Frédéric Constant : «Le 15 août ici, c’ est un peu comme un Noël corse»
D’ici une quinzaine de jours, l’Abbé Frédéric Constant achèvera sa première année en tant que vicaire général du Diocèse de Corse. Nommé le 20 juin 2023, il a débuté dans ces nouvelles fonctions début septembre.
A parola à : Frédéric Constant
D’ici une quinzaine de jours, l’Abbé Frédéric Constant achèvera sa première année en tant que vicaire général du Diocèse de Corse. Nommé le 20 juin 2023, il a débuté dans ces nouvelles fonctions début septembre. Homme de terrain au service de la Foi et de l’Evangile, son charisme et sa personnalité n’ont pas échappé aux Ajacciens ainsi qu’aux fidèles de Corse d’une manière générale. À l’occasion des célébrations de la Santa Maria, le nouveau vicaire évoque justement cette première année…
Frédéric Constant : « Le 15 août ici, c’ est un peu comme un Noël corse »
-Vous êtes vicaire général depuis environ un an. Comment vous êtes-vous installé dans ces responsabilités ?
J’ai essayé d’accueillir cette mission avec simplicité après tant d’années dans une paroisse. Et je m’efforce d’être au service du Cardinal pour la mission de l’Evangile.
-Quel est cette charge ? En quoi consiste-t-elle ?
Le vicaire général a la mission de coordonner tout ce qu’il convient de mettre en place dans une même communion pour que l’Église puisse avancer dans sa mission au coeur du monde. Aussi bien les prêtres que les fidèles laïcs ou la curie diocésaine...D’être un peu ce lien qui existe entre l’Evêque et le Peuple de Dieu.
Comment travaillez -vous avec les prêtres et les diacres ?
C’est un service de proximité, d’écoute et d’attention particulière envers les uns et les autres. Effectuer une remontée des informations auprès de l’Evêque des joies et difficultés de notre diocèse.
-Il existe une particularité très forte en Corse, c’est le monde rural. Comment la gérer ?
Je me déplace beaucoup partout en Corse. On fait des kilomètres. On voit des visages, on rencontre des familles et cela fait partie de cette mission qui m’incombe. Mais c’est une mission très enrichissante. Dans sa diversité, l’Eglise se rend dans un territoire insulaire. Il y a, certes, la distance en kilomètres mais la proximité fait grandir l’Église dans toutes ces rencontres et ces partages vécus.
-Le fait d’être vicaire général auprès d’un évêque devenu Cardinal, change-t-il les choses ?
Cela prend une autre dimension puisque l’Evêque a une mission diocésaine et le Cardinal une mission universelle. Parfois, ces deux missions s’ajustent et se complètent. Il nous faut répondre au mieux à ce que souhaite l’Evêque et le Cardinal pour que ses mission puissent s’accomplir au mieux.
-Une aura particulièrement tout de même ?
Nous voyons bien que l’effet Bustillo réveille la Corse et bien au-delà... Je pense que les attraits de sa personnalité et de son charisme embellissent la mission de l’Église en Corse.
-Vous êtes prêtre auprès de la cathédrale d’Ajaccio. Cela vous permet-il de garder le contact quotidien avec les fidèles de la paroisse ?
Il est vital de pouvoir aller en paroisse tous les jours afin de vivre les petits détails quotidiens avec les personnes, les familles et avoir un rythme paroissial qui est indispensable pour le prêtre.
« Il y a, à Ajaccio, une piété populaire que je n’imaginais pas »
-Vous avez participé aux festivités de la Madunnuccia en mars dernier ainsi qu’à d’autres célébrations. Quel regard portez-vous sur les Ajacciens face à la Foi ?
C’est un peuple très attachant. Il y a, à Ajaccio, une piété populaire que je n’imaginais pas. Elle est belle et nous devons l’embellir par notre présence et notre engagement.
-Que vous apporte de rester prêtre en paroisse ?
Quand on est curé de paroisse, on touche du doigt ce que vivent les autres prêtres. Ce n’est pas une légitimité envers les prêtres mais une compréhension de ce qu’est le quotidien de la vie d’une paroisse à travers les joies, souffrances, difficultés échecs ou réussites.
-Par ailleurs, on sait votre souci des vocations. Comment percevez-vous le dynamisme du diocèse dans cette dimension, pour les jeunes corses et pour l’avenir de l’Église ?
Pour les vocations, c’est le Seigneur qui appelle mais je pense aussi que l’effet Bustillo stimule les jeunes à répondre plus intensément à l’appel du Seigneur. Lui-même, par sa vie religieuse fait resplendir une vision de la vocation sacerdotale très proche du Peuple de Dieu. Nous avons, actuellement six séminaristes pour un petit diocèse comme le nôtre. Il faut rendre grâce au Seigneur et puis d’autres jeunes cheminent et se posent la question.
-Vous avez récemment pointé du doigt dans la presse, les problèmes financier auquel est confronté le diocèse. Comment y remédier ?
J’ai trouvé une nouvelle formule : nous ne sommes pas dans la misère mais nous sommes pauvres...Cela signifie que la situation avance et c’est grâce au Peuple de Dieu. Il n’ y a pas de secrets. Si les prêtres se donnent à fond, il se donne à fond. On doit tous s’interroger dans notre manière d’être, de vivre et d’accomplir notre Ministère. Et je remercie toutes les personnes qui ont fortement répondu à l’appel. Un appel solennel, grave et beaucoup ont pris conscience que l’Église c’est nous tous, du plus jeune dans la poussette à notre aîné dans la maison et c’est par l’action des membres du corps du Christ que l’Église devient resplendissante.
-Ce mois d’août est marqué par une forte dimension mariale avec des pèlerinages et la célébration du 15 août. Au-delà du lien particulier de la Corse avec la Sainte Vierge, quel est l’importance de Marie dans l’île ?
Marie est la reine immaculée de la Corse depuis cette voix solennelle de 1735. On a renouvelé sans cesse cette consécration. Il est vrai que de nombreuses fêtes lui sont consacrées en août à travers des pèlerinages. Et puis le grand rendez-vous du 15 août qui prend une connotation particulière chez nous. C’est un peu comme un Noël corse. Tout le monde revient au village, c’est la messe, le repas de famille, la procession... Et c’est aussi une manière de faire revivre nos micro-régions. De nombreux villages et/ou cathédrale ont la Sunta Gloriosa comme patronne. Cela signifie qu’elle est ancrée dans notre histoire insulaire.
-Que représente-t-elle pour vous ?
C’est une mère spirituelle, un guide. Elle est l’étoile qui nous montre ce chemin, qui est son fils. Au pied de la Croix, c’est la plus belle expression que nous pouvons entendre d’un homme : « Voici ta mère ». Elle devient pour nous une médiatrice de Grâce et pour la Corse, elle est un phare et un repère.
-Quelles sont vos préoccupations quant à la vie du diocèse dans les mois à venir ?
Nous allons entrer dans l’année du Jubilé. Le Jubilé de 2025 qui s’ouvrira la nuit de Noël. Notre Evêque va rédiger une lettre pastorale, il entre dans sa quatrième année et fera le point sur tout ce qu’il a vécu tout au long de ces années, il évoquera la dimension de la création de son Cardinalat. Et puis notre attention particulière sera la jeunesse et les plus démunis. On constate qu’en Corse, nos jeunes, quand bien mêmes ils disposent d’atouts porteurs, sont particulièrement fragiles. Et je pense que l’Église a quelque chose à faire, à dire et à accomplir auprès des jeunes pour qu’ils se sentent accueillis dans une famille, qui est l’Église. L’Église a deux grands bras. Le bras de la Foi et le bras de l’espérance. Et un coeur qui symbolise la charité. Cela doit être pour nous une attention particulière. Si les jeunes générations sont perdues et déstabilisées, on risque d’avoir un avenir incertain, fragile et décousu qui pourrait nous entraîner sur des chemins plus tortueux et plus difficiles.
-Enfin, vous avez exercé vos responsabilités de prêtre à Porto-Vecchio durant 25 ans. Cette responsabilité s’étend aujourd’hui à toute la Corse. Un sentiment particulier vis-à-vis de la Cité du Sel ?
Beaucoup me disent : « Porto-Vecchio te manque ? ». Je réponds « N’y pensons pas... ». Porto-Vecchio représente une grande partie de ma vie et c’est grâce à cette ville que je continue ce Ministère. C’est là-bas que j’ai forgé mon âme de prêtre, mes convictions chrétiennes sacerdotales et je ne peux pas oublier Porto-Vecchio ! Chaque jour un rayon, une vision ou un exemple me reviennent et m’aide à avancer parfois dans les décisions à prendre et engendrer à travers ma vie sacerdotale et la modeste mission qui m’est confiée.
Interview réalisée par