"Oghje per tandu" sur Via Stella, Pierre Santucci, agronome, chercheur, poète…
« Oghje per tandu , documentaire de Ghjuvan Carlu Marsily consacré à la montagne, au pastoralisme et à un homme étonnant, Pierre Santucci.
« Oghje per tandu sur Via Stella »
Pierre Santucci, agronome, chercheur, poète…
« Oghje per tandu , documentaire de Ghjuvan Carlu Marsily consacré à la montagne, au pastoralisme et à un homme étonnant, Pierre Santucci. Images splendides de la Corse de l’intérieur. Végétation des cimes resplendissante d’harmonie. Pureté des sommets, échappatoire à la pollution physique et mentale des villes. Et comme ordonnateur des lieux, Pierre Santucci – plus connu sous le diminutif de Pierro.
Longtemps chercheur à l’INRAE de Corte Pierre Santucci est un spécialiste reconnu du pastoralisme et de la châtaigne. Autre volet de son activité : le GR20. Il en est d’ailleurs l’un des recordmen de vitesse. Sur le GR20 il s’est fait des amis auxquels il a inculqué le respect de la montagne. Il y a également suscité une relève. L’un des jeunes rapporte une ses belle formule : « Il nous a appris à s’habituer à la souffrance et à la nonchalance de l’effort ».
Le film de Marsily nous transporte un moment en Sardaigne dans un institut de recherche où est organisée une rencontre entre experts corses et sardes. Enseignement de ce face à face ? Il y a beaucoup de corrélation entre les deux îles où les chèvres de race locale sont bien adaptées à leur milieu, où il serait bon de mettre en avant le pastoralisme à l’ancienne, qui est en lui-même, selon les spécialistes, un modèle de production, puisque les savoirs paysans d’hier ont souvent un fondement scientifique. En Corse et en Sardaigne ils s’indignent du laisser-allerqui aboutit à ce que les champs ne soient plus clôturés et à la divagation des bêtes qu’ils qualifient de véritable plaie ! Un lascià corre qui va à l’encontre des préconisations actuelles de la recherche, qui a démontré que les pratiques du pastoralisme d’hier instaurent de la modernité et que c’est là l’avenir !
Même remarque à propos de la châtaigne qui historiquement a été toute la vie des Corses, souligne P. Santucci et qui est de nos jours un capital en déclin. D’où la nécessité de replanter des arbres, de soigner les châtaigneraies, de ranimer la filière farine, si l’on veut que les paysans aient un revenu correct et non une misère. A ce sujet la caméra de Marsily s’attarde avec bonheur sur les faits et gestes de Santucci et à ce qui se faisait autrefois pour traiter la châtaigne, du fruit à la farine.
Passionné de montagne, de conduite du troupeau, de la châtaigneraie, Pierre Santucci est encore poète, écrivain en langue corse de talent. Courte escale à Ajaccio où l’on voit Marianna Nativi et Rinatu Coti discuter avec le chercheur-poète… Coti apprécie ses textes qui font valoir la nature en communion avec l’homme. Quant à la comédienne elle privilégiel’aspect charnel de ses écrits. Autre valeur cultuelle à laquelle Santucci est attachée : la préservation du chjami è rispondi qu’il estime accessible par tous. Puis Santucci évoque sa nouvelle, « Viaghju », construite à partir d’un mot pour se déployer en l’aventure d’un homme qui cherche sa voie. Au passage on découvre son livre, « Porteur de pas ».
Bel itinéraire que celui du montagnard-chercheur-poète. « Oghje per tandu », un film riche d’enseignements importants. Beau à regarder ce qui ne gâche rien !
Michèle Acquaviva Pache
• Présentement circule sur internet une pétition (Chang.org) pour la préservation et valorisation du chjami è rispondi.ENTRETIEN AVEC GHJUVAN CARLU MARSILY
Comment avez-vous connu Pierre Santucci ?
Depuis tout petit… Il est d’Alesani et moi d’Orezza. Ensuite j’ai connu ses performances sportives, son travail de spécialiste de la châtaigne et du pastoralisme. Tout cela m’a donné envie de réaliser un documentaire sur son parcours en privilégiant le personnage et son expérience en matière d’élevage et de castanéiculture, qui font de lui un véritable enfant de la terre. Excellent poète, il est doté d’une véritable sensibilité. J’ajoute, en outre, que sa parole est d’or.
Qu’est-ce que vous trouvez de plus remarquable en lui ?
Les différentes facettes de sa personnalité forment un tout. Par son raisonnement scientifiqueil a déterminé des process reconnus internationalement. Sa connaissance du pastoralisme lui rend la divagation du bétail intolérable. Or, on sait très bien que ceci est désastreux pour l’élevage mais on se heurte au silence des politiques…
Quand vous tournez un documentaire, quel déclic vous pousse ?
Je me pose la question : qu’est-ce qui m’intéresse et peut nourrir le débat ici… Chez Pierre Santucci c’est sa façon de réinvestir l’espace rural, de lutter contre l’abandon de la terre qui a pour lui valeur d’exemple. C’est cette notion qui m’a poussée à réaliser des documentaires sur Ghjuvan Terramu Rocchi, Jean Baggioni, Ange Leccia et actuellement sur Scola Corsa. Dans tous mes documentaires filmés, depuis 16 ans, j’ai choisi la langue corse en espérant qu’elle devienne une priorité chez les décideurs afin de nourrir nore mémoire insulaire.
Passer d’émission de radio en langue corse à la réalisation de vidéos a-t-il été difficile ?
Ma pratique de la photographie m’a facilité ce passage. J’ai suivi aussi des formations en interne qui m’ont éclairé pour me confronter à l’écriture d’une réalisation. J’ai tourné mon premier documentaire dans « Da quì » lancé par François Diani et S. Stefanaggi à l’époque où étaient conçu les programmes de France 3 Corse qui jusqu’alors étaient inexistants.
Comment avez-vous débuté à la radio ?
La radio est pour moi une passion de jeunesse. A l’université de Corse j’ai obtenu le diplôme audiovisuel corse mis en place par René Siacci, Jean René Lapayne, Jean Marc Leccia. Après cette étape j’ai suivi des stages et au bout de trois ans j’ai intégré RCFM.
Quelle est l’émission de radio dans laquelle vous êtes le plus à l’aise ?
« Dite a vostra » parce que c’est mon bébé et que je l’ai créée. Je suis de la génération du Riacquistu qui voulait construire notre pays. Avec « Dite a vostra » j’ai le sentiment de lui être utile car c’est une émission d’une heure et demie en langue corse, une émission interactive se déroulant autour d’une conversation décontractée, devenue une communauté. Elle peut traiter de sujets pointus en réunissant des experts au micro, parler de philosophie, du monde comme il va, ou de questions plus familières. Son but est de rapprocher les gens tout en promouvant la langue corse.
Les sujets qui vous attirent sont-ils les mêmes en radio et en vidéo ?
Parfois ils se croisent ! Ils ont un point commun : l’ouverture d’esprit. Entre radio et vidéo il y a un va-et-vient constant. En radio je note qu’il y a plus d’interactivité… Mais au fond de moi je n’ai pas ressenti cette interrogation !
Pourquoi et comment avez-vous pensé et construit votre livre, « Dicanu a soia » ?
J’ai toujours photographié. Au début je prenais des vues en noir et blanc. Pendant le COVID j’ai saisi mon pareil et arpenté Bastia complétement vide. Pour la première fois mes photos étaient en couleur. Elles sont témoignages de ce confinement et ont abouti à « Dicanu a soia ».
Les photos de votre livre sont à la fois originales et très poétique. Comment les avez-vous travaillées ?
J’aime beaucoup la peinture et mes vues s’en inspirent. Comme la peinture ces photos sont contrastées et leurs coloris très peaufinés. Je les ai travaillées avec divers logiciels en suivant mes choix artistiques. Je suis nul en dessin mais j’ai un regard. Je compose ces photos ainsi que je le ferai de tableaux.
Quels sont les thèmes qui vous inspirent actuellement ?
Je suis très attaché au documentaire que je fais sur « Scola corsa » et sur ce qui marche ailleurs en ce domaine : Bretagne, Pays Basque, entre autres. Je crois au projet « Scola corsa » et suis optimise parce qu’il joue sur l’immersif.
Est-il aisé de créer maintenant ?
Comme partout il y a eu ici un âge d’or : le Riacquistu. Maintenant les rapports entre les gens sont plus tendus car ils se replient sur eux. Autant de raisons de miser sur le dialogue intellectuel en continuant à développer la culture locale et la culture universelle pour ne pas être nié …
M.A P
Crédit Photo: Bertrand Rieger, << Oghje per tandu >>