Que d'eau, que d'eau ! Et pourtant !
4 milliards de m" dont seulement 90 millions utilisés......
Que d'eau, que d'eau ! Et pourtant !
Évidence et lieu commun tout à la fois, la Corse est une montagne dans la mer. Grâce à ses sommets qui culminent à plus de 2000 mètres, la Corse est l'île de la Méditerranée qui possède le plus de ressources en eau, soit 8 milliards de mètres cubes, chaque année. Et pourtant d'année en année, la sécheresse et le manque d'eau deviennent des évidences. Constat… Solutions possibles grâce au modèle sarde particulièrement performant.
4 milliards de m3 dont seulement 90 millions utilisés
Le plus confondant avec l'homme est qu'il possède un constat édifiant d'une situation mais qu'il continue d'agir comme s'il n'en était rien. C'est vrai pour la situation climatique et économique. Ça l'est plus encore pour l'eau, cet élément vital que nous ne savons pas créer mais que nous consommons sans économie. Sur les 8 milliards de mètres cubes que notre île reçoit, la moitié part en évaporation ou en absorption par le sol ce qui profite aux nappes phréatiques. 60 millions de mètres cubes sont stockés pour l'électricité, 50 millions servent à la consommation agricole et 40 millions pour l'eau potable. La Corse possède une vingtaine de nappes phréatiques ce qui en fait l'île de Méditerranée et vraisemblablement du monde (à échelle comparable) la mieux desservie. Néanmoins le constat est sévère : depuis 1970, les débits estivaux ont diminué de plus de 5 % et la tendance s'accentue. Le Le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) de Corse a identifié un réseau de suivi de 16 points dans les cours d'eau qui permettent de mesurer leur débit et 9 dans les eaux souterraines pour le suivi du niveau des nappes alluviales. Les spécialistes pensent qu'à l'horizon 2070, la tendance à la diminution sera de l'ordre de -10 % à -40 %, avec des baisses de débits plus marquées en période printanière et automnale. Il s'ensuivra un allongement de la période des basses eaux. Pour l'heure, les nappes phréatiques sont dans un état satisfaisant. 88,4 % des masses d'eau superficielles de Corse sont en bon ou très bon état écologique. Néanmoins, l'augmentation de l'arrosage agricole et de la population tend à rendre ces possibilités aquatiques de plus en plus fragiles. Un bon point pour la Corse : en matière de qualité sanitaire de l'eau potable, il n'est pas constaté de problèmes significatifs liés à la présence de nitrates, phosphates ou pesticides.
Une situation sous surveillance
Les autorités s'inquiètent des sécheresses persistantes. Le comité de suivi hydrique qui réunit les services de l'État, de la Collectivité de Corse, des représentants des maires et des socioprofessionnels, afin d'évaluer la situation, se réunit régulièrement. Ses membres notent une situation moins contrastée sur le plan géographique : l'Extrême-Sud a comblé une grande partie du déficit hydrique. Les barrages de l'Ortolu, de l'Ospedale et de Figari affichent ainsi un taux de remplissage de plus de 90 %, soit une douzaine de points de plus que l'an dernier à pareille époque, selon l'office d'équipement hydraulique de la Corse (OEHC). Mais sur l'ensemble de l'île, les onze ouvrages de l'Office présentent un taux de remplissage de 59 %, contre 72 % en février 2022 et… 94 % à la même période en 2020. Sur la façade nord-est, l'état des stocks affiche un déficit particulièrement important. Rien à voir cependant avec la situation du Var ou pire encore, celle des Pyrénées orientales. Il faut donc apprendre à économiser.
L'exemple vertueux de la Sardaigne
Dans une interview donnée à Via Stella en août 2022, Paolo Botti, ingénieur hydraulique et directeur du service de gestion des ressources hydriques de la région autonome de Sardaigne explique que le tournant s'est opéré en 2006 avec la legge 19. Grâce à ses 37 barrages, l’île voisine de la Corse dispose d’1,8 milliard de mètres cubes d’eau. "Les barrages fournissent environ 80 % de l’eau aux divers utilisateurs, précise l'ingénieur. Seuls 20 % proviennent des puits ou des sources. C’est une grande différence entre nous et le reste de l’Italie où la situation est à l’opposé de la nôtre." La Sardaigne étant dépourvue de grandes ressources souterraines de grands barrages ont été construits à partir des années 1950 contrairement au reste de l'Italie. Grâce à la legge 19, les barrages et les canaux de liaison ont été placés sous la gestion technique d’une entité : l’Ente Acque della Sardegna. On peut ainsi transvaser de l’eau de certains barrages qui en ont en abondance sur des zones qui en ont moins. Une telle interconnexion manque en Corse tout comme l'édification de retenues collinaires qui permettent de recueillir l'eau.
Pourquoi en Corse ne pas multiplier les bassins souterrains qui permettraient aux communes d'utiliser les stocks recueillis durant l'année ? Pourquoi ne pas obliger toute nouvelle construction à posséder de pareils bassins ? Bref la Corse est une île bénie des dieux mais qui est gérée sans réelle vision de ce que le futur nous prépare. Il faut de l'imagination et de la volonté.
GXC