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« Tempus fugit », nouvel album
« Da caminu », chemin de vie et d’espoir



Le groupe, « Tempus fugit », vient de sortir son deuxième CD. Le premier était consacré à une messe très ancienne, perdue et retrouvée. L’enregistrement datait d’il y a vingt ans. C’est dire que le groupe de polyphonie n’est pas de ceux qui n’arrête pas de produire… même au risque de se répéter ! « Tempus fugit » sait rester lui-même en ajoutant à son arc des créations.



Le premier album du groupe bastiais s’illustrait par des chants liturgiques. Le second est renouvellement tout en étant ancré dans une mémoire – sans redondance – immémoriale. « Da caminu » s’inscrit dans un cheminement d’existence, qui, tel le chant « Ora VII » va de la jeunesse à l’extrême vieillesse. Il ouvre des perspectives marquées du sceau de la spiritualité.

« Da caminu » comprend deux chants religieux, « Introït » et « Kyrie eleison ». Deux chants, qui au-delà d’une résonance avec un office, sont porteurs d’un sacré ne se limitant aux contours étroits d’une religion. D’ailleurs à l’écoute de l’album on ressent les heures qui s’égrènent au fil du temps. Le temps justement, c’est la grande affaire de « Tempus fugit », le temps qui corrode les choses, le temps qui s’abat sur les individus pour transformer leurs bourgeons en rameaux secs et en feuilles mortes. Mais le temps, qui peut aussi être fructueux par des changements heureux des gens, s’ils refusent de se dessécher en optant pour des enrichissements de chacune de leurs expériences, même celles qui vont les happer au bord du tombeau. Le temps qui peut flancher et/ou se vivifier.

Lorsqu’on demande à Patrick Vignoli, porte-parole du groupe, pourquoi le choix de l’intitulé « Tempus fugit », sa réponse est immédiate : « J’étais en Irlande. Je discutais avec une personne. Derrière elle une église était ornée d’un cadran solaire sur lequel était inscrit « Tempus fugit ». Le sens de cette inscription m’a fait beaucoup réfléchir. Une fois rentré en Corse j’ai proposé à mes amis qu’elle devienne le nom de notre groupe. Ils ont accepté »… Dès lors cette notion imprègne leur répertoire et particulièrement leurs récentes créations.

Parmi les titres de « Da caminu » les variations sur le thème de « vindicatio » retiennent l’attention, car elles sont l’expression de l’impératif qu’il y a de tourner le dos à la violence archaïque pour penser et formuler une forme de justice apaisée radicalement éloignée des maux de la vengeance.

« Da caminu » relève le défi d’innover tout en plongeant aux racines de ce qu’a de meilleur le chant traditionnel. L’album est également un point d’étape dans le parcours artistique du groupe. C’est encore une philosophie, qui emprunte avec brio le dessin d’un pèlerinage polyphonique illuminé par des voix superbes et inspirantes.

Michèle Acquaviva-Pache


                                ENTRETIEN AVEC PATRICK VIGNOLI


Comment avez-vous conçu, élaboré, écrit, composé les chants de « Da caminu » ?

Longtemps on a porté notre premier album tout en voulant autre chose : créer nos textes et nos compositions qui reflètent notre propre univers. Eric Natali écrivait des musiques et les textes suivaient les uns après les autres. C’est ainsi qu’on a pu vérifier qu’on était capables de créer paroles et musiques… On ne désirait pas faire un album où l’accent était mis sur le religieux. On préférait le mettre sur le profane. Mais un profane mystique et spirituel. Dans notre processus créatif, par exemple, si le Christ apparait c’est son côté humain qui prime, qui l’emporte. On était décidé à mettre en valeur des thématiques qui nous différencient des autres en plaçant en avant l’intime et la nature.


Dans votre parcours artistique y-a-t-il eu des moments décisifs qui ont compté dans l’évolution du groupe ?

La rencontre avec « Le théâtre Zar », qui travaille en Pologne avec l’association Grotowski, a été très importante. « Le théâtre Zar » mélange danse, voix, expression corporelle. Il nous a contacté en 2008 pour des recherches sur la polyphonie en Méditerranée. On a reçu ses membres à Bastia. Depuis nos échanges ont été continus ainsi que ceux avec « L’Institut Grotowski ». C’est grâce à ces échanges qu’on a décidé de la mise en mouvement de nos spectacles de polyphonie. Cela n’a pas été facile. On a beaucoup tâtonné, essayé et réessayer. Enfin on a réussi à introduire un langage corporel qui nous satisfait.


« Da caminu » a-t-il été difficile à mener à bien ? A concrétiser ?

On s’est lancé en 2009 mais un deuil a frappé « Tempus fugit », nous portant un grand coup au moral, ce qui nous a amené à faire de nombreux spectacles « live ». En parallèle nous avons écrit et composé une soixantaine de chants qu’on a fini par vouloir graver sur CD. On s’est mis à chercher un studio d’enregistrement. Longues ont été les recherches. Enfin on a eu de la chance car un ami nous a appris qu’un ingénieur du son avait inventé un micro spécial et qu’il nous sollicitait pour le tester. Il est venu à Saint Joseph de Bastia et le son produit nous a plu. On a répété dans l’église de notre quartier. On était tombé sur la bonne personne pour nous enregistrer ! Cela s’est fait en mai 2004 et l’album est sorti le 25 avril dernier.


Sur le CD vous avez gravé trois chants nommés « Vindicatio ». Pourquoi ? Quand vous dites qu’il faut entendre ce terme comme une métaphore, qu’est-ce que cela signifie exactement ?

A l’origine « Vindicatio » est un terme juridique qui veut dire : obtenir réparation par la vengeance. Les trois chants sont issus d’une commande que nous avait fait une compagnie de danse contemporaine pour un spectacle sur « Colomba ». Nos morceaux comportent une progression dans les textes. Le premier part de la tradition archaïque de la violence pour aller dans les suivants à l’abandon de cette violence… Pour nous la tradition ne doit pas être figée sinon elle se sclérose et se muséifie. Elle doit au contraire être en mouvement et contemporaine.


A quoi les trois titres appelés « Ora » renvoient-ils ?

« Ora » est une création qui date d’avant le COVID. « Ora » raconte une histoire dont on sait seulement qu’elle va de l’enfance à l’extrême vieillesse. « Ora » s’interroge sur le temps qui passe. A l’origine il y avait treize chants, on en a sélectionné trois qui nous paraissaient emblématiques, dont « Ora IX » dédié à notre ami disparu et « Ora III » qui évoque des chemins de vie qui se croisent pour devenir communs avec les personnes rencontrées. En parallèle la voix porte une harmonie commune.


Au bout du bout de vos chants on trouve toujours l’espoir ?

Il y a toujours l’espoir… Nous sommes dans l’optimisme tout en étant réalistes. Ce temps qui passe on le prend avec sérénité sans peur. Sans angoisse. Certes on le subit, tout en faisant avec. Tout en s’adaptant et en cherchant des ressources au fond de nous. De cette manière le temps qui passe devient une force, un allié…


Dans votre écriture on retrouve le latin, la langue corse classique, le corse actuel. Pour quelle raison ?

Ces trois langues sont en nous. Le latin parce que nous avons d’abord chanté des chants liturgiques très anciens. La langue corse que nous avons entendue dans la bouche de nos grands-parents avec son vocabulaire proche de la nature. La langue parlée de nos jours qui est plus directe, plus en phase avec la vie actuelle.


« Da caminu » est-il en résonance avec le monde d’aujourd’hui ?

« Tempus fugit » part de l’intime pour aller vers quelque chose de plus grand. Nos textes ne sont pas politiques car ils parlent de l’humain et du rapport au monde… Pas politiques, mais ouverts aux autres et pour la tolérance.


Le sacré est très présent dans « Da caminu »…

La notion de sacré fait réfléchir… Le sacré répond à notre société matérialiste à outrance. Le sacré véhicule de l’ouverture alors que ce n’est pas de cas du religieux qui peut devenir dangereux. Le sacré n’est ni austère ni chargé d’exclusion.

M.A-P
Photos: Tempus fugit




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