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Le retour de la droite ?

L'opération Marcangeli, visant à regrouper la droite, pourrait mettre en péril l'actuelle majorité nationaliste
Le retour de la droite ?
L’opération Marcangeli, visant à regrouper la droite, pourrait très bien mettre en péril l’actuelle majorité nationaliste. Analyse d’une dynamique.

Une île de droite


Si on accepte de ne pas se fier aux apparences, la Corse est indubitablement une île de droite. Peu importe, le jeu de bascule des clans.
Au lendemain de la guerre, salie par sa politique de collaboration active, le clan des Noirs, celui des gavinistes, des pietristes et in fine de Camille de Rocca Serra, avait passé alliance avec un Parti communiste en pleine ascension.
Les Giacobbistes se proclamaient gaullistes. Puis, peu après 58, c’est la bascule. Les giacobbistes, c’est-à-dire les landrystes prennent une étiquette de gauche et les rocca-serristes s’affichent gaullistes.
Les étiquettes sont ici trompeuses, car, en fait, notre électorat est profondément individualiste. Il faut comme toujours éviter de trop généraliser, mais, tout de même, quand on consulte le résultat des élections depuis un demi-siècle on décèle une constante conservatrice. C’est en chevauchant cette tendance de fond que la droite peut battre les nationalistes aux prochaines territoriales. Encore faudra-t-il qu’il domine un démon qui leur a souvent fait mordre la poussière : celui de la jalousie et de la division. C’est d’ailleurs un mal généralisé qui traverse toutes les familles politiques.

Néanmoins, cette famille politique possède aujourd’hui plusieurs atouts qui sont loin d’être négligeable : le bilan plus que médiocre des nationalistes, l’inexistence sidérale de la gauche et un mouvement nationaliste qui, malgré l’apparence est profondément divisé.

Ajaccio n’est pas Rome


Ajaccio est en Corse un isolat citadin.
Bastia est tourné vers la Toscane et, de ce fait, possède une culture populaire.
Porto Vecchio, hier port insalubre, s’est imposé comme la capitale de l’extrême-sud et a même marginalisé Bonifacio. Corte ne serait qu’un gros bourg de montagne si la ville n’avait pas accueilli l’Université.
Quant à la Balagne, elle forme un ensemble trop exigu pour être vraiment vivable, mais néanmoins cohérent. Le pays ajaccien n’est pas Ajaccio, car Ajaccio ne repose sur rien et a même entretenu dans le passé des rapports antagoniques avec les villages des alentours. Les grandes familles de la ville impériale ne pouvaient étaler de puissance que si elles avaient à leur côté les parentèles « campagnardes ».
Marcangeli l’a compris qui a lancé sa campagne dans son village d’origine, Rezza. C’est une manière de proclamer qu’il n’est pas seulement le maire d’Ajaccio, mais qu’il a vocation à un jour diriger l’exécutif corse. Les nationalistes ont commis beaucoup d’impairs. Mais il me semble que l’essentiel est de ne pas avoir compris que la Corse sans la France était réduite aux acquêts.
Nul ne sait ce qu’il adviendra aux élections présidentielles de 2022. Les chances de Marine Le Pen grandissent au fur et à mesure que l’équipe présidentielle accumule les échecs en matière sanitaire. Mais, quel que soit le vainqueur, il faudra bien que l’exécutif d’alors parvienne à des relations sinon harmonieuses du moins courtoises avec Paris. Cela risque de devenir très compliqué pour les nationalistes s’ils restent coincés dans leur attitude d’opposition idéologique. Passer des compromis ne signifie pas se compromettre.
Et les familles politiques qui parviennent à l’exécutif devraient se persuader que dès lors qu’elles sont au commandement, leur devoir n’est pas de favoriser leur famille, mais de rendre la vie des Corses plus facile. Ajaccio n’est pas Rome. C’est une petite ville de province qui, surtout dans les circonstances actuelles, n’a guère d’autres possibilités que de vivre de la solidarité nationale.

Les jeux ne sont pas faits


Les années passées ont été particulièrement éprouvantes pour toutes celles et tous ceux qui espéraient que le mouvement nationaliste allait changer la donne au quotidien. Corsetés dans leur doxa, se méfiant les uns des autres, ils n’ont pas su impulser une dynamique populaire.
La droite fera-t-elle mieux ? Au vu des expériences passées, on peut en douter. Il va lui manquer les ténors d’autrefois, mais surtout elle va se heurter aux doutes, aux hésitations, à la procrastination du pouvoir parisien.
Nous possédons certes une énergie propre, mais, de tout temps, nous avons profité de celle de la puissance tutélaire. Quand la France est malade la Corse souffre, car ses revendications ressemblent aux bêlements d’un veau qui cherche à téter un pis ami. De plus, la campagne risque bien d’être perturbée par la Covid. Les jeux ne sont pas faits.
Mais le mouvement nationaliste va devoir souquer ferme pour remonter le courant. Ça ne fera pas de Marcangeli une force positive, mais un réceptacle des déceptions. Cela peut suffire pour l’emporter.

GXC
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