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Climat 2050 : c'est sûr, ça va chauffer !

L'agriculture et les ecosystèmes sur le grill

Climat 2050 : c’est sûr, ça va chauffer !



Le réseau Action Climat France (fédération d’associations de lutte contre les causes des changements climatiques de l’échelle locale à l'échelle internationale) en partenariat avec l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie, organisme public qui accompagne la lutte contre le réchauffement climatique et la dégradation des ressources), a réalisé, à l’échelle des régions françaises, une compilation des impacts certains et probables du changement climatique sur le milieu naturel et les activités s’y rattachant. Pour ce qui concerne la Corse, c’est préoccupant. Jusqu’aux années 2050 et sans doute la fin du siècle, cela va chauffer à tous les sens du terme. Heureusement, beaucoup d’acteurs n’entendent pas subir et réagissent.


La hausse des températures apparaît irréversible. Aux sceptiques, des données irréfutables sont opposables. Concernant la hausse moyenne des températures : par rapport aux années 1970, le réchauffement est en moyenne de +1 °C sur le littoral, de +2 °C au-dessus de 500 mètres d’altitude et, à partir de 2000 mètres, le mercure a fait un bond représentant +5,2 °C (ùn
basterà di ammuntagnà »
) ; depuis les années 1980, le réchauffement est estimé à +0,36 °C par décennie ; dès 2050, les températures devraient en moyenne être supérieure de +1,4 à +1,9 °C par rapport à la période 1976-2005. Concernant les épisodes de fortes chaleurs : sur 35 enregistrés, 30 ont eu lieu depuis l’année 2000 et cela ne devrait pas s’arranger. En effet, si la tendance persiste, d’ici 2100 par rapport au début des années 2000, il sera dénombré 35 à 63 journées supplémentaires de températures dépassant les 25 °C et de nuits durant lesquelles les températures ne descendront pas sous les 20 °C (nuits tropicales), et les pointes de température seront de plus en plus élevées (46 °C, voire plus, seront vraisemblablement atteints).


L’eau ne manque pas mais…


Le cumul des pluies ne baisse guère mais celles-ci sont moins bien réparties au cours de l’année et plus souvent selon des épisodes extrêmes. La neige est moins abondante et fond plus vite. En conséquence, l’eau est moins absorbée par les sols et une proportion plus importante de la ressource est rejetées dans la mer. La recharge des réserves d’eau est fortement affectée et la pénurie en résultant est aggravée par l’évaporation des stockages à l’air libre ainsi que par la transpiration des sols qui entraîne une baisse de leurs taux d’humidité. Tous ces facteurs contribuent à l’augmentation, en fréquence et en intensité, des épisodes de sécheresse. Depuis les années 1990, la fréquence des années considérées comme sèches est passée d’une année sur cinq à une année sur deux. Tout cela sera probablement durable.


Aggravation des risques naturels


L’augmentation de la chaleur et des périodes de sécheresse sont deux facteurs d’aggravation des risques naturels. D’ici la fin du siècle, les conditions propices au déclenchement et à la propagation des feux de forêt devraient régulièrement augmenter. Le nombre de jours à fort risque d’incendie qui était déjà de 50 jours durant les années 1970, pourrait augmenter de 4 à 25 jours. Les zones côtières basses sont d’ores et déjà menacées par le risque de submersion marine et touchées par l’érosion des sols (cela grignote les plages) ; ceci est rendu plus menaçant encore par l’élévation du niveau de la mer à un rythme estimé à plus de 3 mm / an et des tempêtes dont l’intensité se renforce.



L’agriculture et les écosystèmes sur le grill


L’augmentation des températures et les périodes alternant déficit hydrique et fortes précipitations sont particulièrement impactantes pour le secteur de l’agriculture. Celle-ci est sur le grill. Concernant les cultures, les fortes chaleurs provoquent des échaudages, les hivers doux sont propices aux épisodes de gels tardifs, la sécheresse réduit les productions, les précipitations extrêmes entraînent des pertes de récolte. Concernant l’élevage, il faut compter avec l’exposition pouvant être mortelle du bétail à de trop fortes chaleurs ainsi qu’avec des déficits de fourrage. Les écosystèmes sont eux aussi sur le grill. Les milieux d’eau douce sont touchés par les baisses de débit et le réchauffement des cours d’eau. Ce qui affecte la reproduction des espèces, modifie leurs aires de répartition ou pire encore provoque leur raréfaction ou leur disparition (inadaptation aux nouvelles conditions du milieu de vie déterminées par le changement climatique, pression de nouvelles espèces prédatrices). Dans le milieu marin, les espèces endémiques migrent en quête d’eaux plus froides ou subissent une concurrence d’espèces habituées aux eaux chaudes. Les espèces végétales sont affectés par la réduction de la lumière du fait de l’élévation du niveau des eaux. De véritables canicules marines entraînent des stress thermiques nuisant à la faune et à la flore.


On ne peut pas tout faire mais on peut faire


Il est évident qu’agir contre le réchauffement climatique ou pour en limiter les effets exige une action globale et mondiale, notamment à partir des résolutions des COP (Conferences of the Parties qui ont lieu tous les ans depuis 1995 en présence des représentants des Etats signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques). Faut-il pour autant ne rien faire au niveau local au prétexte que cela ne pourra pas inverser le cours des choses ? La réponse est non car les petits ruisseaux font les grandes rivières. On ne peut pas tout faire mais on peut faire. Chez nous, heureusement, les actes ne manquent comme le montre la liste suivante, très loin d’être exhaustive, d’actions de communes et d’acteurs économiques qui s’engagent.


Liste très loin d’être exhaustive


A Ghisunaccia, la municipalité a entrepris de planter trois cents arbres en trois ans. À Aiacciu, la place Foch et l’avenue du 1er
Consul ont été, il y a quelques mois, dotées de quatre-vingt six arbres. En décembre dernier, le conseil municipal a adopté une feuille de route visant à une végétalisation de plusieurs places et artères entre 2024 et 2026. Notamment : le boulevard Pascal Rossini et l’entrée de Ville seront végétalisés comme l’a été ces derniers mois le cours Napoléon et comme le sera la place du Diamant. Il convient de préciser que seront implantées des essences adaptées au réchauffement climatique, que des sols seront désimperméabilisés et que seront installés des systèmes d’arrosage permettant une consommation d’eau raisonnée. A Bastia, il est mis en œuvre une politique visant à multiplier les lieux de nature et de fraîcheur. Cela s’est déjà déjà traduit par l'implantation de cinquante nouveaux arbres et le remplacement d’arbres manquants dans le centre ville et le centre historique. Les palmiers tués par le charançon rouge ayant dû être coupés, notamment ceux de la Place Saint-Nicolas, seront remplacés. Comme à Aiacciu, toutes les essences implantées sont et seront adaptées au réchauffement climatique. A relever aussi, un programme de travaux pour rafraîchir les douze groupements scolaires de la ville est en cours de réalisation aussi bien dans les salles de classe que dans les cours de récréation. Dénommé Scola fresca, ce programme consiste en l’installation, dans les salles de classe, de brasseurs d'air, de ventilateurs rotatifs ainsi que de rideaux métalliques (brise-soleil) préservant la luminosité tout en bloquant la chaleur solaire. Dans les cours de récréation, il est procédé au remplacement du bitume par un matériau respirant qui laisse passer l'eau et dégage la fraîcheur de la terre, et des bosquets sont implantés pour améliorer la régulation thermique. Des acteurs économiques passent eux aussi à l’acte. Une étude de l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture et l'Environnement (INRAE) de Bordeaux ayant estimé qu'une augmentation moyenne des températures de 2 °C pourrait compromettre la production de vin sur les îles occidentales de la Méditerranée, plusieurs viticulteurs innovent avec de nouveaux cépages résistants, des haies protectrices, des méthodes de taille revisitées et l’expérimentation de vignobles en altitude.


Jean - Pierre Bustori
Crédit photos :Cità d'Aiacciu et Cità di Bastia
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