse paoline est vaincue et les conditions de détention s'aggravent. Les années 1770 à 1774 voient arriver de nouveaux prisonniers à la Grosse Tour sans plus de précisions sinon qu'ils s'y trouvent des déserteurs de la Légion corse en instance d'embarquement, et de gens compris sous le terme vague de « bandits corses » signe que désormais les derniers combattants sont criminalisés tandis que les notables ont viré de bord.

GXC
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