Réparer, rassembler : le message universel du cardinal Bustillo
Avec Réparation, le cardinal François-Xavier Bustillo, archevêque d’Ajaccio, signe un texte à la fois spirituel et social, enraciné dans l’expérience corse.
Réparer, rassembler : le message universel du cardinal Bustillo
Avec Réparation, le cardinal François-Xavier Bustillo, archevêque d’Ajaccio, signe un texte à la fois spirituel et social, enraciné dans l’expérience corse. « Cette réflexion ne se veut ni une leçon de morale ni un réquisitoire, mais le partage d’une inquiétude et, surtout, d’une espérance », écrit-il. Ces mots résument la posture d’un homme de foi qui refuse la résignation mais regarde le réel sans illusion.
Il n’est pas anodin que ce livre paraisse alors qu’il exerce son ministère dans une île fracturée qui d’une certaine manière est à l’image de la France et de la planète entière. La Corse, marquée par des décennies de divisions politiques, de rivalités identitaires et des vengeances intrafamiliales, les terribles vendettas, porte dans sa mémoire la trace d’une violence sourde. Le cardinal Bustillo, lui-même originaire du Pays basque, connaît intimement ces tensions et perçoit combien elles fatiguent les consciences. Réparation devient ainsi un geste pastoral et symbolique : réparer les blessures du cœur pour réparer le lien collectif.
La foi comme service, non comme drapeau
Le cardinal ne parle pas pour un cercle fermé de croyants. Sa parole se veut universelle. Il l’a montré lors de l’épisode de la croix de Quasquara, quand il rappela : « La croix, on la sert, on ne s’en sert pas. » Cette phrase condense sa vision : la foi n’est pas un instrument d’identité ou de pouvoir, mais un service rendu à tous, un service rendu à soi. De même, la réparation n’appartient pas à une minorité ; elle concerne chaque personne et chaque société blessée.
Réparer, traverser, reconstruire
L’auteur rappelle que réparer ne signifie pas effacer la faute mais la traverser. « Une société meilleure est possible. Nous devons réparer ce qui a été brisé. » En liant la théologie de la miséricorde à la réflexion civique, il inscrit son propos dans un horizon large : celui d’un monde où la méfiance s’est faite norme et où la parole s’est durcie. Réparer, c’est retrouver la confiance, réapprendre la patience, refuser le soupçon permanent, récréer le dialogue.
La réparation commence dans les gestes les plus simples : écouter, apaiser, se rendre présent. L’homme d’Église ne parle pas de concepts abstraits ; il s’adresse à ceux qui vivent le désarroi quotidien. Comment recréer du commun ? Comment sortir de la culture de la peur ? Ces questions traversent le livre.
Une Église appelée à se réparer elle-même
Le cardinal Bustillo applique cette exigence à l’institution qu’il sert : l’Église doit reconnaître ses fautes, purifier son regard, retrouver le sens du service. La réforme ne viendra pas d’un plan mais d’une conversion intérieure. L’Église ne peut se contenter de se défendre ; elle doit redevenir fraternelle. Cette exigence rejoint le message du pape François : une Église humble, hospitalière et proche des hommes.
Une éthique du soin pour le monde contemporain
Au-delà du religieux, Réparation interroge nos sociétés fragmentées. L’individualisme, la peur, la surabondance technique ont rompu les liens. « Notre société occidentale, au lieu de tisser des liens dresse les individus les uns contre les autres et les jette dans l’arène d’une compétition permamente. « Le cardinal Bustillo propose une autre voie : celle du soin. Réparer, c’est soigner la relation avant d’accuser le monde. On ne pacifie pas par la force mais par la bienveillance durable.
Une voix corse pour une espérance universelle
La voix venue d’Ajaccio dépasse les frontières de l’île. Dans un temps d’affrontement des identités, le cardinal rappelle que la foi véritable construit des ponts. Sa parole, à la fois ferme et douce, s’adresse à tous les humains de bonne volonté. Réparation n’est pas seulement un livre de spiritualité ; c’est un manifeste pour la réconciliation et la paix du cœur.
En refermant ces pages, on comprend pourquoi le cardinal Bustillo a voulu écrire ce texte en Corse, terre de blessures et de beauté : ici peut-être plus qu’ailleurs, la réparation s’impose comme un acte vital. La foi, selon lui, n’a de sens que si elle rassemble. Et c’est là, dans cette humble vocation à réparer ensemble, que se joue la dignité de notre temps. Le message ultime de l’ouvrage est celui-ci : « Une aventure nous attend. Elle nous appelle à sortir de la médiocrité relationnelle, à ouvrir nos cœurs, nos regards, nos mains. Une société réconciliée est devant nous. Pour qu’elle advienne, il nous faut croire, il nous faut espérer ».
GXC
photo : D.R