• Le doyen de la presse Européenne

Justices

Une nouvelle religion tente de s'installer en France à la faveur du trouble qui règne dans les esprits.
Justices
Une nouvelle religion tente de s’installer en France à la faveur du trouble qui règne dans les esprits. Elle se nomme la Justice quand on ne l’appelle pas la République qui semblent désigner la même divinité.



L’homme est un animal religieux et même dévot, ce qui ne l’empêche pas de prendre ses aises avec la pratique des cultes qu’il prétend respecter, mais à son rythme.

Les hommes politiques que tolère la société qui s’édifie ainsi sous nos yeux sont donc obligatoirement des officiants de cette croyance.
Comme à l’âge antique, l’Empereur et ses ministres sont également des thaumaturges, des prêtres. C’est ça qui fait que le blasphème devient un crime abominable.
Insulter la République, bafouer la justice, c’est plus qu’un parricide et même qu’un régicide, pour ne pas dire un « crime contre l’humanité » pour utiliser une image qui porte beau, comme on disait à la Belle Epoque.

Seulement voilà, les croyances ont leur limites que sont l’incrédulité, l’athéisme, l’agnosticisme et même le ridicule.

Ami lecteur, fidèle d’entre les fidèles (si je puis me permettre de te tutoyer), souviens-toi de la fête de l’Etre suprême sur le Champ-de-Mars le 8 juin 1794 que Robespierre conduisit dans un accoutrement de pâtre grec, faisant davantage penser à un décor d’opérette qu’au dramatique bain de sang qui était déversé sur le pays à son initiative.

Le 9 thermidor, soit un mois plus tard, la tête du nouvel apôtre rejoindra celles du roi, de la reine et de Danton, dans le panier de Sanson, le bourreau de Paris.

Ce qui arrive aux célébrités des jours heureux passés
, les hommes politiques, les vedettes, les écrivains, déférés au tribunal pour manquements graves et répétés aux règles des nouveaux cultes, devrait nous alerter grandement; les divinités se succèdent à une cadence d’enfer, les dieux ont la bougeotte et leur liturgie s’entremêle.

Ce qu’on devait énoncer hier est hérétique aujourd’hui; l’Ave Maria ne fait plus recette, quel sera le culte de demain? Ainsi que les propos tenus en préambule le laissaient supposer, la République et la Justice sont devenues l’objet d’un culte obligatoire mais tellement imprécis, qu’on peut se demander si, comme le père noël de la chanson de Tino Rossi, sa hotte n’est pas en train de déborder.
A tout culte il faut des objets votifs. Les bouteilles en plastique d’eau bénite à l’effigie de la vierge Marie que l’on distribue à Lourdes et les cristaux décorés que l’on appelle vulgairement des boules à neige, en sont des illustrations possibles.

Demain, d’autres objets représenteront les visages des sacrifiés du jour avec cette même pluie de neige artificielle, qui remémorera pour les générations futures le martyrologue des diverses religions du mot qui se sont succédées au début du XXIème siècle.
J’engage les lecteurs avides de sensations fortes, amateurs de trains fantômes , grandes roues et autres distractions pour les enfants, à lire attentivement le jugement Sarkozy qui circule actuellement à l’initiative d’une âme charitable, à n’en pas douter, sur internet, cet égout social.

Tout y est, la négation de la défense, la rancoeur, l’imputation malveillante, le procès d’intention et le jugement de valeur, tous ces éléments constitutifs du nouveau dogme de la nouvelle religion.
Dans la chaîne des pénitents où se succèdent pour différents motifs sociaux, fiscaux, sexuels, et autres friandises, les personnalités aussi éminentes que Messieurs Depardieu, Polansky, Balkany, Matzneff, Colbert, Voltaire peut-être, (Napoléon bientôt à l’initiative d’un idiot à foulard bleu), on vient de rajouter un ancien Président de la République.

Plus vite , ça lambine! Il manque encore Jésus, le Général de Gaulle, l’abbé Pierre et bien d’autres. Et pourquoi ne pas brûler en place publique le dictionnaire des hommes illustres?

Le nouvel officiant, non encore désigné de ce culte improbable pourra inclusivement prononcer un discours en néolangue, ce qui lui permettra d’inverser les syllabes devant une assistance jappante et médusée. Je propose le Champ-de-Mars pour rendre hommage à Robespierre, ce précurseur.

Et nous serons heureux ! (pour finir avec Boris Vian).


Jean-François Marchi
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