Festival << Plateforme Danse 2025 >>
Bastia, une ville chorégraphiée
Festival « Plateforme Danse 2025 »
Bastia, une ville chorégraphiée
Du 20 au 24 mai, Bastia ouvre les bras au festival, « Plateforme Danse », qui a pour intitulécette année, « Hors Champs ». Caractéristique de la manifestation organisée depuis 21 ans par la Compagnie corse, Art Mouv’, dirigée par Hélène Taddei-Lawson, l‘accent mis sur la création. Ainsi les spectacles vivants, « Vague » qui nous vient de Milan et de Bruxelles, « Echafaudage » imaginé par les étudiants en Arts du Spectacle de Corte, « Libre de Droits » de la chorégraphe corse et de danseurs bastiais, togolais, guyanais.
« Hors Champ »se place délibérément sous le signe de la diversité, de la pluralité, de la tolérance, trois termes qui sont bien plus que des mots jetés au vent pour s’inscrire dans l’éphémère et l’illusoire… mais qui sont volonté d’ouverture d’esprit, d’accueil aux Autres, de quête de beauté et de réflexion. « Plateforme Danse » en réunissant des artistes milanais, bruxellois, sardes, canariens, africain atteste avec fierté d’une vocation internationale.
Le festival joue la Méditerranée, un espace insulaire de l’Atlantique, l’Europe en un dialogue des cultures et des générations de la jeunesse à la maturité, des horizons marins aux cimes montagneuses. Fermé le théâtre de Bastia pour cause de réhabilitation, interdit à toutes les troupes de comédiens, de musiciens de chanteurs, de danseurs : voilà un vrai problème quepallie la scène de l’Alb’Oru…pas tellement cependant ! Car sa jauge est beaucoup plus petite que celle de ce qui était autrefois le joyau culturel de la ville. Contournée cette difficulté par le festival de danse, puisqu’il émigre avec bonheur et inventivité dans des lieux où l’on peut admirer la lune, les étoiles, sentir le souffle de la brise nocturne, écouter les battements de la vague sur le sable ! Il nous emporte pour des surprises dans les jardins suspendus et la cour du musée et sur la très populaire plage de La Rinella.
« Plateforme Danse » frappe les trois coups le 20 à Una Volta avec la performance, « Horizon Mer ». Le 22 mai, la manifestation nous invite à assister au spectacle, « Echafaudage » des étudiants de Corte, qui mêle enjeux politiques, esthétiques, poétiques. Toujours le même soir à l’Alb’Oru on pourra découvrir par la compagnie « « Nomada » de Ténérife, « El Pastor. Le lendemain 23 mai à 19 heures dans les Jardins suspendus on assistera à « Thaumata » du Balletto di Sardegna, puis à « Libre de Droits » d’Art Mouv’ qui repose sur des danses africaine, contemporaine, du hip hop et sur de la vidéo, en offrant une esthétique hybride. Ce spectacle est à voir à 21 heures dans la cour du musée. Samedi 24 mai, le public a rendez-vous sur la plage de La Rinella pour une expérience unique, « Vague »…
A ne pas manquer à l’Alb’Oru, le mercredi 21 mai de 17 à 19 heures l’atelier animé par le chorégraphe-danseur de Lomé, fondateur de la Cie Sol’œil d’Afrik, Kossivi SénagbéAfiadegnigban. Cet artiste initiera les participants aux gestes de la danse africaine dans un esprit contemporain. Cet atelier est destiné aux jeunes à partir de 14 ans. Il est gratuit.
Une fois de plus « Plateforme Danse » est l’occasion de vérifier que la danse est l’occasion d’échanges, de transmission, de partage.
Michèle Acquaviva-Pache
• Informations : [email protected]•
Téléphone : 06 08 07 47 86•
Réservation : 04 95 47 47 00•
Les spectacles sont gratuits, sauf « Libre de Droits »
ENTRETIEN AVEC HÉLÈNE TADDEI-LAWSON
Cette année l’édition du festival s’intitule « Hors Champ ». Pour quelles raisons et quelles répercutions ?
Nous avons choisi « Hors Champ » parce que le festival propose des spectacles in situ. C’est-à-dire hors la boite noire qu’est un théâtre, hors du plateau où peuvent ordinairement évoluer des danseurs, des comédiens. « Plateforme Danse » va en particulier donner une représentation sur la plage de La Rinella. Contrairement à ce qu’on produit pour la scène, avec des spectacles in situ on se dirige vers des configurations nouvelles. Dans les lieux ouverts notre démarche inclut aussi une variété d’écriture. Exemple : sur la plage vont intervenir des artistes qui viennent du cirque.
Est-ce indispensable de sortir dans la cour du musée et les Jardisn suspendus ? L’Alb’Oru et Una volta ne vous suffisent pas ?
Il fallait danser en extérieurs puisque le théâtre de Bastia est fermé pour cause de réfection… IL faut préciser que même en espaces ouverts la danse contemporaine reste notre fondement même si nous introduisons du hip hop, du flamenco ou des échos de danses traditionnelles. Notre création 2025 dans la cour du musée est le reflet de nos préoccupations qui tournent sur les droits humains. Avec « Libre de Droits » nous allons aussi proposer au public de nous suivre dans des lieux alternatifs du cadre muséal. Pareil à La Rinella où les spectateurs sontappelés à bouger !
N'est-ce pas un peu risqué de demander à des gens, qui ont l’habitude d’être assis, de se déplacer ?
Risqué oui. Mais cela peut encore être très réussi en jouant sur les surprises et sur des côtés ludiques. Mais pour qu’il y ait réussite, les artistes doivent être à l’écoute de ceux qui sont venus les voir Ils doivent leur inspirer la marche à suivre pour qu’il y ait fluidité.
Comment se présente la performance prévue lors du vernissage ?
Cette performance a pour nom, « Horizon Mer ». C’est une référence au patrimoine de notre compagnie. Il y a plusieurs années, en effet, nous avions tourné une vidéo où nous dansions sur la plage de Nonza. Cette vidéo avait été projetée en boucle à Una Volta. Elle illustrait l’articulation du corps et du minéral… Nous avons repris cette idée. Néanmoins, comme pour cette édition du festival nous ne disposerons à Una Volta que d’une petite salle, nous accueillerons par roulements une dizaine de spectateurs toutes les 5 à 6 minutes. Cette formule je l’ai inaugurée pendant une manifestation chorégraphique à Jérusalem où les créations des compagnies de danse se déroulaient dans des chambres d’hôtel.
Vous invitez des étudiants de licence d’Arts du Spectacle à concevoir une pièce au festival. De quelle manière ont-ils accueillis votre proposition ?
Ils étaient super-contents. Six se sont mis sur les rangs : cinq filles et un garçon. Leur pièce chorégraphique se nomme, « Echafaudage ». Je les ai accompagnés dans la création de leur spectacle en leur donnant des outils et en les aidant dans le choix de la musique qui s’est porté sur Gloria Gaynor. Les textes qu’ils ont écrits ont une profondeur et une gravité qui m’ontimpressionné. Je les ai également conseillés pour le travail de leurs voix.
La troupe des Canaries a inscrit à son programme « El Pastor » présenté comme un one-man show dansé. Pourquoi ce libellé ?
Ce one-man show est un solo de Roberto Torres. Son spectacle est questionnement sur les rouages de la démocratie. Les textes accompagnant la danse sont très politiques. « El Pastor » c’est le berger qui mène le troupeau et qui en l’occurrence doit réveiller les consciences. On peut discerner aussi dans « El Pastor » une connexion aux Evangiles.
Le Balletto di Sardegna va danser « Thaumatu ». Quelle en est sa substance ?
« Thaumata » signifie miracles en grec… C’est un spectacle inspiré du croisement des danses contemporaine, classique et traditionnelle. IL plaide pour un rapprochement à notre organicité, au corps ancestral et au dialogue entre nature et culture.
Pourquoi cette pluridisciplinarité de danses exprimée par « El Pastor » ?
Actuellement on réinvente la pluridisciplinarité explorée dans les années 60 -70, en y incluant en plus le numérique.
Quel est le fil rouge de votre création, « Libre de Droits » ?
Les droits humains avec accents sur la diversité et la liberté d’expression. « Libre de Droits » est une création internationale conçue et réalisé à Lomé (Togo). On est trois sur scène : Alex Benth, Kossivi Sénégbé Afiadegnigban et moi. On dialogue sur plusieurs formes de danses et avec le concours à la vidéo de Séphane Broc. La pièce a été pensée et mise en place par nous, les trois danseurs. C’est une réalisation commune même si j’en ai assumé la direction artistique.
Comment « Vague », œuvre de chorégraphes de Milan et Bruxelles va-t-elle épouser la plage de La Rinella ?
« Vague » va se dérouler sur la plage, dans l’eau, et sur la mer, soit entre sable-mer-air. Avec leurs danses aériennes et verticales des artistes sont issus du cirque. Le thème de leur spectacle est très écolo…
Vous appelez des jeunes à participer à l’atelier Kossivi Sénagbé Afiadegnigban. La jeunesse d’ici est-elle sensible aux danses africaines ?
Au début de « Plateforme Danse » on a reçu peu d’écho des jeunes corses. Au fil des ans il y a eu du progrès surtout de la part des filles. Du côté des garçons perdure le vieux poncif voulant qu’être danseur ne peut que révéler une homosexualité !... Dur le combat contre les stéréotypes !
M.A-P
Crédit photo : Mario Coccetti