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Andà per dumane : entre débat et polémique

Quelques jours avant d’aborder le débat sur le plan Salvezza et Rilanciu, Andà Per Dumane a dégainé rapidement et tiré à quatre reprises mais n’a pas vraiment visé les bonnes cibles.
Anda per Dumane : entre débat et polémique

Quelques jours avant d’aborder le débat sur le plan Salvezza et Rilanciu, Andà Per Dumane a dégainé rapidement et tiré à quatre reprises mais n’a pas vraiment visé les bonnes cibles.

La Collectivité de Corse veut à juste titre apporter des réponses économiques et sociales aux problèmes causés chez nous par les deux épisodes de confinement de la crise sanitaire.
L’épisode que nous vivons depuis quelques semaines, ne doit en effet pas faire oublier celui du printemps dernier qui a considérablement affaibli le tissu économique et accentué la détresse sociale.
Entre mars et juin derniers, les trésoreries des agriculteurs, commerçants, artisans et petits entrepreneurs ayant une activité à l’année ont été fragilisées ou mises à sec et nombre de carnets de commandes n’ont pu être remplis afin d’offrir une visibilité au moins à moyen terme. Quant aux activités saisonnières, même si beaucoup d’entreprises concernées ont pu sauver les meubles, elles ont aussi été sévèrement impactées.
Enfin, les particuliers, les plus modestes et les plus précaires (titulaires de CDD, chômeurs, étudiants pauvres, apprentis…) ont dû faire face à de nouvelles difficultés.

La majorité territoriale propose un plan comportant deux volets (Salvezza, Rilanciu).

Elle s’est efforcée de l’élaborer avec de nombreux concours (agences de la Collectivité de Corse, organismes consulaires, organisations syndicales…) Une contractualisation avec l’Etat viendra en fin de course.
Le volet Salvezza aura probablement déjà été adopté par l’Assemblée de Corse quand paraîtra le présent article. Il comporte des mesures d'urgence visant à la sauvegarde des entreprises et de l'activité économique, à la préservation de l'emploi et à l'atténuation des conséquences sociales de la crise.
Le volet Rilanciu devrait être voté en décembre. Il comprend des mesures de moyen et long terme de soutien et d’accompagnement de l’économie quand se dessinera la période post-Covid.
La majorité territoriale souhaite que 400 M€ millions (300 M€ à la charge de l'État, 100 M€ à la charge de la Collectivité de Corse) soient mis sur la table, et que de nombreuses actions s’inscrivent dans une démarche de transition écologique. Quelques jours avant que le plan Salvezza è Rilanciu soit soumis au débat et au vote à l’Assemblée de Corse, le groupe Andà Per Dumane que préside Jean-Charles Orsucci  a dégainé et ouvert le feu.

Le groupe macroniste a dénoncé à la fois une « guérilla » nationaliste contre l’Etat qui « obère la pertinence et l’efficacité » de l’action de la Collectivité de Corse, un retard car « les douze autres régions de France métropolitaine ont majoritairement voté leur dispositif de soutien à leur tissu économique respectif entre avril et octobre » et la perspective d’un vote « sans respect aucun pour l’Assemblée de Corse qui ne dispose toujours pas à ce jour du moindre document hormis un tableau Excel ». Andà Per Dumane a aussi exprimé son scepticisme quant à l’opportunité que figure dans le plan, la création d’un logo Rilanciu et que soit dédiée à l’éventuelle réalisation de ce logo, une ligne de financement de 150 000 €.

La majorité territoriale n’a pas tous les torts

Jean-Charles Orsucci et ses amis ont un peu raison quand ils jugent défavorablement le comportement de la majorité territoriale dans ses relations avec le pouvoir macronien.
Il convient toutefois de considérer que le mot « guérilla » est inapproprié. La majorité territoriale a certes été initialement maladroite. Il aurait pu être réservé un premier accueil plus élégant à Mme Jacqueline Gouraud alors Ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'Intérieur. Il aurait été judicieux que la première année de mandat d’Emmanuel Macron, MM. Simeoni et Talamoni ne clament pas qu’ils voulaient tout et ne se risquent pas à des initiatives qui ne pouvaient qu’indisposer leur orgueilleux interlocuteur : organisation d’une manifestation avant le premier déplacement de ce dernier en Corse ; appel à une Journée Isula morta durant la visite officielle de ce dernier sur l’île ; démarches médiatisées vers les présidents du Sénat et des régions de France avec l’objectif avoué de s’en faire des alliés pour inciter l’Elysée à changer de politique corse…
Cependant Jean-Charles Orsucci et ses amis devraient aussi prendre en compte qu’Emmanuel Macron n’a jamais vraiment amorcé un dialogue. Par ailleurs, Andà Per Dumane a d’évidence tort d’affirmer que la majorité des douze autres régions de France a déjà adopté des plans de relance similaires à celui proposé par la majorité territoriale.

En effet, ce n’est que le 28 septembre dernier que le Premier ministre et les Présidents de région ont signé un accord sur le « co-pilotage » de la territorialisation du plan de relance. « Nous signons un accord historique » s’est félicité Jean Castex et son cabinet a précisé : « Dans chaque région, d’ici la fin de l’année, il y aura la signature d’un accord de relance ». Andà Per Dumane a en revanche eu raison de dénoncer la remise d’une information plus que succincte sur le projet de plan de relance (« tableau Excel »). La réponse apportée par le président de l’Assemblée de Corse a d’ailleurs crédibilisé le courroux des élus macronistes.
En effet, dès qu’il a eu connaissance de leur mécontentement, Jean-Guy Talamoni a « convoqué une réunion de la conférence des Présidents (des groupes politiques de l’Assemblée de Corse) afin de garantir les conditions normales d'un débat démocratique équitable et les droits de l'opposition. » Quant à la perspective de financement d’un logo Rilanciu, il semble qu’il ne soit pas urgent de la mettre sur la table. S’il s’agit uniquement de dépenser cette somme pour réaliser un logo, Andà Per Dumane et d’autres auront 150 000 mille fois raison de crier à la gabegie.

Par contre, si le débat de décembre prochain consacré au volet Rilanciu du plan de relance, révèle que la mention d’un logo a découlé d’une maladroite simplification de la désignation d’une campagne de communication visant à faire connaître le contenu du Rilanciu et les modalités pour en bénéficier, voter d’y allouer 150 000 euros n’aura rien de scandaleux.

On peut attendre mieux

Des critiques peuvent certes être formulées à l’encontre du plan Salvezza è Rilanciu. En effet, le jugement sur la vision stratégique, l’appréciation des priorités, l’agenda ou la méthode d’élaboration d’un plan peut légitimement différer selon les sensibilités politiques ou selon le jugement que l’on porte sur la situation économique et sociale globale et ce que l’on souhaite faire.
Tout cela relève du débat et il peut en résulter des contributions enrichissantes. En revanche, il est des critiques qui n’apportent rien car elles ne reposent que sur la volonté de s’opposer ou la mise en cause de ce qui est proposé en cherchant la petite bête. Cela relève de la polémique et il est rare que cela produise du constructif.

Andà Per Dumane a dégainé rapidement et tiré à quatre reprises mais n’a pas vraiment visé les bonnes cibles. Alors, il est objectif de relever que le groupe a failli s’embourber dans la polémique.
Ce qui est regrettable quand l’existence de centaines d’activités et de milliers d’emplois est en jeu.

On peut attendre mieux, beaucoup mieux, de Jean-Charles Orsucci et ses amis. Ils en ont la capacité et l’ont déjà maintes fois montré.

Pierre Corsi
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