• Le doyen de la presse Européenne

Questions d'actualité : "Mon neveu , qu'il y a-t-il de plus beau que la vertu ?"

Après cet échange rapide et tellement à propos, Hippolyte Taine fait dire à son personnage Frédéric-Thomas Graindorge : « Mon neveu, un jeune drôle auquel j’alloue une pension avait l’air d’une dinde truffée dans son plat».
Questions d’actualité

- « Mon neveu, qu’il y a-t-il de plus beau que la vertu? - Plaît-il mon oncle? ».


Après cet échange rapide et tellement à propos, Hippolyte Taine fait dire à son personnage Frédéric-Thomas Graindorge : « Mon neveu, un jeune drôle auquel j’alloue une pension avait l’air d’une dinde truffée dans son plat».

C’est bien la question pourtant. La vertu dans tout ça? Il faut bien dire qu’on s’y perd.
Les héros de la nation, jadis cités en exemples universels, les Colbert, Bayard, Napoléon, Clémenceau, de Gaulle, devenus dans le verbiage des commentateurs du jour ses bourreaux, les voyous et les assassins qualifiés abusivement de jeunes par des énonciateurs pusillanimes, les la devenus les le et les uns des unes, ou les deux, la langue se trouve être la seule victime de la rage destructrice qui s’est emparée des consciences. Impuissants et rageurs de ne pouvoir transformer la réalité, nos maîtres et leurs scribes ont donc entrepris de modifier le vocabulaire qui la désigne.
C’est une méthode. L’homme qui a appris au monde l’ordre au moyen du langage retourne au grognement de ses ancêtres. Quand il fallait sérier et distinguer pour pouvoir énoncer, il faut dorénavant confondre et tout rendre imprécis par respect pour les éclopés parce que toute différence soulignée humilie.
Le beau et le laid sont ainsi réunis, ce qui veut dire que le monde grec est définitivement mort. La tatane substitue la chaussure quand le haillon subroge la vêture.

Revenons à la vertu.
Comprendre étant par définition plus compliqué et donc plus fatigant que juger (cette commodité), il est à redouter que ne s’instaure une égalité dans l’imbécillité dont la seule hypothèse est un pur cauchemar.
La vertu ? Point n’est besoin de la chercher trop loin. Sa carence éclate aveuglément, si j’ose avancer cette apparente contradiction. Après avoir banni la logique du cogito, trop méprisante aux yeux des bonnes âmes, c’est à la notion même de société ordonnée que s’attaquent aujourd’hui les nouveaux vandales.

Toute l’histoire est à revoir à l’aune de la pitié compassionnelle. Les cérémonies prévues pour le bicentenaire de ce bâtisseur que fut Napoléon se trouvent donc attaquées et remises en cause par sa prétention même d’avoir voulu ordonner le chaos. Un idiot galonné à foulard bleu mène la danse dans ce combat analphabétique.
Ce sera l’occasion de jauger la fermeté et le courage de ceux qui nous gouvernent. Le défunt maître de ce sieur s’étant illustré en omettant de célébrer la bataille d’Austerliz, nous aurons la toise exacte de la vertu précédemment évoquée pour juger sur pièce qui nous parle.
Juger qui nous parle ? Qui se pousse du col à vouloir nous parler plutôt! Bref les temps sont durs. Le serpent de mer du confinement servant également à faire perdre leur latin à ceux qui en ont encore gardé des bribes, que dire de plus?

Il faut revenir à l’effrayante période qui succéda à l’écroulement de l’ordre européen au VI et VII ème siècle pour avoir une idée de ce qui nous attend, pour peu qu’on ait encore des livres non caviardés pour nous enseigner notre passé. Comme à l’époque carolingienne, le monde romain est à deux doigts de disparaître, et la perte du langage est l’arme la plus redoutable utilisée par ses détracteurs pour le subvertir.

Il n’est pas inintéressant de souligner que les périodes d’effondrements culturels et sociaux ont été souvent accompagnées de grandes épidémies
.
Peut-être ne font-elles que commencer? Garez vos livres, planquez vos DVD, cachez vos films, car ils seront demain le signe d’un ordre ancien répudié et honni.
On est loin évidemment de l’exaltante période de la construction initiée fort à propos par l’héritier d’Auguste, dont on s’apprête à célébrer le souvenir, pour peu qu’on en ait le courage.

J’engage vivement le lecteur à se précipiter pour dévorer « Vie et Opinions de Frédéric-Thomas Graindorge » d’Hippolyte Taine, certainement disponible chez tous les bons libraires. La lecture d’Hippolyte Taine est du genre ironique et roborative, c’est tout ce qu’il nous faut dans cette période désolée.


Jean-François Marchi
Partager :