Le PNC veut renverser la table
Le PNC a récemment effectué sa rentrée politique selon deux temps forts.
Le PNC veut renverser la table
Le PNC (Partitu di a Nazione Corsa) a récemment effectué sa rentrée politique selon deux temps forts. Au bar Le Coin du Ring, au cœur du quartier ajaccien de la circonscription de son député Paul-André Colombani, le parti a tenu une conférence de presse lors de laquelle il a évoqué la nécessité d’une rénovation du nationalisme, son désaccord avec la politique de la majorité territoriale siméoniste, sa stratégie politique. Invité de PuliticaMente, le magazine politique de RCFM, Paul-André Colombani a révélé qu’il ne voterait pas la confiance à François Bayrou, confié son pessimisme quant à l’avenir de la révision de la Constitution et critiqué la politique de Gilles Simeoni et de ses amis.
Continuer à discuter
Pascal Zagnoli, le secrétaire national du PNC, après avoir mentionné et regretté les tensions et incertitudes politiques pesant sur le projet de révision constitutionnelle concernant la Corse, a souligné que le PNC entendait rester un acteur à part entière du nationalisme : « Même si nous ne partageons pas toutes les directions qui sont prises, même si nous ne partageons pas le bilan d'un certain nombre de nationalistes, nous avons comme objectif principal de continuer à discuter et de maintenir des relations contributives avec toutes celles et ceux qui se revendiquent de notre famille politique. » Il a cependant ajouté qu’il était nécessaire que le nationalisme se réinvente du fait de « la claque » reçue par toutes ses composantes lors des élections législatives de l’été 2024, en prenant conscience d’au moins deux choses. D’une part, une insuffisante prise en compte des préoccupations premières des Corses. Pierre Poli, conseiller territorial d’Avanzemu-PNC à l’Assemblée de Corse, a d’ailleurs précisé : « Arriver à la fin du mois, se loger, se nourrir, cela devient compliqué, les Corses nous attendent sur ces sujets. » D’autre part, la politique distante et inefficace de la majorité territoriale siméoniste : « Les Corses, les élus du rural, ne ressentent pas au quotidien l'implication de la Collectivité de Corse dans ce qui doit être prégnant, c'est-à-dire une masse d'investissements pour relancer notre pays. »
« Ni compromis, ni compromission avec celles et ceux qui, aujourd'hui, sont à la manœuvre à l'Hôtel de Région. »
Pour le secrétaire national du PNC, il est urgent de « renverser la table » économiquement (véritable plan de relance), financièrement (ressources nouvelles et maîtrise de la dette à partir de la création de richesses) et politiquement : « Ni compromis, ni compromission avec celles et ceux qui, aujourd'hui, sont à la manœuvre à l'Hôtel de Région. » De son côté, au micro de PuliticaMente, Paul-André Colombani a : dévoilé qu’il refuserait la confiance à François Bayrou, expliquant que s’il partageait le souci du Premier ministre d’agir rapidement et énergiquement pour redresser la situation financière de la France, il était en désaccord avec la plupart des solutions proposées ; déploré le contexte d’incertitude politique compromettant une issue favorable de la révision constitutionnelle concernant la Corse : « Au bout de huit ans, on arrivait avec un texte assez costaud à défendre au Palais Bourbon et au Sénat, et là c'est extrêmement frustrant, au moment où on parle, de se dire que tout est par terre » ; reproché à la majorité territoriale siméoniste de délaisser l'Extrême-Sud, dénonçant que « certains projets n'avancent pas » à cause de considérations politiciennes : « Je pense qu'il y a un choix qui est fait sciemment, parce qu'on n'a pas la bonne étiquette politique, de ne pas nous servir comme il faut. »
Crédit photos : PNC
Entretien avec Saveriu Luciani
Après la conférence de presse, Saveriu Luciani, qui préside le Cunsigliu, organe délibérant du PNC, a apporté des précisions.
Pensez-vous que la révision constitutionnelle est encore sauvable ?
À l’heure où l’on parle, il y a lieu d’être véritablement pessimistes, d’autant que la Corse attend bien plus qu’une avancée politique au regard de l’état de sa situation économique, sociale et culturelle alarmante. J’ajouterai que les nationalistes n’ont jamais eu vocation à jouer les pompiers de service dans un contexte où, malgré tout, l’État reste maître du jeu et du temps. L’assassinat d’Yvan Colonna est déjà oublié et nous revoilà confrontés à cette course contre le temps et contre la mort engagée il y a près de soixante ans. L’instabilité durable des institutions françaises, depuis la dissolution de juin 2024, doublée d’un incessant turnover gouvernemental, a fragilisé un processus déjà retardé et, de surcroît, fortement affaibli dans sa matrice originelle. Faut-il pour autant désespérer, alors qu’a disparu le rapport de force historique entre la Corse et Paris, celui d’hier qui a permis le statut particulier de 1982 et qui aurait dû accélérer les choses et densifier le contenu ? Hélas, la majorité territoriale, qui n’est pas et ne sera jamais la majorité patriotique, n’est même plus capable de réunir les partisans d’un statut d’autonomie pour peser sur les débats. Sa volonté de caporalisation d’un processus bien mal en point prend le pas sur l’intérêt de la nation corse. J’ajouterai que, pour le PNC, le processus n’a jamais été considéré que comme une étape politique, non comme une finalité ; et que le statut que nous revendiquons depuis plusieurs décennies n’est lui aussi qu’un moyen, et seulement un moyen, pour asseoir et affermir les conditions élémentaires de l’existence même d’un peuple aujourd’hui menacé de disparition.
Le PNC a évoqué un besoin pour le nationalisme de conserver ses bases mais aussi de se réinventer pour parler aux Corses. Vous gardez quoi ? Que proposez-vous de nouveau ?
Garder ses bases, c’est d’abord réaffirmer le sens d’un combat pour l’autodétermination, pour un parti nationaliste désormais ancré dans une opposition à une majorité qui a justement délaissé ces mêmes bases. Or, ce sont celles définies en 2015 par « Per a Corsica », dans une déclaration stratégique commune, renouvelée en 2017, et adossée à un programme d’action sur dix ans. On a vu ce qu’il est advenu, après le choix unilatéral de casser l’union nationale. Dans une île qui est la « région » la plus pauvre de France (18 %, avec des pointes à plus de 25 % dans le rural et dans certains quartiers), avec la population la plus vieille (plus de 25 % de plus de 65 ans), avec une démographie exponentielle (4 000 nouveaux arrivants par an et plus de 1 % de croissance), les curseurs et les constats s’affolent : une société corse qui se délite, qui change radicalement en effaçant les codes et les repères d’une civilisation agropastorale atomisée. La Corse ne fabrique plus de Corses mais ne peut faire refluer les cohortes étrangères. Plus que jamais, il convient de reposer les objectifs politiques et un projet de société pour garantir un avenir à toutes les jeunes générations.
Le PNC préconise un retour sur le terrain. Selon quelles modalités ?
Entendons-nous bien : le PNC ne préconise pas un retour à un fonctionnement militant tel qu’il a existé dans les années 80. Ce temps-là est bien révolu et ne reviendra plus. Pour autant, il faut imaginer autrement l’organisation, la structuration et l’action d’un parti pour faire face aux défis qui surgissent. La participation aux responsabilités au niveau territorial a abîmé l’esprit militant hérité de la fin du 20ᵉ siècle. La redynamisation de l’échelon « section », territoire par territoire, est un impératif absolu. La bataille des municipales en est le premier grand symbole. Mais il convient de rappeler l’activité du groupe Avanzemu à l’Assemblée de Corse, qui doit servir de curseur dans cette stratégie de rupture avec les tenants de l’échec territorial, et le rôle majeur que joue notre député Paul-André Colombani au Palais Bourbon, notamment en matière de santé (CHU).
Le PNC dénonce une « Corse à l'arrêt » et veut « renverser la table ». Vos principaux griefs ? Vos principales priorités ?
Le PNC n’est pas le seul à dresser le constat d’une Corse en panne. Renverser la table n’est pas un vieux réflexe hérité de la lutte de libération nationale ou l’expression d’une vieille rancœur. Ce pays attend des mesures phares dans tous les domaines. La collectivité unique n’a pas rétabli ce lien au territoire auquel les collectivités locales aspirent. Nous le répétons, près d’un Corse sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, notre jeunesse ne peut plus se loger, la mobilité sur les territoires ruraux est inexistante et les transports dépendent d’une dotation de continuité territoriale hypothétique, année après année. Si l’on ajoute l’insuffisance des investissements en matière d’équipements hydrauliques, alors que cette île commence à subir les premières conséquences du changement climatique, une agriculture toujours en attente d’un plan de développement, une Programmation pluriannuelle de l’énergie non encore validée par l’État et qui reste incontestablement en deçà en termes de moyens de production, la liste est encore longue. Quant aux problématiques foncières, fiscales et à la politique linguistique ou au schéma routier, elles rejoignent toutes ces questions d’autonomie, qu’elles soient énergétique, alimentaire, hydraulique ou culturelle. Ne simu sempre à chì feremu…
« Ne pas aller à la gamelle des municipales » mais faire des alliances hors camp nationaliste, c'est possible ? Notamment à Aiacciu et Bastia ? Et selon quels critères ?
Dans certaines sphères, on s’attache à décerner des diplômes de patriotisme ou à accuser le voisin de dérive droitière. C’est mieux d’alimenter la rumeur que de parler de bilan, si tant est qu’il puisse y en avoir un. Pour notre part, nous laisserons méditer les uns sur leurs alliances passées à Bastia, Zonza ou même à l’Assemblée de Corse où u ghjuramentu sur A ghjustificazione de Salvini a perdu tout son sens et depuis longtemps. L’important est ailleurs, dans l’opération de reconnexion du politique à la vraie vie, dans les villes et les villages. C’est une construction patiente qui doit répondre à la détresse de territoires entiers à la dérive et donner une perspective nationale corse à ce peuple aujourd’hui sans projet. Dans ce contexte, ne pas aller à la gamelle, c’est refuser ce clientélisme réinstallé, cette inertie institutionnalisée. La Corse a besoin d’un nationalisme émancipé, libéré d’un carcan illusoire désormais désavoué par bien des militants et soutiens. Le nationalisme corse doit trouver les voies et moyens d’impulser un projet fédérateur dans ses futures campagnes. Et tant mieux s’il intègre des forces politiques de droite, de gauche, des tenants de la société civile et des acteurs du monde économique, social et culturel ! Le PNC s’inscrit dans cette trajectoire sans équivoque et sans arrière-pensée. C’est le destin d’un peuple qui veut faire nation qui se joue, dans un contre-la-montre contre le temps et une mondialisation qui veut nous faire disparaître en tant qu’entité en Méditerranée.
Pierre Corsi