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Crise sanitaire : de l'oxygène à l'anxiolytique

Aprés un an de pandémie et de contraintes, priver des êtres humains du plaisir ordinaire de prendre l'air, peut devenir très dangeureux pour leur psychisme.
Crise sanitaire : de l’oxygène à l’anxiolytique
Après un an de pandémie et de contraintes, priver des êtres humains du plaisir ordinaire de prendre l’air, peut devenir très dangereux pour leur psychisme.

Les reproches culpabilisants et les indignations accusatrices sont de mise contre celles et ceux qui se s’assoient au bord de l’eau ou sous un arbre, ou osent pique-niquer ou boire une bière au soleil. Ces réactions visent même les personnes qui portent le masque ou se tiennent convenablement à distance de leurs semblables.
Pourquoi ces réactions hostiles ? J’ai ma petite idée.
Les autorités tentent probablement de faire oublier les lacunes ou les dysfonctionnements de leur gestion de la crise sanitaire. Madame et Monsieur Tout le Monde craignent sans doute d’être contaminés ou que des relâchements individuels ou collectifs favorisent la formation de clusters. Ces réactions résultent probablement aussi de la frustration car certains d’entre-nous jalousent ceux qui s’affranchissant de la peur ou de l‘autorité, accèdent à un peu de liberté et de bien-être.
Si nous avions la possibilité de nous accouder au comptoir de notre bar préféré, nous entendrions probablement ceci : « Certains profitent du grand air alors que je fais l’effort de rester chez moi. Les gens sortent pour mille mauvaises raisons. Beaucoup, surtout les jeunes, se serrent de trop près et portent mal ou pas du tout masque. Les mesures barrières ne sont pas faites pour les chiens mais c’est tout comme. La police ne fait rien. Moi je dis qu’il faut taper fort ! »


Rien de sensé

Ces réactions ne reposent sur rien de sensé et ce pour plusieurs raisons. D’abord les études scientifiques tendent à montrer que la plupart des clusters n’ont pas pour origine des rassemblements à l’air libre.
C’est dans des lieux fermés et mal aérés que la Covid-19 survit puis se propage ! Mobiliser la police et la gendarmerie pour interdire l’accès aux plages ou aux espaces verts n’est donc pas très utile mais amoindrit la capacité des forces de l’ordre de repérer les bars et restaurants qui restent ouverts derrière le rideau de fer ou de localiser les événements festifs organisés dans des lieux déserts ou à l’occasion de rassemblements familiaux. Il faudrait donc faire moins là où la Covid-19 ne circule pas et plus là où elle galope. Certes des risques de contaminations existent à l’air libre.
Mais cela se limite le plus souvent à de la contamination entre peu d’individus. Une étude portant sur 25 000 cas qui a été déposée en octobre dernier sur une plate-forme accueillant des prépublications consacrée à la recherche médicale (MedRxiv), a d’ailleurs indiqué que seuls 6 % de ces cas pouvaient être directement ou indirectement imputables à une contamination à l’air libre. Et encore s’agissait-il de sites dédiés au sport, à la fête ou à la musique, où le masque n’est guère porté, où la distanciation physique n’est pas respectée, où il est courant de gesticuler, crier et chanter.


Tout cela n’est pas bénin

Alors, comment expliquer que la plupart des nouvelles mesures qui ont été annoncées ces derniers jours concernent la vie quotidienne hors les murs ? Deux hypothèses dominent.
La première est que la circulation et la transmission de la Covid-19 qui interviennent en milieu fermé par projections de gouttelettes via le système respiratoire, sont encore sous-estimées.
La deuxième est qu’il est plus simple d’instaurer un couvre-feu, interdire une plage ou fermer un parc que de repérer les rassemblements clandestins dans des commerces dont les rideaux de fer ont été tirés, dans des locaux désaffectés ou aux domiciles de particuliers.
Tout cela n’est pas bénin. D’abord cela brouille la communication sur l’importance de l’aération des lieux clos car il est difficile d’une part, de recommander le renouvellement fréquent de l’air dans une pièce ; d’autre part, de présenter les lieux au grand air comme étant des zones de transmission importante du virus.
Ensuite cela démoralise car, après un an de pandémie et de contraintes, priver des êtres humaines gens d’un plaisir aussi ordinaire que prendre l’air, peut devenir très dangereux pour leur psychisme. Les empêcher de sortir de chez eux ou de marcher sur une plage, au bord d’une rivière ou sous les arbres, risque de provoquer à la longue une grande souffrance psychique.
Dans la crise sanitaire dont nous souffrons toutes et tous, nous arrivons à un stade où se faire un peu de bien devient primordial voire vital. Ne pas en tenir compte risque de vouer beaucoup d’entre nous à échapper aux lits des services de réanimation mais à occuper ceux du centre hospitalier de Castellucciu ou de la clinique San Ornello.



Alexandra Sereni

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