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Le Macron jacobin seul en piste

Le jacobinisme macronien qui saute aux yeux devrait inciter la majorité nationaliste à se consacrer à une bonne gestion des compétences de la Collectivité de Corse...
Le Macron jacobin seul en piste

Le jacobinisme macronien qui saute aux yeux devrait inciter la majorité nationaliste à se consacrer à une bonne gestion des compétences de la Collectivité de Corse et à attendre des jours meilleurs concernant l’exposé de ses revendication historiques. .

A la mi-janvier, devant les grilles de la Préfecture de Corse, Corsica Libera met en cause la politique de l’Etat en fustigeant l’action quotidienne du Préfet de Corse : « Nous observons le retour de la politique des Gouverneurs.
Les casquettes galonnées de la préfectorale, fidèles porte-paroles du gouvernement, ont en charge de réduire au silence l’exaspération qui monte au sein de toutes les composantes de notre société. »

Quelques jours plus tard, Gilles Simeoni fait de même. Entouré des autres conseillers, le Président du Conseil exécutif dénonce « une situation politique d'une gravité extrême » causée par l’Etat et son principal représentant, déplore un retour au jacobinisme : « C'est la première fois, depuis 1982, qu'un gouvernement fait le choix politique de décider qu'il n'y a pas de question corse et qu'elle ne se pose pas en des termes politiques » et prévient : « En tant que nationalistes, on ne peut pas se satisfaire ni accepter cette situation. »

Corsica Libera emboîtera très vite le pas : « L’heure n’est plus au doigt sur la couture du pantalon mais à l’opposition formelle, lorsqu’elle est nécessaire, entre les forces vives et organisées d’un peuple face au retour même pas dissimulé d’une administration néocoloniale » et ira même jusqu’à remettre le couvert : « L'Etat doit changer de politique en Corse rapidement et prendre les décisions qui s'imposent. Le préfet Lelarge, digne héritier de Bernard Bonnet, doit cesser sa politique pyromane ». Ces virulentes déclarations n’ont pas conduit l’Etat a réagir. A Paris, aucune autorité n’a commenté. Du côté du palais Lantivy, Pascal Lelarge s’en est tenu à déclarer qu’il était soumis à un devoir de réserve. Rien n’a donc indiqué la moindre volonté de changer de cap. En réalité, l’inverse s’est dessiné car un pas supplémentaire a semble-t-il été fait dans le sens d’une politique encore plus jacobine.

Jacobinisme et contrôle politique

Ces derniers jours, il a été annoncé la nomination d’un sous-préfet à la relance dont le rôle ne sera pas de faire de la planche à voile ou de tenir compagnie à Pascal Lelarge. Selon le ressenti de la mouvance nationaliste, ce nouveau venu aura pour mission de renforcer la présence de l’Etat, de flécher l’utilisation de l’argent de la relance et surtout de « squeezer » la Collectivité de Corse dans le droit fil du rejet par Emmanuel Macron du Plan Salvezza et Rilanciu. C’est plutôt bien vu car, du côté du Ministère de la Transformation et de la Fonction publiques, il est indiqué que la mission d’un sous-préfet à la relance est d’accélérer la répartition des crédits de la relance et de dialoguer avec les acteurs de terrain.

Il convient toutefois de souligner que la Corse n’est pas seule concernée. En effet, plusieurs dizaines de sous-préfets à la relance sont entrés en fonction aux quatre coins de l’Hexagone. Certains élus locaux continentaux ont constaté et rappelé que des secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) sont chargés, sous l’égide des préfets de régions, de coordonner les relations entre l’Etat et les conseils régionaux en matière de développement économique. Ce qui les a conduit à suggérer que l’Etat ferait à la fois dans le jacobinisme et le contrôle politique.

Leur analyse a d’ailleurs été validée par Romain Pasquier, entre autres titulaire de la chaire « Territoires et mutations de l'action publique » à Sciences-Po Rennes, membre de l’Institut de la gouvernance territoriale et de la décentralisation et du Conseil de rédaction des revues Pouvoirs Locaux et Politique européenne.

Cet expert a récemment souligné dans un article publié par la très institutionnelle et reconnue La Gazette, que la nomination des sous-préfets à la relance relevait d’une part « d’un signe de défiance vis-à-vis des collectivités alors qu’elles travaillent très bien avec les services déconcentrés de l’Etat » ; d’autre part d’une « intention politique » du gouvernement de contrôler la gestion de la relance, surtout lorsque se trouvent à la tête des régions des opposants déterminés ou de potentiels présidentiables (Valérie Pécresse, Xavier Bertrand).

Mort et enterré !

Une question s’impose alors : est-il pertinent, comme le font Gilles Simeoni et d’autres depuis quelques semaines, de rechercher le dialogue avec l’Etat ou de hausser le ton ? Il est probablement pertinent de ne pas afficher un renoncement total au dialogue ou à ses revendications.
En revanche, rien ne sert sans doute d’espérer obtenir ou forcer la moindre ouverture ou avancée. Etant confronté à la crise sanitaire et à la crise économique et sociale, et aussi à l’opposition de la plupart des présidents de région (de droite, de gauche ou aspirant à prendre sa place), le président de la République a opté pour une recentralisation et même une concentration du pouvoir entre ses mains.
De ce fait, concernant les rapports Etat / Régions, le « en même temps » qui aurait permis d’instaurer plus de pouvoir local a donc évidemment vécu. Il est mort et enterré ! Le Macron jacobin qui a privé les collectivités locales de la taxe d’habitation, leur principale ressource fiscale, reste seul en course. Il a balayé et effacé le

Macron girondin qui, quelques semaines après son élection à la présidence de la République, avait dans le cadre de la réunion du Congrès à Versailles, dénoncé une « centralisation jacobine » traduisant de la part de l’Etat « la peur élémentaire de perdre une part de son pouvoir », avait lancé « Conjurons cette peur ! » et avait appelé à la tenue d'une « Conférence des territoires » devant « donner davantage de latitude aux collectivités territoriales » dans le cadre « de vrais pactes girondins ».

Le jacobinisme macronien qui saute aux yeux de Dunkerque à Toulon, comme d’Ersa à Bunifaziu, devrait inciter la majorité nationaliste au réalisme, c’est-à-dire à se consacrer à une bonne gestion des compétences de la Collectivité de Corse et à attendre des jours meilleurs concernant l’exposé de ses revendications historiques. À qui sait attendre, le temps ouvre ses portes (proverbe chinois).


Pierre Corsi

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