Ça en jette… ou pas
La gestion des déchets en Corse est un sujet sensible , au coeur de nombreux débats
Ça en jette… ou pas
La gestion des déchets en Corse est un sujet sensible, au cœur de nombreux débats. L'île, confrontée à une production de déchets supérieure à la moyenne nationale, et à un coût de gestion deux à trois fois supérieur à la moyenne nationale, cherche des solutions durables pour réduire son impact. Entre projets de valorisation énergétique, controverses autour des infrastructures et enjeux de gouvernance, l'île peine à trouver un modèle durable pour le traitement de ses ordures.
Le dossier Monte
Inauguré en 2020, le centre de tri et de valorisation des déchets de Monte, en Haute-Corse, vise à traiter les déchets du département, ainsi que les emballages des intercommunalités de l'Alta Rocca et du Sud Corse. Cette infrastructure ultramoderne représente un investissement de 35 millions d'euros ; elle est notamment contestée pour son emplacement sur un site naturel sensible, abritant pas moins de 65 espèces protégées. Cinq associations de défense de l’environnement et de six agriculteurs exploitant des terrains voisins ont demandé la suspension du permis de construire du centre de tri et de valorisation (CTV) de déchets délivré au Syndicat de valorisation des déchets de la Corse (Syvadec). Malgré le dossier, ce vendredi 18 avril, le tribunal administratif de Bastia a estimé que l’urgence environnementale évoquée n’était pas justifiée et que le projet présente un intérêt public.
En rejetant le recours en référé d’associations de défense de l’environnement, la justice va laisser se poursuivre la construction du centre de tri des déchets de Monte, qui devrait traiter d’ici à 2027 98 000 tonnes de déchets de Haute-Corse et d’une partie de la Corse-du-Sud. Après traitement, 38 % devraient être recyclés ou compostés, 19 % transformés en combustibles solides de récupération (CSR), 15 % réduits par perte en eau et 28 % enfouis, selon le Syvadec, pour qui ce centre permettra de diminuer le tonnage annuel de déchets ménagers enfouis de 25 % en Corse.
Crise des déchets dans l’impasse
La Corse fait face à une crise des déchets persistante depuis plusieurs décennies. En 2023, l'île a produit 216 242 tonnes de déchets ménagers et assimilés, soit 629 kg par habitant, un des niveaux les plus élevés en France métropolitaine. Le taux de tri stagne à 38 %, bien en dessous des objectifs nationaux, avec une baisse récente des collectes sélectives (-3 %) et une forte présence de déchets valorisables encore dans les ordures ménagères (70 %). Le traitement des déchets est coûteux et en forte hausse : le coût est passé de 118 € à 360 € la tonne en huit ans, atteignant jusqu'à 416 € la tonne avant remboursement des éco-organismes, et pourrait atteindre 500 € en 2026, avec une majoration annuelle de 2 %. Ce coût pèse lourdement sur les budgets des intercommunalités, représentant jusqu'à 80 % de leurs dépenses de fonctionnement. La Corse ne dispose que de deux centres d'enfouissement, à Viggianello et Prunelli-di-Fiumorbo, bientôt saturés, et aucun incinérateur. Le stockage représente encore 63 % des modes de traitement en 2022, alors que la loi impose de le réduire à 10 % d'ici 2035. Le tri à la source, considéré comme l’« épine dorsale » du nouveau plan territorial adopté en juillet 2024, reste peu développé, mais est central pour réduire les tonnages enfouis de 90 % à l’horizon 2035. Ce nouveau plan territorial de prévention et de gestion des déchets vise à renforcer le tri, développer l’économie circulaire, créer des centres de tri multifonctions et ouvrir de nouveaux centres de stockage ultimes.
Sortir de l’impasse
La Chambre régionale des comptes critique le manque de pilotage et la planification défaillante, qui pèsent sur les budgets locaux. Des améliorations en matière de gouvernance sont nécessaires. Les élus locaux expriment des inquiétudes quant à la durabilité financière des systèmes de gestion des déchets. Même la valorisation énergétique, imposée par les normes européennes, est une source de controverse. Les défenseurs de l'environnement dénoncent les risques de pollution et la dépendance à des intérêts privés. Ils mettent en avant les enjeux de santé publique et les alternatives possibles. Le traitement des déchets en Corse pose des défis majeurs pour la biodiversité. La crise des déchets en Corse mêle enjeux environnementaux, financiers et politiques, avec un besoin urgent d’amélioration de la gestion et de la coopération entre acteurs.
Maria Mariana
Crédits photos
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