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La gestion comparative de l'eau en Sardaigne et en Corse

Il y a 20 ans , la Sardaigne était prête à acheter de l 'eau à la Corse. aujourd'hui, nous en arrivons presque à la situation inverse,.....

La gestion comparative de l’eau en Sardaigne et en Corse


Il y a vingt ans, la Sardaigne était prête à acheter de l’eau à la Corse. Aujourd’hui, nous en arrivons presque à la situation inverse, grâce à une gestion des ressources hydriques remarquable, fondée sur l’innovation, la prévention et une politique prédictive des autorités sardes. L’eau est désormais deux fois moins chère en Sardaigne qu’en Corse, favorisant des coûts de production agricole moindres.


Différences géographiques et hydrologiques


La Sardaigne dispose de plus de ressources en eau douce, notamment grâce à ses nombreux barrages (environ 40) et à ses rivières permanentes. L’eau y est stockée efficacement et redistribuée à grande échelle.
En Corse, les ressources en eau douce sont plus limitées et moins bien réparties, avec des retenues plus petites et des rivières à débit irrégulier. Les sécheresses estivales y sont plus fréquentes et pèsent sur la disponibilité.

Infrastructures de traitement et de distribution


En Sardaigne, les infrastructures hydrauliques sont plus centralisées et industrialisées, avec de grands barrages, des stations d’épuration performantes et un réseau unifié (géré notamment par Abbanoa).
En Corse, les réseaux sont plus morcelés, souvent gérés au niveau communal ou intercommunal, avec des systèmes parfois anciens ou sous-dimensionnés, nécessitant des investissements coûteux.

Modèle économique et tarification


La Sardaigne applique une tarification plus homogène, souvent subventionnée par la région ou l’État italien. L’objectif est de garantir un prix abordable sur l’ensemble du territoire.
En Corse, le prix de l’eau est fixé localement par les collectivités, selon le principe de « l’eau paie l’eau » (principe de recouvrement des coûts). Cela engendre une grande variabilité des tarifs, souvent plus élevés dans les zones rurales ou montagneuses.
L’Italie a bénéficié de fonds européens massifs pour la modernisation du réseau en Sardaigne, en partie en raison du retard historique de l’île.
La Corse a également reçu des aides, mais moins importantes et souvent sous forme de cofinancements, ce qui oblige les collectivités à assumer une part plus significative des coûts et de la gestion.
Les coûts de pompage, de transport et de traitement de l’eau sont plus élevés en Corse, en raison de sa topographie accidentée, de la faible densité de population et du manque d’interconnexion entre les réseaux.
Ces coûts sont répercutés sur l’usager, notamment dans les zones touristiques, où la demande estivale explose, mais où les réseaux doivent être dimensionnés pour l’année entière. Ce qui joue, là encore, c’est la gestion à l’échelle de la région. En Sardaigne, les microrégions sont interconnectées et jouent la carte du collectif, contrairement à la Corse.
La différence se retrouve dans le prix : en Sardaigne, le prix moyen du m³ varie de 1,50 € à 2 €, contre 3 à 4,50 € en Corse.


Une gestion intégrée en Sardaigne contre le morcellement en Corse


Pourtant, la Sardaigne revient de loin, et la Corse était autrefois mieux lotie en matière d’eau, avec plus de nappes phréatiques, de hauteurs enneigées, et une chaîne montagneuse retenant les nuages. À l’inverse, la Sardaigne faisait face à des défis majeurs d’approvisionnement, dus à une géographie peu montagneuse et à des précipitations irrégulières. Les sécheresses fréquentes y affectaient l’agriculture, l’approvisionnement domestique et le développement économique.

Unifier le territoire grâce à la solidarité des retenues collinaires

Pour remédier à cette situation, la région a investi dans la construction de retenues collinaires, des ouvrages de stockage alimentés par les eaux de ruissellement. Ces infrastructures, souvent situées dans des vallons ou zones en pente, permettent de capter et stocker l’eau de pluie, réduisant ainsi la dépendance aux sources traditionnelles.

La Sardaigne a développé un réseau interconnecté de retenues collinaires, facilitant le transfert d’eau entre les différentes régions de l’île. Cette interconnexion permet de redistribuer l’eau des zones excédentaires vers celles en déficit, assurant une répartition équilibrée des ressources hydriques. Par exemple, l’eau stockée dans certaines retenues peut être acheminée vers des zones agricoles ou urbaines en période de sécheresse, garantissant ainsi une continuité d’approvisionnement.
Ce réseau s’est avéré être une solution particulièrement efficace pour répondre aux besoins en eau de l’île, tout en soutenant son développement économique et en renforçant sa résilience face aux aléas climatiques. Aujourd’hui, la Sardaigne dispose de réserves d’avance pour trois ans.

Une gouvernance centralisée et proactive


Face aux défis posés par le changement climatique, tels que l’augmentation des périodes de sécheresse, la Sardaigne continue d’adapter sa gestion de l’eau. Des initiatives telles que la réutilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation des cultures et des espaces verts sont mises en œuvre, réduisant ainsi la pression sur les ressources en eau douce.
L’adaptation sarde en matière de gestion hydrique a été rendue possible grâce à une gouvernance centralisée et proactive. La gestion de l’eau en Sardaigne est assurée par Abbanoa S.p.A., une société publique détenue majoritairement par la région (environ 71 %) et par les municipalités locales.
Abbanoa est responsable de l’ensemble du cycle de l’eau dans les 377 communes de l’île, couvrant la distribution d’eau potable, la collecte des eaux usées et leur traitement, démontrant un esprit collectif qui, hélas, fait trop souvent défaut en Corse.

Les tarifs de l’eau en Sardaigne varient selon l’usage et la consommation. Pour les ménages, le prix au mètre cube oscille entre 0,13 € et 1,96 €, selon le volume consommé. Les secteurs industriel et touristique paient entre 1,09 € et 1,96 € par mètre cube. En agriculture, les tarifs sont plus bas, allant de 0,02 € à 0,60 €, selon la taille de l’exploitation.

Des défis à relever de façon impérative


Cependant, des défis subsistent. Environ 138 millions de mètres cubes d’eau sont perdus chaque année à cause de fuites dans le réseau, représentant plus d’un tiers de l’eau injectée. Pour y remédier, Abbanoa a lancé un vaste programme d’investissements, soutenu par des fonds européens, visant à moderniser les infrastructures et à réduire les pertes.

En Corse, 50 % de l’eau est perdue en raison de la vétusté des réseaux. Face à ces défis, la Collectivité de Corse a lancé le plan Acqua Nostra 2050, qui prévoit :

· l’augmentation des capacités de stockage existantes ;
· la création de nouveaux barrages ;
· la modernisation des infrastructures hydrauliques ;
· l’adaptation aux évolutions climatiques et aux sécheresses récurrentes.

Ce plan vise à sécuriser l’approvisionnement en eau de l’île à l’horizon 2050, avec un investissement estimé à 600 millions d’euros. Mais force est de constater que la Corse accuse un retard d’une génération sur sa grande sœur sarde.

Préserver l’avenir


La gestion de l’eau est une question de survie pour l’humanité. D’ores et déjà des guerres éclatent afin de conserver le contrôle des sources des grands fleuves asiatiques ou africains. Pour les îles, plus encore que pour les continents, la survie va être une question de gestion des ressources hydriques. C’est donc avant tout une question politique. Or la Corse et la Sardaigne bien que séparée de seulement quatorze kilomètres accusent une différence historique et psychologique qui se retrouvent dans la façon de gérer les ressources essentielles. La Sardaigne modelée par un système social vertical est capable d’unifier ses forces dans un intérêt commun. La Corse, morcelée en micro région, en clans, en familles et désormais aux prises à des orgueils partisans voir individuels, échoue trop souvent dans la procrastination, l’incapacité à œuvrer pour le bien commun. Nous accusons un retard de trente ans sur la Sardaigne ce qui se répercute au niveau financier et créé des tensions qui, chez nous, ont toujours tendance à dégénérer en affrontement. L’eau c’est tout simplement la vie et comprendre qu’il convient d’aller vite, c’est assurer l’avenir de nos enfants.




GXC
illustration /D.R
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