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Fresques médiévales

Corse Vs Méditerranée occidentale
Fresques médiévales
Corse vs Méditerranée occidentale


« Fresques de Corse et de Méditerranée occidentale – Squardi incruciati ». Un magnifique ouvrage. Une splendide iconographie. Des textes enrichissants. C’est ainsi que se présente l’ouvrage que viennent de publier La Collectivité de Corse et les éditions Eoliennes.



Les fresques médiévales dans les églises ne devaient pas seulement faire joli.
Elles avaient pour vocation de participer à l’éducation religieuse des fidèles de l’époque.
Ils apprenaient autant le message divin en les admirant dans les décors peints de leurs chapelles campagnardes qu’en écoutant les prêches de leurs curés. Les fresques devaient susciter leur ferveur, être bénéfiques à leur accomplissement spirituel et à l’élévation de leurs âmes.
Ces gens, ces paysans, qui vivaient la plupart du temps de l’agro-pastoralisme, faisaient leur apprentissage de la doctrine de la foi en regardant les images du Christ en majesté, de la trinité, des évangélistes, des apôtres qui ornaient les absides de leurs sanctuaires ou celles de leurs saints patronaux représentés sur les murs latéraux des églises et bien sûr en contemplant les Vierges à l’Enfant qui dégageaient douceur, tendresse, apaisement.

Cela fait un peu plus de dix ans qu’un programme de restauration des sanctuaires médiévaux et de leurs décorations est entrepris par La Collectivité de Corse.
Lors de « L’année européenne du patrimoine culturel 2018 » un colloque international réunissait à l’Université Pascal Paoli une vingtaine de spécialistes de l’île et leurs homologues de France, d’Italie, d’Espagne, de Suisse. Son objectif ? Confronter les fresques héritées du Moyen Age dans leurs pays respectifs.

Ce colloque fructueux, ouvrant des pistes de réflexions nouvelles, le grand public peut en connaitre les résultats grâce aux actes publiés dans l’ouvrage désormais en librairie. Intérêt ?

Un régal pour les yeux et une littérature alliant sérieux scientifiques et vulgarisation. Le chapitre sur les fresques de Castello-di Rostino, intitulé « Entre dedans et dehors », est à ce titre exemplaire car il nous fait découvrir en quoi consiste un programme de restauration, la méthodologie d’investigation, la priorisation des interventions à l’aide de schémas, de croquis, de coupes, de dessins avec en outre la reproduction de la fresque centrale. Un chapitre contenant une mine d’informations, de connaissances, de pratiques de terrain.

Au fil de la lecture se profile également la silhouette de Monseigneur Mascardi, qui à la fin de la décennie 1580 et à la demande du pape, fit un inventaire des églises et de leurs décors peints dans l’île… Aujourd’hui il ne nous en reste que 10% ! Intempéries. Dégradations de tous ordres. Démolitions et / ou agrandissements sont à l’origine de cette perte inestimable.

A la lecture du livre on se rend compte aussi des différences entre peintures murales corses et celles de l’Aragon, pour ne citer qu’un cas. On puisera par ailleurs des références historiques très pertinentes dans le chapitre consacré au Tessin et aux Grisons (Suisse).

Les images de cet ouvrage nous offrent à la fois des merveilles artistiques et une somme de savoir.



  • · Un beau cadeau pour les fêtes de fin d’année.
  • En couverture un Saint Jean Baptiste, très expressif (Valle di Campoloro). 28, 50 euros.
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« Les fresques insulaires sont les héritières de l’Antiquité tardive… »

Michel-Edouard Nigaglioni,
Service de l’Inventaire. Direction du Patrimoine de la CDC


En quoi le colloque international organisé par la CDC, en novembre 2018, a-t-il métamorphosé le regard sur les fresques médiévales insulaires ?

Avec ce colloque on voulait situer ces fresques dans le contexte historique et géographique de l’époque, dans l’histoire de l’art en général et plus précisément dans celle des pays de l’ouest méditerranéen. Qu’en était-il, entre autres, par rapport à la Ligurie, à l’Aragon ou à la Sicile ? On a croisé les regards des intervenants pour approfondir le sujet et pour qu’à la restauration des décors peints dans les églises s’ajoute une valorisation de ce patrimoine en direction du public.


Comment s’est préparé ce colloque ?

Pour que nos invités nous apportent véritablement des choses, il fallait qu’ils aient une idée nette de ce qu’il y avait en Corse. On leur a ainsi envoyé beaucoup d’informations et des reportages photos. De la sorte les échanges avec eux ont été facilités et des rectifications autorisées.


Qui a mis en lumière tout l’intérêt de ces fresques du Moyen Age ?

Indéniablement c’est Geneviève Moracchini-Mazel qui a été précurseur. Dès le début des années 60 elle a publié des articles sur ces décors peints dans « Etudes Corses ». A 80% elle a tout dit. Notre ouvrage lui est d’ailleurs dédié.


Que racontent ces fresques sur la Corse ?

On s’attendait à beaucoup de points communs avec la Ligurie ou la Toscane voisines avec qui il y avait maints échanges commerciaux. Mais non !... Les ressemblances il fallait les chercher au Tessin, dans les Grisons, dans les hautes vallées alpines, qui sont dans un isolement montagnard semblable à celui de la Corse entourée d’eau. Les fresques insulaires sont héritières de l’Antiquité tardive… Les Corses du Moyen Age ont beau commercer avec l’Italie, ils ont leur goût à eux. Un goût affirmé.


Le message franciscain est-il aussi prégnant dans les décors peints qu’on l’avance ?

Le message véhiculé par les fresques est antérieur aux Franciscains et aux Bénédictins qui les ont précédés. Les absides sont toujours très codifiées. L’influence des commanditaires se détecte sur les murs latéraux où ils peuvent faire peindre leurs saints préférés, souvent Catherine, Dominique ou Antoine, prénoms les plus répandus sur l’île.


Les différences existantes entre le Sud et le Nord sont-elles toujours liées à l’économie et à la démographie ?

Dans le Sud – la Terre des Seigneurs – il y a moins de fresques. Parce que l’économie repose alors sur l’agro-pastoralisme et le troc. Les villages y sont égalementmoins peuplés que dans la partie septentrionale de l’île. Là, on est déjà dans une économie de marché avec des relations fréquentes avec l’Italie. A la fin de la période médiévale le développement de la démographie et celui de l’économie vont entrainer la multiplication et l’agrandissement des églises où il y aura plus d’ornementations.


Vous écrivez que la Corse est une « région fossile » à l’époque médiévale tardive. Pourquoi ?

Au plan artistique l’Italie est, elle, une marmite en ébullition ! On y assiste à une véritable course à la modernité. En Corse on reste attaché à ce qui vient de la toute fin de l’Antiquité.


Pour quelles raisons un peintre comme Nicolò Corso a-t-il laissé une vive empreinte ?

Né dans le Sud de l’île c’est un personnage passionnant. Il est passé à la postérité parce qu’on trouve sa trace dans les archives contrairement à d’autres artistes qui ne sont mentionnés nommément nulle part. Nicolò Corso est connu et reconnu parce qu’il a travaillé en Ligurie, s’il était demeuré en Corse, il serait enfoui dans l’anonymat… Ce dont on est certain, par contre, c’est que la grande majorité des peintures réalisées dans les sanctuaires de l’île sont l’œuvre d’artistes locaux.


Les trésors sauvés récemment ?

On peut citer le chantier de Castello di Rostino qui est d’actualité… Souvent les œuvres murales ont été recouvertes par la chaux ou par d’autres peintures, et en désirant restaurer des décors baroques on peut tomber sur des fresques médiévales. C’est ce qui est arrivé à Omessa.


Pourquoi la fresque est-elle finalement abandonnée ?

Avec le développement économique et démographique les Corses vont de plus en plus s’inspirer de l’Italie en construisant des églises « a-la-moderna ». La peinture sur toile, qui est une nouveauté, va emporter tous les suffrages parce qu’elle est plus réaliste et qu’elle est transportable. Résultat : les peintres vont se fixer et ouvrir des ateliers. Ils n’auront plus besoin de nomadiser de lieu en lieu.


Quel avantage apporte la réalité augmentée ?

Cette nouvelle technologie donne une vision plus fouillée des œuvres. Elle les valorise. Pour le public elle est ludique. C’est en plus un équipement qui correspond bien à un tourisme qui ne se contente pas de bronzer idiot !

Propos recueillis par M.A-P
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