L'assourdissant silence de " l'antimafia " corse
La mafia corse .... Dieu si le sujet a été traité de toutes les manières possibles .
L’assourdissant silence de « l’antimafia » corse
La mafia corse… Dieu si le sujet a été traité de toutes les manières possibles. La presse continentale et ses spécialistes es-mafia l’ont mise en exergue. Le terme a fait florès inévitable pour vendre du papier. Mafia avec un f, avec deux f.. Même les procureurs se sont livrés à une petite dispute feutrée les uns à Marseille, les autres à Ajaccio. Bref, malgré l’inaction des deux collectifs sinon pour s’autopromotionner, on attendait l’évènement, l’accident qui allait révéler le mal dans toute son immensité. Et il est arrivé, tellement pur dans son expression maléfique que c’en était presque caricatural : des militants nationalistes dont au moins un est un ancien du FLNC et occupe une place éminente au sein d’un des groupes indépendantistes sont accusés — selon la formule consacrée ils sont pour l’instant innocents — d’avoir utilisé les services d’un mafieux notoire, un responsable d’une mafia des Pouilles, pour éliminer, un concurrent lui aussi nationaliste. Et là, le silence.
Un cas d’école sans faille
L’affaire a été exposée sous toutes ses coutures dans la presse. Faisons donc l’économie d’un nouvel étalage. Mais l’équation est celle-ci : un responsable mafieux de premier ordre est arrêté à Aleria et accepte de se repentir pour profiter du statut ad hoc. Il explique que des personnes identifiées comme des nationalistes corses dont certain de la première heure l’ont aidé dans sa cavale depuis la Sardaigne jusqu’à Aleria où il était logé chez un ancien candidat indépendantiste, binational, aux municipales de Lucciani. Et pour renvoyer la balle à ses bienfaiteurs, il est allé exécuter Paul Paoli, propriétaire de la paillote La Caravelle. Sur la lancée, il a livré tous ses complices et s’est accusé de nombreux assassinats. Bref, Raduano dit Pallone est un vrai méchant, pas un voleur de poules. Nous avons là tous les ingrédients d’une affaire qu’on peut sans se tromper qualifier de mafieuse : des personnages dont la personnalité serait triple — politique, affairiste et délinquante — à qui un dirigeant mafieux italien aurait décidé par pure amitié d’aller trucider un ancien allié qui serait devenu un ennemi. Tout cela au conditionnel bien entendu. Mais la lutte anti mafia en Italie se nourrit du conditionnel. Roberto Saviano, l’auteur de Gomorra, a dénoncé des faits qui n’étaient pas passé devant la justice. Sinon les gazettes suffirsent pour épingler des condamnés. L’affaire Paoli est donc un cas d’école idéal pour illustrer une dérive mafieuse insulaire.
Il y a quelqu’un ?
Le débat sur la mafia, parfois disséqué jusqu’à la limite du ridicule avait pourtant fait couler de l’encre. Il y avait tout de même de prévu une séance spéciale à l’Assemblée qui pour l’heure est toujours en devenir. Juste avant la venue du Pape, ces grands croyants que sont Leo Battesti, Vincent Carlotti et Jean Toussaint Plasenzotti ont appelé le Saint Père à condamner publiquement « la mafia corse », demande non suivie d’effets. Et puis arrive l’assassinat de Paul Paoli. Et là, après le brouhaha, le silence, rien qu’un silence terrible et général. La branche nationaliste au pouvoir se tait alors qu’elle aurait pu témoigner en un bref message de son refus de la loi des armes, des surprofits générés par la spéculation immobilière, etc. Nazione aurait dû évoquer le militant de son exécutif arrêté dans cette affaire eut-ce été pour seulement le défendre puisqu’il est présumé innocent. Les Collectifs auraient pu saisir l’occasion au vol pour réitérer leurs exigences en matière de lois anti mafieuses qui trouvent un écho très positif chez les juges de la JIRS encouragés par leurs homologues de l’antimafia italienne. C’était une occasion inespérée de demander une extension du statut de repenti.
A contre temps
Une fois encore, on a le sentiment douloureux que nous battons tambour à contre temps. Nous hurlons au loup tant que le loup n’apparaît pas. Et le jour où il pointe sa truffe, c’est à l’extérieur que l’on bat le rappel. Le procureur Besson a parlé de « mafia nationaliste ». Il serait peut être bon que les partis nationalistes se prononcent de manière claire sur les égarements de certains de leurs militants ou anciens militants de façon à ce que l’image globale du mouvement, composé en grande partie par des femmes et des hommes sincères ne soit pas sali, que l'entièreté du mouvement nationaliste ne soit pas une fois encore criminalisé. Enfin, quand est-ce que les mots deviendront la matrice d’actes concrets et quittent les habits de la palabre pour obtenir des résultats effectifs. Il est temps, grand temps que la société corse échappe aux orgueils individuels et prenne conscience de la décomposition qui la ronge.
GXC
Photo : D.R