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Oxygène de crise

Ttrois petits tours avec Zouzou
Oxygène de crise
Trois petits tours avec Zouzou


On la connait pour sa voix profonde, émouvante, vibrante sur les planches. Pour son amour du cinéma italien et ses stars. Pour ses coups de gueule. Pour sa franchise parfois brute de décoffrage.
On l’appelle Zouzou. Elle se nomme Marie Joséphine Susini.

Rendez-vous avec une comédienne à l’arrêt pour cause de crise… sanitaire qui ne crise pas pour autant ! Reléguée au silence comme en terre ingrate elle fait contre mauvaise fortune bon cœur.
Cantonnée loin du théâtre, elle aiguise son esprit à force de livres, d’images, de films, de musiques, de chansons et de poésie toujours et toujours. Attentive à la peine collective, elle sait aussi saisir les petits bonheurs du jour chaque fois qu’ils pointent le nez.

Zouzou se décrit d’ailleurs comme joyeuse et de la joie ancrée en soi il en faut pour incarner ces puits de douleur que sont Gelsomina de «La Strada » ou « La Magnani », cette louve romaine. Paradoxe ? Que non ! Sauf à confondre douleur et dolorisme, ce qui est une erreur magistrale.

Musique et toile

Son énergie, Marie Joséphine Susini la puise dans les chansons du côté de Paolo Nutini, auteur-compositeur-interprète écossais à la voix magnifique dont le registre évoque le must de la folk ; de Julos Beaucarne qui préconise d’« aimer à tort et à travers », sur des mélodies poignantes et qui dénonce sans ambages la société de consommation en invitant à tenir fermement la barre de ses convictions même sous les tornades les plus violentes.
Dans les oreilles de l’actrice résonne aussi Tina Turner pour son souffle torrentiel, pour sa puissance expressive, pour son parcours de femme empli de failles et néanmoins insubmersible. Les mélodies de Françoise Hardy, la puissance délicate de Barbara participent également à son savoir vivre qui est savoir être.

Internet Zouzou s’en sert pour s’informer, pour faire des recherches professionnelles, pour des vérifications de dates, de détails, pour retrouver des textes ou des interviewes d’écrivains, d’essayistes, de scientifiques. Le net est pour elle un superbe outil à condition d’en maîtriser l’utilisation afin d’éviter de verser dans son danger chronophage. Elle s’est donc fixé une règle stricte : naviguer sur la toile uniquement le matin.

De Chaplin à Gaudé

Quand on interroge la comédienne sur ses meilleurs souvenirs de films en salle, elle répond : « Le nom de la rose » de Jean Jacques Annaud parce que son intrigue tient en haleine du début à la fin de la projection, à cause de son ambiance très prenante dans son cadre monastique médiéval, en raison de la performance de Sean Connery. Elle a une attirance nette pour les réalisations se situant pendant la Résistance (« L’armée des ombres » de Jean Pierre Melville) évoquant la Shoa (« La liste Schindler » de Spielberg). Elle voit et revoit « Le Dictateur » et confesse qu’à ses yeux Chaplin est le tout meilleur des cinéastes de tous les temps. Mais il est un film qui l’a carrément bouleversé et dont elle est sortie en larmes lorsqu’elle l’a découvert, il y a des années au Quartier Latin, c’est « L’incompris » de Luigi Comencini. Une histoire d’enfant qui se brise sur l’incompréhension paternelle. Une histoire restée gravée en elle.

En cette période de désert théâtral Zouzou pense avec avidité au bonheur que lui procure la scène. « Lorsque je joue, je suis totalement le personnage et s’instaure entre le public et moi un partage sans égal, une osmose qui relève du charnel », souligne-t-elle… Assise dans un fauteuil d’orchestre quelle sorte de spectatrice est-elle ? « Il faut que la pièce me transporte. Il faut que je soie émue. Il faut que j’adhère, sinon il ne se passe rien ! ». Exigeante avec les autres elle l’est tout autant avec elle-même. Elle se reconnait volontiers dans les personnages forts, les Antigone, les Jocaste… Actuellement elle porte beaucoup d’attention à « Salina », pièce de Laurent Gaudé.

Marcher. Sculpter.

La gaité constitutive de l’actrice s’accorde parfaitement avec la marche, son activité physique préférée. Marcher sur les hauteurs de Bastia lui apporte du tonus et la requinque. Peindre, sculpter, voilà aussi des occupations qui la comblent. Manier la terre, le plâtre, faire du raku sont des plaisirs qui ont l’intérêt de marier le mental et le manuel en créant de ses mains. En cas de petits coups de déprime elle se tourne vers les jeux de société, les échecs, les cartes : du poker à la bataille.

Sa sensibilité aux arts plastiques la conduit à une admiration sans borne de Miro, Kandinsky, Mondrian plutôt que vers la conceptuel. Fascinée par la sculpture elle a développé une attirance qui englobe des artistes forts différents allant de Brancusi à Louise Bourgeois, de Camille Claudel à Antonio Canova, sculpteur vénitien du XVIII è siècle en passant par Pierre Pardon.

En cette période anxiogène qui est la nôtre quoi de mieux pour combattre l’asthénie ambiante et se revigorer que le livre ! Relié ou broché, en format de poche ou en belle édition le livre a l’immense avantage de s’ouvrir un peu partout et en des circonstances plurielles. Lire ou relire c’est vitaminer ses méninges, apprendre, s’émouvoir. C’est explorer des situations, des états d’âme, des univers.

Les lettres et la nature.

Lire ou relire,
Zouzou adore car c’est un loisir peu cher en général ou un moyen de se cultiver tout aussi abordable – les deux à la fois également ! En ce domaine la comédienne a des goûts très variés.
Elle peut s’emballer sur la trajectoire d’une Dora Mar, dévorer toutes les biographies écrites à son sujet et admirer son œuvre photographique puisque cette femme rare ne fut pas seulement une des compagnes de Picasso mais encore une remarquable artiste douée d’une extraordinaire sensibilité.
Même ardeur de sa part en matière de romans.
A son palmarès : Le Clézio, surtout pour ses nouvelles qui disent son sens de la nature, son souci de l’écologie, sa défense de l’humain dans un style limpide et pour la modestie du personnage. Dans un autre genre elle est attachée à Christian Bobin dont elle apprécie l’écriture d’une grande profondeur et la force évocatrice de ses images.
Parmi tous les livres de cet écrivain qui fuit les mondanités parisiennes elle retient : « La folle allure » qui conte l’itinéraire d’une femme libre, intransigeante sur son indépendance.

De l’Allemagne à l’Amérique latine.

En littérature « dite » étrangère – comme si la littérature n’était pas un trait d’union entre les peuples ! – en lettres d’autres pays, d’autres continents, d’ailleurs donc, elle aime Hermann Hesse, auteur allemand de la fin du XIX è siècle et du début du XX è siècle, surtout pour « Narcisse et Goldmund » qui raconte l’histoire de deux hommes que les apparences opposent mais qui ne se sont – peut-être – que le double l’un d l’autre. Hesse, considéré maintenant comme un grand classique du roman germanique, est sans doute trop ignoré en France et en Corse alors qu’il mérite d’être médité parce qu’il aborde avec art des thèmes intemporels qu’il renouvelle. Parce qu’il surprend par son approche pleine de finesse et que sa prose imprègne vite son lecteur ou sa lectrice.

Enfin au top du top de ses livres-passion : « Cent ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez. Livre lu, relu et à relire toujours et encore. A propos de cette œuvre elle s’enflamme : « Elle me transporte du début à la fin par son écriture foisonnante, par son atmosphère, par son histoire, par ses personnages. A chaque fois c’est le même étourdissement et la même lecture jubilatoire ». « Cent ans de solitude » est pour Marie Joséphine Susini une expérience de vie. Elle s’y projette : « Le village du roman, c’est le mien. La maison où se déroule le récit, c’est celle de ma grand-mère… dans la cave… la chambre… le lieu… de l’imaginaire… de l’enfance à l’écart du monde, là où la magie, les croyances côtoient le quotidien, un univers de signes. Là où la poésie pénètre la vie, où le fantastique rejoint le naturel ». Entendre parler la comédienne de l’œuvre de Garcia Marquez ne peut que donner envie de s’y plonger !

Malgré la crise sanitaire pas de temps morts pour Marie Joséphine Susini qu’on peut retrouver sur sa page FaceBook et sur la chaîne YouTube, « Zouzou1998 ».

Michèle Acquaviva-Pache




Les choix de l’actrice

Musique : Paolo Nutini, Julos Beaucarne

Films : « L’incompris », « Le Dictateur », « Le nom de la rose ».


Théâtre : « Salina » de Gaudé. Arts Plastiques : Miro, Camille Claudel.

Livres : « La folle allure » de C. Bobin, « Narcisse et Goldmund » de Hesse, « Cent ans de Solitude » de Garcia Marquez.



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