• Le doyen de la presse Européenne

Retour sur la " colonisation de peuplement "

L’article intitulé « La colonisation de peuplement » : une chance pour la Corse, publié il y a trois semaines m’a valu sur Internet d’abondantes réactions qui dénotaient la plupart du temps une lecture partielle et partiale oubliant les guillemets...
L’article intitulé « La colonisation de peuplement » : une chance pour la Corse, publié il y a trois semaines m’a valu sur Internet d’abondantes réactions qui dénotaient la plupart du temps une lecture partielle et partiale oubliant les guillemets du titre. Je tiens donc à faire une ultime mise au point.

Une « colonisation de peuplement » à double sens

On estime qu’au Moyen-Âge un dixième de la population toscane prenait ses racines en Corse. Dès le XVIe siècle, Marseille fut un tremplin pour de nombreux insulaires et cette émigration n’a réellement jamais cessé. En termes de population, nous sommes donc redevables au continent. À tel point que dans l’entre-deux-guerres, des Provençaux « de souche » stigmatisèrent « la colonisation de Marseille par des hordes de Corses ». C’est dire que la bêtise est une donnée largement partagée.


J’ai le souvenir très vif des mobilisations pour la libération d’Edmond Simeoni en 1976 durant lesquelles Max Simeoni nous prédisait la disparition du peuple corse pour les années à venir. C’était il y a presque un demi-siècle. Fin XIXe, la xénophobie anti-italienne battait son plein et des associations « nustrale », dénonçait « l’invasion des Lucchisacci ».

Comme je l’écrivais, le mouvement autonomiste puis nationaliste a toujours cherché des causes de notre marasme ailleurs qu’en nous-mêmes. C’est parfois juste, mais ça ne sert à rien sinon à créer un ressentiment et des attitudes négatives sans lendemain.

La logique imparable du couple vieillissement/appauvrissement d’un territoire

L’histoire des peuples est en grande partie fantasmée. Et malheureusement le fantasme va de pair avec la simplification. Ainsi les notables corses qui furent à l’origine de la révolution dite paoline, pensaient que les Génois étaient la cause de tous leurs malheurs.


La mise en cause de la France fut très tardive et causée par le choc de la francisation. Il y eut ensuite l’attraction de l’unité italienne qui considérait la Corse comme « terra irredente », formule reprise un demi-siècle plus tard par le fascisme italien.

Or, n’en déplaise à nos francophobes acharnés, les chiffres contredisent souvent les idéologies. Une étude démographique de la Corse révèle que la population corse a fait un bond sitôt la paix revenue et passa de 120 000 âmes en 1729, au double en 1845 et à 300 000 en 1900.

Il est vrai que l’immigration italienne a été un facteur d’accroissement. Cette population ne cesse d’augmenter jusqu’à atteindre en 1936 le chiffre de 322 900 c’est-à-dire un chiffre très proche du décompte actuel. De plus, l’étude des patronymes démontre qu’il y a toujours eu un important apport extérieur, facteur de dynamique pour l’économie insulaire.

Intégration ou rejet

La réalité démographique trace aujourd’hui le tableau d’une société en berne. Sans les naissances de personnes issues de l’immigration, notre solde serait largement négatif ce qui aurait des conséquences immédiates : fermeture de maternités, d’écoles et partant l’agonie de nombreux villages. Sans une jeunesse active, nous sommes condamnés à disparaître de vieillesse.


Les Corses ne font plus assez d’enfants. Et, cerise sur le gâteau, nous sommes la région en tête pour les IVG comme d’ailleurs pour les femmes atteintes de cancer du poumon. Quelles sont les propositions des xénophobes corses pour pallier ces inconvénients majeurs sinon étaler leur ressentiment ? Nous avons besoin de ces jeunes couples venus d’ailleurs parce que nous ne sommes plus capables d’en créer in vivo, problème qui touche l’Occident, le Japon et la Russie.


Nous en avons besoin économiquement, démographiquement, mais aussi de façon existentielle. Une partie de notre jeunesse s’en va parce qu’elle veut voir ailleurs. Une île est par essence un monde enfermant. Quant à ceux qui restent, ils grandissent dans un cocon dont la fausse chaleur les empêche de réellement arriver à maturité.


Alors bien entendu qu’il existe une émigration négative.

Je veux parler de ces vieux retraités aisés qui achètent maisons et appartements pour en partie y vivre, en partie pour spéculer (parmi lesquels des Corses d’origine). La question démographique dans son ensemble mérite mieux que l’usage démagogique qui en est fait afin de satisfaire une clientèle électorale qui se satisfait de slogans plutôt que de réflexion objective.

GXC
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